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Polémique

Publié le 31 mai 2012Lecture 8 min

Dénervation rénale par voie endovasculaire : un avenir prometteur à préserver ?

F. BARBOU, Hôpital d’Instruction des Armées du Val de Grâce, Paris

Le monde de la cardiologie interventionnelle est toujours prompt à s’enthousiasmer pour les nouvelles techniques. La perspective de traiter définitivement les patients hypertendus par voie endovasculaire suscite de grands espoirs et ne laisse aucun d’entre nous indifférent. Mais ne nous trompons pas de cible au risque de sacrifier la technique par excès d’enthousiasme car, aujourd’hui, les preuves cliniques doivent faire réserver la dénervation rénale aux hypertendus résistants, population que nous devons apprendre à connaître et à traiter.
Cet enthousiasme touche aussi nos partenaires industriels qui devraient dans les mois à venir proposer chacun leur matériel. Gardons-nous de transposer les résultats cliniques d’un matériel à un autre, car il n’existe à ce jour aucun critère de succès perprocédural.

Hypertension artérielle et système nerveux sympathique L’hypertension artérielle (HTA) est responsable de 7 millions de décès par an soit près de 13 % de tous les décès. Malgré le traitement médical, on estime que moins de 50 % des patients traités ont une pression artérielle (PA) contrôlée (< 140/90 mmHg en consultation)(1). Le mauvais pronostic des patients non contrôlés a conduit à s’intéresser de nouveau au système nerveux sympathique rénal (SNSR). De nombreuses expérimentations animales ont montré que le SNSR joue un rôle important dans la régulation de la PA mais aussi que son interruption est bénéfique sur le contrôle de l’HTA. Chez l’homme, la relation directe entre l’activité sympathique et le niveau d’HTA est bien établie et l’efficacité de l’interruption du SNSR est documentée par les résultats de la sympathectomie chirurgicale. Celle-ci a montré dans les années 1950 son efficacité sur le contrôle des HTA sévères et l’amélioration de la survie(2,3). Cette intervention a toutefois été abandonnée dans les années 1970 devant l’avènement de médications plus efficaces et en raison d’une morbidité rédhibitoire (hypotension artérielle orthostatique, incontinence, impuissance). De la même façon, de nombreuses observations soulignent le bénéfice de l’interruption du SNSR sur le contrôle de l’HTA après néphrectomie ou transplantation rénale. L’hypertonie sympathique rénale n’est toutefois pas uniforme en fonction du type de patient hypertendu : peu augmentée chez le sujet âgé, souvent prépondérante aux premiers stades de l’hypertension et chez le patient porteur d’un syndrome métabolique. On peut donc s’interroger sur l’efficacité de la dénervation rénale en fonction du degré d’hypertonie sympathique rénale, en sachant qu’aujourd’hui il n’est pas possible de mesurer ce tonus en pratique courante. Preuves cliniques de la dénervation rénale par radiofréquence La localisation des fibres sympathiques rénales et leur sensibilité à la radiofréquence ont conduit au développement d’un cathéter de radiofréquence (figure 1) permettant de détruire par voie endovasculaire les fibres sympathiques rénales qui cheminent autour des artères rénales (cathéter Symplicity®, Medtronic). Deux études cliniques ont évalué les effets de la dénervation rénale par radiofréquence (DRR) chez des hypertendus résistants : SIMPLICITY 1(4) et SIMPLICITY 2(5). Dans les deux études, les patients inclus avaient une hypertension résistante définie par : – PA systolique de consultation (moyenne de 3 mesures) supérieure à 160 mmHg ou supérieure à 150 mmHg chez le diabétique ; – traitement par au moins trois médicaments antihypertenseurs devant comporter un diurétique ; – persistance de l’HTA non contrôlée après un suivi de 15 jours ; – bonne observance thérapeutique ; – DFG > 45 ml/min/1,73 m².   Figure 1. Cathéter d’ablation Symplicity® et générateur (Medtronic). SIMPLICITY 1 Cette étude pilote de faisabilité non randomisée (cohorte initiale de 45 patients étendue par registre à 153 patients), a montré, sous réserve du maintien du traitement antihypertenseur, une baisse moyenne des pressions systolique et diastolique à 1 an de respectivement -27 et -17 mmHg ; 13 % des patients sont considérés comme non répondeurs (diminution de la PAS < 10 mmHg). À 3 ans (ACC 2012), la baisse de la PA est de -33/-19 mmHg (n = 24) avec 100 % de patients répondeurs (figure 2).     Figure 2. SYMPLICITY HTN-1, baisse de la pression artérielle à 3 ans (Krum, ACC 2012). SIMPLICITY 2 Il s’agit d’une étude randomisée chez des hypertendus résistants, comparant 52 patients traités par DRR à 54 patients traités médicalement. À 6 mois, la baisse de PA est de -32/-12 mmHg dans le groupe DDR pour -0/-1 dans le groupe traitement médical. À 1 an (ACC 2012), la réduction moyenne de la PA est de -28/-10 mmHg (n = 47). Sous réserve du faible nombre de patients inclus dans ces études, la procédure semble relativement sûre puisqu’il n’est observé qu’une dissection de l’artère rénale liée à la manipulation du cathéter guide et 3 faux anévrismes fémoraux. Aucun cas de sténose d’artère rénale postprocédure n’est documenté chez les patients suivis par écho-Doppler. Il n’est pas noté d’hypotension orthostatique ou de dégradation de la fonction rénale. Les résultats de ces deux études sont encourageants mais suscitent encore de nombreuses interrogations. • En termes d’efficacité, car le recours à la mesure ambulatoire de la PA (MAPA) est insuffisant tant pour la sélection que pour le suivi. • Pour la prise en charge médicale, car la prescription d’antialdostérone (recommandée pour le traitement de l’HTA résistante) n’est que d’environ 20  %. • Chez les non-répondeurs, car il n’existe aujourd’hui pas de méthode permettant d’affirmer que la dénervation est complète. • Pour le suivi, car la recherche d’une sténose rénale cicatricielle n’est pas systématique et l’effet à long terme sur la PA encore inconnu. • Enfin, l’interprétation des résultats de petits registres monocentriques doit être faite avec prudence car les populations de patients inclus sont souvent très hétérogènes et ne correspondent pas toujours aux patients de SIMPLICITY. Pour quels patients ? Ces résultats cliniques prometteurs, mais aussi ces limitations, ont conduit un groupe d’experts à rédiger des recommandations (www.sfcardio.fr, www.sfhta.org). Les indications en 2012 sont résumées dans l’encadré. On retiendra que la DRR doit être discutée de manière pluridisciplinaire chez les hypertendus non contrôlés sous quadrithérapie (dont un diurétique) comportant ou ayant comporté de la spironolactone. Les patients ayant une HTA secondaire, une insuffisance rénale (DFG < 45 ml/min/1,73 m2), un ou deux reins non fonctionnels, un antécédent d’angioplastie rénale ne relèvent pas, en 2012, de la DRR. Le patient non observant reste encore une non-indication car l’efficacité de la DRR est prouvée sous réserve du maintien (et donc de la prise) du traitement antihypertenseur. Technique Lorsqu’un patient semble éligible à la DRR, la première étape est de s’assurer que son anatomie artérielle rénale est compatible avec la technique. L’angioscanner aura pour but de s’assurer que les artères ont un diamètre de plus de 4 mm, une longueur de plus de 20 mm. Il permettra de repérer d’éventuelles calcifications, une artère rénale accessoire, d’éliminer une sténose ou une fibrodysplasie. La deuxième étape doit permettre une information éclairée du patient qui doit avoir compris les limites de la technique et notamment le recul encore limité. La procédure étant très douloureuse, celle-ci est réalisée sous anesthésie générale. La voie d’abord est fémorale 6 F car la longueur des cathéters ne permet pas encore l’abord radial. Après anticoagulation efficace, le cathéter d’ablation est introduit dans l’une des artères rénales par l’intermédiaire d’un cathéter guide 6 F (figure 3). Quatre à 6 tirs seront réalisés de la distalité vers l’ostium en respectant une distance de 5 mm et une rotation de l’électrode de 60° à 90° entre chaque tir (application punctiforme du courant de radiofréquence suivant un motif hélicoïdal, figure 4). Un tir dure 2 minutes et délivre une énergie automatiquement adaptée par le générateur (max 8 W). Le succès de chaque tir est confirmé par la chute de l’impédance qui doit être stable avant le tir. Les deux artères rénales doivent être traitées. En présence d’une artère accessoire, seule l’artère principale doit être abordée. La durée moyenne de la procédure est de 40 minutes. En fin d’intervention, il n’existe aucun moyen de s’assurer que la dénervation est efficace et complète. L’opérateur doit être en mesure de gérer les complications et notamment la dissection d’une artère rénale.   Figure 3. Mise en place du cathéter Symplicity® dans l’artère rénale (source Medtronic). Figure 4. Réalisation de 4 tirs de radiofréquence dans l’artère rénale droite. Chaque tir est espacé de 5 mm avec rotation de l’électrode de 90°. Suivi des patients Après DRR, l’efficacité du traitement doit être évaluée par MAPA ou automesure. Ce suivi doit être prolongé car l’effet de la DRR sur la PA est retardé de plusieurs mois, et peut-être même années, chez les patients initialement « non répondeurs ». Le traitement antihypertenseur ne devra donc être diminué que devant une hypotension documentée. Un contrôle de la fonction rénale est souhaitable à 6 mois puis une fois par an. Enfin, une recherche de sténose cicatricielle des artères rénales devra être réalisée après 1 an et 3 ans (angio-TDM ou angio-IRM). Un registre indépendant français devrait débuter en fin d’année avec pour objectif l’inclusion de tous les patients traités par DRR quels que soient la technique ou le protocole. Indications de la dénervation rénale par voie endovasculaire dans le traitement de l’HTA en 2012 (consensus d’experts). En 2012, le consensus d’experts limite l’indication de la technique de dénervation rénale aux patients qui ont une HTA essentielle non contrôlée sous quadrithérapie ou plus : ✓ Avec un traitement comportant au moins un diurétique. La spironolactone à la dose de 25 mg ayant été inefficace. ✓ Avec au moins une PAS > 160 mmHg et/ou une PAD > 100 mmHg en consultation et confirmation d’une PAS > 135 mmHg et d’une PAD > 85 mmHg en automesure ou par MAPA (période diurne). ✓ Avec débit de filtration glomérulaire > 45 ml/min/1,73 m². ✓ Avec anatomie des artères rénales compatible avec l’intervention. ✓ Avec la présence de 2 reins fonctionnels de taille ≥ 90 mm. ✓ Ayant bénéficié, avant la procédure, d’une exploration des artères rénales par une technique d’imagerie radiologique (angio-TDM, angio-IRM ou artériographie). ✓ Avec une absence d’antécédents d’angioplastie/stent sur les artères rénales cibles. ✓ Avec une voie d’abord compatible avec l’intervention. ✓ Avec une indication posée après discussion multidisciplinaire incluant un médecin ayant une pratique et une compétence dans la prise en charge des patients avec HTA. La technique de dénervation rénale ne peut s’appliquer chez les patients hypertendus ayant : ✓ Une sténose d’une artère rénale > 30 %. ✓ Une dysplasie fibromusculaire artérielle rénale. ✓ Un âge de moins de 18 ans. ✓ Une grossesse en cours. Conclusion La dénervation rénale doit à ce jour être réservée aux patients hypertendus sévères résistants, population en impasse thérapeutique dont on connaît le mauvais pronostic. Les résultats de l’étude SIMPLICITY HTN 3 (multicentrique, prospective, randomisée, en simple aveugle avec groupe contrôle) sont attendus fin 2013 et devraient consolider les données cliniques disponibles. L’innovation technologique devrait rendre la procédure plus courte et peut-être encore plus sûre mais nous sommes toujours en attente de critères permettant d’affirmer le succès de la dénervation en fin d’intervention.

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