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Publié le 20 mar 2020Lecture 5 min

Quand prévoir un système de cartographie électro-anatomique pour une ablation de tachycardie réentrante intra-atriale post-chirurgie cardiaque ?

Pierre OLLITRAULT, CHU Caen

Les tachycardies réentrantes intra-atriales (TRIA) sont des troubles du rythme classiques après une chirurgie cardiaque nécessitant une atriotomie. Dans ce contexte, la TRIA péritricuspidienne a longtemps été considérée comme étant la plus fréquente, avec de bons résultats de l’ablation sur le long terme(1,2). Cette dernière peut cependant devenir un véritable challenge en cas de TRIA complexe et en l’absence de système de cartographie électro-anatomique (SCE) disponible. Ce cas de figure prend d’autant plus de dimension que, dans la plupart des centres, l’utilisation d’un SCE nécessite un support par un ingénieur de terrain devant être anticipé en amont de la montée des cathéters.

À travers un cas de TRIA post-chirurgie cardiaque, nous essayons donc de trouver des pistes permettant d’anticiper le caractère complexe d’une TRIA post-chirurgie cardiaque, afin d’anticiper le recours à un SCE.

Cas clinique Nous présentons le cas d’un patient de 43 ans, adressé pour ablation de flutter atrial d’allure commune, horaire, persistant et symptomatique (figure 1A). À noter comme seul antécédent une plastie mitrale via une atriotomie transseptale supérieure (voie de Guiraudon). L’ablation a été réalisée, sous anesthésie générale, à l’aide du SCE EnSite PrecisionTM (Abbott) et d’un cathéter multipolaire Advisor HD GridTM (Abbott). La carte d’activation de l’atrium droit retrouvait une TRIA de 235 ms de cycle, avec une séquence d’activation en double boucle : une boucle horaire péritricuspidienne et une boucle antihoraire autour de la cicatrice d’atriotomie (figure 1B). Une zone de conduction lente était retrouvée entre l’anneau tricuspide et la cicatrice d’atriotomie. Les manoeuvres d’entrainement confirmaient le mécanisme en double boucle. Cet isthme critique a donc été ciblé en réalisant une ligne d’ablation par radiofréquence (cathéter de 4 mm irrigué TacticathTM, Abbott) reliant la cicatrice d’atriotomie à l’anneau tricuspide, permettant un retour en rythme sinusal en 4 secondes (figure 2). Aucune TRIA n’était inductible en fin de procédure, à l’état de base et sous isoprénaline (durée totale 55 min pour 1 min de fluoroscopie). Absence de récidive de trouble du rythme à 9 mois de la procédure. Figure 1. A : ECG de surface ; B : carte d’activation de l’atrium droit (incidences OAG et postérieure) ; ligne de bloc représentée par un liseré noir (atriotomie). Figure 2. Application de la radiofréquence. Discussion Les TRIA sont des troubles du rythme classiques après chirurgie cardiaque, mais leur incidence exacte reste méconnue, par opposition à la FA post-opératoire qui a fait l’objet de nombreuses études(3,4). La réentrée péritricuspidienne a longtemps été considérée comme étant la plus fréquente, avec une proportion estimée entre 69 et 81 % à partir de séries de cas des années 2000(1,5,6). Des publications récentes nous apportent cependant de nouvelles données. Ainsi, dans leur série de 152 TRIA post-chirurgie cardiaque (via une atriotomie latérale droite), Yang et coll. retrouvaient une TRIA péri-tricuspidienne dans seulement 56 % des cas, suivie par 30 % de TRIA droites autres (principalement en double boucle), 10 % de TRIA gauches et 2 % de TRIA septales(7). Ces données sont corroborées par les études de Liu et coll. et Xue et coll. retrouvant respectivement 81 % et 50 % de TRIA complexes(8,9). Il semble donc se dégager avec le temps une tendance à l’augmentation de la proportion des TRIA complexes. Outre une évidente évolution multiparamétrique des pratiques cliniques, ceci peut s’expliquer par un biais de sélection dans les séries de cas les plus anciennes. Il est ainsi probable que des patients qui auraient été traités de façon non-interventionelle vers les années 1990 et 2000 soient maintenant référés plus facilement à un laboratoire d’électrophysiologie pour ablation. Les TRIA complexes pourraient donc représenter plus de la moitié des TRIA post-chirurgie cardiaque et il semble donc nécessaire de pouvoir anticiper le recours à un SCE, car de nombreux centres dépendent encore de la présence d’un support technique. Prédire le caractère complexe d’une TRIA post-chirurgie cardiaque avant la montée des cathéters repose sur un faisceau d’arguments en lien avec l’expression électrique (ECG de surface principalement) et le substrat atrial (caractéristiques de la chirurgie, myopathie atriale). L’électrocardiogramme est naturellement l’outil de première intention, mais ce dernier peut induire en erreur le rythmologue, car la plupart des TRIA post-chirurgie cardiaque sont susceptibles de présenter au moins une boucle péritricuspide(10,11). Une TRIA complexe peut donc prendre l’aspect ECG d’un flutter atrial commun. De plus, l’expression sur l’ECG de surface ne dépend pas exclusivement du circuit d’activation atriale, mais aussi du remodelage atrial. Les exemples de TRIA péri-tricuspidienne mais n’en ayant pas l’aspect ECG typique sont ainsi fréquents en pratique. Les données en lien avec l’analyse pré-opératoire du substrat atrial, qu’il soit induit par la chirurgie ou par la maladie, semblent donc plus adaptées pour anticiper une TRIA complexe. Parmi les caractéristiques de l’intervention chirurgicale, il est établi depuis plusieurs années que l’atriotomie transseptale supérieure présente un risque de TRIA complexe supérieur aux atriotomies latérales droites ou dans le sillon interatrial(12-14). La longueur de l’atriotomie semble aussi influencer le risque de TRIA complexe lorsque cette dernière est supérieure à 5 cm de longueur sur la paroi latérale de l’atrium droit(7). En ce qui concerne l’appréciation du substrat atrial indépendant de l’intervention, souvent impliqué dans la genèse des TRIA, les données sont plus rares. On sait que les TRIA complexes sont associées à un remodelage atrial droit plus important, notamment dans les cardiopathies congénitales(15). Tout comme l’ablation des troubles du rythme ventriculaire, l’imagerie atriale pourrait donc représenter un nouvel outil pour identifier d’éventuelles zones cicatricielles, mais l’application en pratique clinique courante reste à définir(16). Conclusion À partir du moment où l’oreillette a été incisée pour effectuer une chirurgie cardiaque, le risque de TRIA complexe est important : il semble donc judicieux pour le rythmologue d’anticiper un éventuel recours à un SCE. Ceci a d’autant plus de sens en cas d’atriotomie transseptale supérieure, d’atriotomie longue (> 5 cm) ou sur un terrain de cardiopathie congénitale, et même si l’ECG de surface est en faveur d’un flutter atrial commun.  L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en lien avec cet article.

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