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Polémique

Publié le 10 juin 2018Lecture 6 min

Sur quels arguments l’anticoagulation après une ablation de FA ?

Frédéric TRÉGUER, Clinique Saint-Joseph, Angers

Le risque thromboembolique de la fibrillation atriale (FA) est évalué à 5 % par an et sa prévention par un traitement anticoagulant repose sur le score de CHA2DS2-VASc. L’ablation de la FA qui permet souvent d’interrompre le traitement antiarythmique autorise-t-elle aussi l’arrêt du traitement anticoagulant et si oui, sur quels arguments ?

Données bibliographiques Même si une analyse post-hoc de l’étude AFFIRM avait montré une diminution significative du risque d’AVC chez les patients en rythme sinusal(1), aucun essai randomisé n’a à ce jour démontré de réduction de ce risque après ablation de FA. Les études observationnelles suggèrent pourtant un effet bénéfique de l’ablation sur la survenue des accidents thromboemboliques. Les données d’un registre multicentrique international publiées en 2012 par R. Hunter et al.(2) avaient montré les résultats chez 1 273 patients âgés de 58 ± 11 ans et ayant bénéficié d’une ablation de FA (paroxystique dans 56 %). Le nombre moyen de procédures était de 1,7 ± 0,8 pour les FA paroxystiques et 1,9 ± 0,9 pour les FA persistantes et le suivi moyen de 3,1 ans. L’absence de récidive de FA avait pu être obtenue pour 85 % des FA paroxystiques et 72 % des FA persistantes et était un facteur prédictif indépendant de l’absence de survenue d’AVC (OR = 0,30 ; IC : 0,16 à 0,55 ; p < 0,001). Dans cette cohorte le taux d’AVC était significativement plus faible que celui d’une population de patients en FA appariés traités médicalement de l’Euro Heart Survey (2,8 % et 5,3 %, respectivement ; p < 0,0001). En revanche les taux de décès et d’AVC de la population ablatée n’étaient significativement pas différents de ceux de patients sans FA après appariement (0,4 et 1 % respectivement). Une seconde étude publiée en 2013 par T.J. Bunch et al.(3) avait comparé les taux d’AVC chez 4 212 patients consécutivement ablatés de leur FA à ceux de 16 848 patients contrôles en FA appariés et à ceux de16 848 patients contrôles sans FA également appariés. Les taux d’AVC des patients ablatés étaient significativement plus bas que ceux des patients non ablatés (1,4 % vs 3,5 % ; p < 0,0001) et comparables à ceux des patients sans FA (1,4 %). Une des principales limites, outre le caractère rétrospectif et non randomisé de ces études, était un score de CHADS2 bas (CHADS2 = 0,7 ± 0,9 dans la première étude et 60 à 70 % de CHADS2 à 0 ou 1 dans la seconde étude). Données physiopathologiques La sidération atriale et la présence de l’auricule gauche sont responsables d’un effet prothrombotique mécanique de la FA. Cependant, les données physiopathologiques montrent qu’une partie de la thrombogénicité est également induite par certaines comorbidités et des prédispositions génétiques(4). Ceci suggère que même en cas de succès d’une stratégie de contrôle du rythme par ablation, le risque thromboembolique peut persister. Ces données expliquent en partie les résultats de l’étude ASSERT(5), dans laquelle il n’a pas été retrouvé de corrélation temporelle entre la survenue d’une FA et la survenue d’un AVC ischémique. En effet, seulement 8 % des patients avait présenté un épisode de FA dans les 30 jours précédant la survenue de l’accident cérébral. Il semble donc exister dans la FA une hypercoagulabilité indépendamment de l’épisode arythmique. Sur ces constatations, l’équipe de T.J. Bunch a proposé dans un éditorial récemment publié(6) une répartition physiopathologique de la FA en deux catégories : • la FA est une maladie électrique isolée et considérée comme un facteur de risque ; • la FA est une maladie systémique et s’inscrit comme un marqueur de risque embolique. Dans le premier cas uniquement, une stratégie de contrôle du rythme permettrait de réduire le risque embolique (figure). Figure. Considérations mécanistiques sur la fibrillation atriale en tant que maladie focale et facteur de risque (gauche) et en tant que maladie systémique et marqueur de risque (droite). Adapté de Jared T. Bunch et al.(6). Recommandations Conformément à la conférence de consensus 2017 HRS/EHRA/ECAS/APHRS/SOLAECE sur l’ablation de la FA(7) et aux recommandations 2016 de l’ESC(4), le traitement anticoagulant doit être maintenu pendant 2 mois chez tous les patients ayant bénéficié d’une ablation. Au-delà de ce délai, les critères utilisés sont ceux du score de CHA2DS2-VASc selon les mêmes modalités que pour les patients non ablatés, et quel que soit le résultat de la procédure ablative. Ces recommandations sont donc renforcées par les données physiopathologiques puisque le score de CHA2DS2-VASc estime le risque embolique en fonction des comorbidités associées à la FA. L’évaluation du risque embolique au-delà des scores D’autres critères ont été décrits comme étant associés à un risque thromboembolique accru dans la FA et leur absence pourrait être utilisée pour décider au cas par cas de stopper un traitement anticoagulant après ablation de FA. La fibrose atriale Elle a fait l’objet de plusieurs travaux notamment au sein de l’équipe du Dr Marrouche. Ces études ont montré que l’importance de cette fibrose définie par les stades UTAH(8) était un facteur prédictif indépendant de survenue d’AVC et de récidive de FA après une ablation. La présence de cette fibrose témoigne de l’existence d’une pathologie atriale dans laquelle la FA ne serait que le symptôme électrique d’un syndrome FA(9). Ainsi, l’absence ou une faible quantité de fibrose atriale à l’IRM pourrait, selon ces auteurs, servir de critère pour arrêter le traitement anticoagulant après ablation. Ce paramètre très prometteur pour évaluer le risque embolique pose toutefois le problème de sa disponibilité en routine. La charge en FA Elle semble être associée à un risque thromboembolique accru. C’est ce qui ressort des résultats de l’étude ASSERT(5) dans laquelle une durée de FA > 6 minutes était associée à un risque embolique majoré. Ce seuil de 6 minutes est actuellement utilisé pour débuter un traitement anticoagulant quand des épisodes de FA sont détectés dans les mémoires d’un Holter ou d’un stimulateur/défibrillateur cardiaque. Le type de FA Historiquement, le risque embolique a toujours été considéré comme étant indépendant du type de FA. Dans une métaanalyse publiée en 2016, le risque relatif d’accident embolique de 99 996 patients (12 études) était significativement plus élevé si la FA était persistante par rapport à une FA paroxystique (RR = 1,384 ; IC 95 % : 1,191–1,608 ; p < 0,001)(10). Les critères morphologiques Quatre principales morphologies d’auricule gauche ont été décrites (manche à air, cactus, chou-fleur, aile de poulet). La forme dite « en aile de poulet » qui est la plus fréquente (48 %) est associée à un moindre risque embolique. Des auricules gauches avec une base plus large et un aspect plurilobé sont associés à un risque embolique plus important(11). Certains auteurs proposent d’interrompre le traitement anticoagulant en cas de score de CHA2DS2-VASc < 2 si l’auricule a une forme « en aile de poulet »(12). Un diamètre d’oreillette gauche > 45 mm, des vitesses basses dans l’auricule gauche < 20 cm/s et la présence d’un contraste spontané sur une échographie cardiaque transœsophagienne sont également associés à un risque embolique accru(13) et n’incitent souvent pas à stopper les anticoagulants y compris en cas de succès de l’ablation. Les critères biologiques Des taux de troponines US, de NT-proBNP et d’interleukine 6 élevés sont associés à un risque embolique majoré(13). Les critères réversibles Une hypertension artérielle mal équilibrée et un syndrome d’apnées du sommeil non appareillé sont eux aussi associés à un risque embolique plus important mais peuvent bénéficier d’une prise en charge adaptée. Conclusion Même si certains critères cliniques, morphologiques et biologiques sont associés à un risque thromboembolique élevé, le score de CHA2DS2-VASc doit toujours être utilisé pour décider du maintien ou non du traitement anticoagulant au-delà du 2e mois après une ablation de FA Des études randomisées seront nécessaires pour nous aider à déterminer chez quels patients ce traitement pourrait être raisonnablement interrompu.

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