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Technologies

Publié le 15 oct 2022Lecture 6 min

L'électroporation : le futur de l’ablation des troubles du rythme cardiaque ?

Stéphane COMBES, Serge BOVEDA, département de Rythmologie, Clinique Pasteur, Toulouse

L’électroporation est apparue dans la rythmologie pour la première fois dans les années 1980. Son développement s’est heurté à des difficultés techniques au profit d’autres énergies comme la radiofréquence ou la cryoablation qui représentent les énergies les plus largement utilisées actuellement. Cette technique ablative semble aujourd’hui arrivée à maturité notamment au regard de sa sécurité d’utilisation et son efficacité.

Cette revue sera dédiée à cette « nouvelle » énergie alternative non thermique et à ces champs d’application dans la rythmologie plus particulièrement dans la fibrillation atriale.   Généralités sur l’électroporation   Technique d’ablation à énergie non calorique, au contraire de la radiofréquence ou de la cryoablation, l’électroporation utilise un champ électrique pulsé de haute amplitude. Son effet lésionnel provient de l’augmentation de la perméabilité de la membrane cellulaire par la formation de pores membranaires (figure 1). Il est intéressant de noter que cet effet cellulaire peut être plus ou moins réversible en fonction de l’intensité du champ électrique produit et de la sensibilité du tissu cible(1). Il est à souligner que le tissu myocardique semble avoir une sensibilité à l’électroporation tout à fait particulière au contraire d’autres tissus comme l’endothélium vasculaire ou le système nerveux(2). L’effet lésionnel spécifique induit de cette ablation sur le tissu cardiaque serait alors présent sans les effets néfastes sur les tissus ou organes avoisinants (vaisseaux coronaires, œsophage, veines pulmonaires) souvent redoutés au cours d’une procédure d’ablation notamment de fibrillation atriale(3). Figure 1. Mécanismes d’actions cellulaires de l’ablation par électroporation. Effet irréversible ou réversible fonction des caractéristiques du champ électrique induit. Un autre avantage est enfin à signaler. À l’inverse de la radiofréquence, l’électroporation est une énergie qui ne produit que peu de chaleur locale, incriminée dans la formation de nécrose de coagulation, hypothèse histologique de la sténose de veines pulmonaires ou du syndrome de « l’oreillette rigide ». La délivrance de ce champ à haute tension reste un défi technique. Son intensité et son effet dépendent de très nombreux paramètres tels que la durée d’application (nanoseconde, microseconde, milliseconde), le niveau de tension (de 1 à 10 kV ou plus), la forme et la pente de l’onde, son caractère mono ou biphasique, le nombre d’impulsions (de 1 à 100), le nombre de phases et leur délai. Chacune de ces variables va pouvoir être modifiée pour obtenir l’effet tissulaire optimal souhaité. La combinaison entre ces multiples paramètres et les caractéristiques tissulaires auxquelles doivent s’ajouter le design des électrodes délivrant le champ électrique (circulaire, linéaire), restent complexes à déterminer mais fondamentales à la sécurité d’utilisation de cette technique.   L’électroporation : la promesse d’une ablation sûre et sélective dans la fibrillation atriale paroxystique   C’est dans les années 1980 qu’elle a été utilisée pour la première fois dans l’ablation des troubles du rythme cardiaque. Gallagher JJ et al.(4) ont proposé son utilisation dans l’ablation de la jonction nodohissienne. Son développement dans la rythmologie va être ralenti ensuite par ses difficultés d’utilisation et de réglage au profit de la radiofréquence. Parallèlement, elle prendra un essor important dans la cancérologie pour le traitement des tumeurs solides (effet irréversible par nécrose/apoptose) ou dans la biologie cellulaire pour le transfert intracellulaire de gènes, de métabolites ou d’anticorps (augmentation simple de la perméabilité membranaire). La société Farapulse (Boston Scientific) a été pionnière en 2012 dans l’utilisation de l’électroporation à visée ablative avec le développement d’un cathéter Farawave™ dédié à l’ablation de la fibrillation atriale (figure 2) qui a obtenu un marquage CE en 2021. Figure 2. Cathéter Farawave™ (Boston Scientific) pour la délivrance du champ électrique aux veines pulmonaires. Deux positions possibles : « fleur » ou « basket ». Après des travaux histologiques chez l’animal confirmant son innocuité(5-6), la synthèse des premiers essais cliniques chez l’homme IMPULSE, PEFCAT et PEFCAT II ont été publiés en 2021(7). Ils ont inclus un total de 121 patients en fibrillation atriale paroxystique. L’isolation antrale des veines pulmonaires a pu être atteinte initialement chez 100 % des patients. Une nouvelle exploration électrophysiologique de l’oreillette gauche (OG) à 3 mois a pu être effectuée chez 110 patients confirmant un taux persistant de déconnection des veines de 96 % (pour les 44 patients traités avec la forme d’onde électrique biphasique optimisée). Il faut noter qu’il est aussi mis en lumière dans ce travail l’absence de retentissement de l’ablation sur les structures adjacentes par l’absence de lésion œsophagienne lors de la réalisation sur 38 patients d’une endoscopie ou d’embole cérébral (18 patients bénéficieront d’une IRM cérébrale). Enfin, un suivi à 1 an retrouve une efficacité comparable en termes de récidive de fibrillation atriale (FA) aux autres grandes études sur le sujet avec la radiofréquence ou la cryoablation (taux moyen de 85 ± 6 % des patients sans arythmie atriale). Avant la finalisation d’études randomisées telles que BEAT-AF, ADVENT dont les résultats sont attendus pour fin 2023, des études rétrospectives de large cohorte confirment l’efficacité et la sureté de cette énergie « dans le monde réel » pour l’isolation des veines pulmonaires. MANIFEST-PF(8) publiée en 2022 a inclus 1 758 patients sur 24 centres européens. Il a été observé 99,9 % de déconnection veineuse peropératoire pour une durée de procédure moyenne de 65 min. Il n’a pas été noté de complications oesophagienne ou phrénique. Les autres complications connues telles que l’accident vasculaire cérébral (0,4 %), la tamponnade (0,97 %) ou les problèmes vasculaires de voie d’abord (3,3 %) étaient comparables aux autres études sur le sujet. Les autres grands industriels de la rythmologie développent aussi dans l’ablation de la FA leur dispositif d’électroporation, mais aucun à ce jour n’a obtenu le marquage CE.   Une ablation possible au-delà des veines pulmonaires ?   Il semble inéluctable que cette technique se développera dans les prochaines années dans la prise en charge d’autres troubles du rythme.   L’ablation de la fibrillation atriale persistante reste un défi Ses résultats ne sont pas encore comparables à l’ablation de FA paroxystique malgré l’avancée des connaissances. L’ablation par champ électrique a été utilisée dans cette indication lors d’un travail publié en 2020(9). Vingt-cinq patients ont pu bénéficier de l’isolation des veines pulmonaires (VP), de l’isolation du mur postérieur de l’OG et de l’ablation de l’isthme cavotricuspide. Sur ce petit effectif, on a pu déjà constater que l’électroporation pouvait être dans l’ablation de FA persistante, une technique efficace, sûre et permettait une ablation durable dans le temps : 100 % des patients avaient toujours à 3 mois une déconnection des VP et du mur postérieur isolé (figure 3). Figure 3. Cartes électroanatomiques réalisées avec le système CARTO® 3 (BioSense) et Precision™ (Abbott) pendant l’ablation (A-C) et 3 mois après (B-D). Elles confirment la pérennité des lésions effectuées au niveau des VP et du mur postérieur de l’oreillette gauche. Cas décrits dans la littérature Quelques cas d’ablation de flutter gauche dépendant du toit ou l’isthme mitral (figure 4)(10), ou encore d’ablation dans l’oreillette droite de tachycardie atriale réfractaire à une prise en charge classique par radiofréquence ont été décrits (figure 5). On ne voit pas pourquoi elle ne serait pas utilisée dans le futur pour l’ablation des voies accessoires. Figure 4. Carte d’activation sous système de cartographie (CARTO® 3, BioSense). Elles dévoilent un flutter gauche périmitral antihoraire post RF d’une FA persistante (A). Carte de voltage postablation par électroporation témoignant d’une large zone cicatricielle au niveau l’isthme mitral reflétant le bloc local (B). Figure 5. Ablation d’une tachycardie atriale droite proche de l’auricule droit par électroporation. Carte d’activation (CARTO® 3, BioSense) avec activité focale endocardique (A). Fusion de l’image scanographique de l’oreillette droite et de l’image de scopie ou l’on retrouve le cathéter d’ablation Farawave™ (Boston Scientific) en position « fleur » (B). Tracés électrophysiologiques avec retour en rythme sinusal lors de l’application de l’énergie d’électroporation (C). En ce qui concerne les troubles du rythme ventriculaire, plusieurs travaux chez l’animal ont été publiés avec des résultats encourageants permettant d’envisager prochainement un travail chez l’homme(11). Le développement dans ces autres troubles du rythme atrioventriculaire dépendra du développement futur par les industriels de nouveaux cathéters d’électroporation et de schémas complexes associées de délivrance du champ électrique. Conflit d’intérêt : aucun

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