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Cardiologie interventionnelle

Publié le 10 oct 2006Lecture 9 min

Revascularisation du coronarien chronique - Indications et modalités

S. WEBER, hôpital Cochin, Paris

Il s’agit d’un sujet d’actualité… d’actualité chaude, et même brûlante ! Cependant si l’on prend le point de vue « consumériste » de ce banc d’essai, le consommateur étant le malade coronarien, force est de constater que cette brûlante actualité concerne un problème relativement mineur : quelle est la meilleure technique de revascularisation ? Le problème majeur est : quel malade coronarien a réellement besoin d’une revascularisation ? Ce problème majeur est malheureusement largement ignoré.

Le lecteur de cette intégrale qui aurait déjà parcouru le chapitre consacré au syndrome coronaire aigu (cf ), aura constaté que la place accordée à la revascularisation, principalement par angioplastie, est considérable. En effet, face à une situation clinique dominée par une plaque d’athérome rompue avec thrombus subocclusif endocoronaire, il n’y a guère de stratégie thérapeutique plus séduisante que d’aller rapidement, dans l’urgence, rétablir un flux coronaire et si de surcroît, la littérature valide une approche aussi simple et pragmatique, alors tout va bien.   La situation anatomopathologique du coronarien chronique Le problème posé par le coronarien chronique est profondément différent. La situation « anatomopathologique » est, certes, par définition « pathologique » mais stable. Il n’y a pas de territoire myocardique menacé de façon prévisible et rapide. Le bien-fondé de la revascularisation peut se baser sur deux phénomènes différents.   Déséquilibre de la balance en O2 La réduction du débit coronaire consécutif aux sténoses athéromateuses est telle que l’équilibre énergétique du myocarde n’est pas assuré, malgré la mise en œuvre des traitements pharmacologiques adéquats. Il s’agit de l’angor réfractaire ou de son équivalent « indolore », qui est l’ischémie silencieuse réfractaire au traitement médical. Dans ce cas, il est clairement établi que la revascularisation, quelles qu’en soient les modalités : • améliore la qualité de vie (surtout si l’ischémie est douloureuse), • préserve la fonction ventriculaire gauche, • et in fine améliore le pronostic.   Haut risque anatomique L’autre situation, chez le coronarien stable, où la revascularisation améliore le pronostic est l’existence de lésions anatomiques sévères dont il est démontré que la revascularisation améliore le pronostic. Il s’agit de mettre en balance le risque iatrogène lié à la revascularisation et l’éventuelle « économie » d’événements inopinés (infarctus, mort subite) que procure une revascularisation réussie. Ce résonnement-là aussi n’est valide que si les patients des deux groupes inclus dans les essais thérapeutiques bénéficient du traitement médical optimal aussi bien en matière d’antithrombotiques que d’antiischémiques et, depuis quelques années, de statines. Les groupes à haut risque anatomique ressortent clairement des essais thérapeutiques ; il s’agit en pratique de lésions athéromateuses significatives commandant de vastes territoires myocardiques : sténose du tronc commun gauche au premier rang, atteinte tritronculaire proximale, atteinte de la partie proximale de l’IVA. Le bénéfice apporté par la revascularisation est encore plus net lorsque le patient a déjà subi des dégâts myocardiques se traduisant par une altération de la fraction d’éjection. Chez de tels patients, les conséquences d’une récidive d’occlusion coronaire aiguë, que l’on espère prévenir par la revascularisation, sont plus lourdes que chez un sujet dont la fonction gauche est initialement intacte : • chez ces patients, à fonction gauche altérée, le rapport bénéfices/risques penche plus volontiers du côté de la revascularisation, • chez ces patients à fonction gauche très altérée, la prise de risque liée à la revascularisation est plus élevée ; mais lorsque les indications sont bien choisies, notamment si l’on a pu mettre en évidence une viabilité myocardique au sein des territoires akinétiques, l’ampleur du bénéfice thérapeutique est considérable. La balance bénéfices/risques est là aussi excellente.   Pertinence des indications Le lecteur assidu de Cardiologie Pratique peut être, à juste titre, agacé du caractère basique et évident de ce rappel du rationnel de la revascularisation myocardique. Il ne s’agit cependant pas d’un « enfonçage de porte ouverte » puisque, dans la vraie vie, ces principes pourtant très simples ne sont pas toujours respectés : • les indications basées sur la persistance de symptômes d’angine de poitrine malgré le traitement sont indiscutables ; reconnaissons qu’elles sont actuellement devenues relativement rares, sauf peut-être, chez le patient grandement âgé, en raison de la qualité de prise en charge du syndrome coronaire aigu initial et de la puissance de l’approche médicamenteuse ; • les indications de revascularisation basées sur l’ischémie silencieuse réfractaire sont en revanche malheureusement totalement « artificielles » si le traitement antiangineux a été volontairement interrompu lors de la réalisation des tests de provocation de l’ischémie ; • enfin, bien qu’il y ait un robuste consensus sur la définition du haut risque anatomique justifiant la revascularisation, il est extrêmement fréquent de constater qu’après la pratique d’une coronarographie, quelle qu’en ait été l’indication, sont de facto dilatées les lésions techniquement dilatables ! Ce dernier phénomène est porteur d’inquiétude pour l’avenir car la coronarographie reste un geste «  invasif ». Bien que son risque iatrogène soit devenu très faible (j’entends le risque iatrogène de la coronarographie diagnostique), elle n’est donc pratiquée que chez des patients à risque relativement élevé. L’angioscanner coronaire ne peut encore prétendre aux mêmes performances diagnostiques que la coronarographie conventionnelle mais il devrait s’en rapprocher rapidement. Il est concevable, et vraisemblablement utile, que cet examen soit proposé à des populations à plus faible risque que celles qui bénéficient actuellement d’une coronarographie traditionnelle. Cet élargissement des indications sera potentiellement bénéfique s’il est correctement utilisé : amélioration des performances de détections des maladies coronaires au sein de populations asymptomatiques mais à haut risque artériel et réévaluation de l’anatomie coronaire chez certains coronariens connus. En revanche, si l’extension des indication du scanner coronaire reste assortie d’une pratique quasi systématique de la revascularisation chaque fois qu’une sténose coronaire est techniquement accessible, le service rendu à nos patients sera mince, voire même négatif.   La controverse angioplastie versus chirurgie Face à ce problème fondamental de la pertinence des indications nécessitant rigueur et autodiscipline de la part des équipes cardiologiques, les controverses vibrantes et chaudes concernant les modalités de revascularisation sont bien moins lourdes en matière de santé publique. La controverse, fort ancienne mais « réchauffée » ces derniers mois, concerne le comparatif angioplastie/chirurgie chez les malades pluritronculaires. Il a permis aux lecteurs de Cardiologie Pratique de lire avec plaisir le brillant échange des coups droits de Jean-Noël Fabiani, fougueux défenseur de la chirurgie coronaire et les revers non moins percutants de Marie-Claude Maurice, vaillante championne de l’angioplastie coronaire. Ce débat franco-français a trouvé récemment une déclinaison plus âpre et plus procédurière dans la presse nord-américaine, les chirurgiens cardiaques, rappelant, non sans raison, les liens, inévitables mais effectivement potentiellement source de facteurs confondants, entre les industries biomédicales et l’évaluation clinique des dispositifs de cardiologie interventionnelle. De là à inciter les malades ayant été traités par angioplastie multisites, à se plaindre au sens juridique du mot plainte, d’une perte de chances par rapport à ceux qui ont été revascularisés par chirurgie, il y a un pas, voire un gouffre que la plupart d’entre nous ne franchiront pas. Le choix de la modalité de revascularisation du patient pluritronculaire stable est parfois difficile ; clairement aucune des positions extrêmes n’est satisfaisante. Il n’y a pas de supériorité « systématique » de la chirurgie sur l’angioplastie, même si l’on ne considère que les études disposant d’un long recul. Il est tout aussi absurde de prétendre que les progrès techniques de l’angioplastie et de son encadrement pharmacologique sont tels que presque tous les malades sont accessibles et que la chirurgie coronaire devrait donc être réduite comme peau de chagrin. Au-delà de la technique de revascularisation, prime la bonne indication de revascularisation. Pour dédramatiser le débat, rappelons que ces deux stratégies de revascularisation donnent globalement de bons résultats et que la vraie difficulté d’une bonne décision reste de ne proposer la revascularisation, chez le coronarien stable, qu’aux sous-groupes de patients, minoritaires, qui en ont réellement besoin.   Stents nus versus stents actifs Je ne comptais pas m’appesantir, car le sujet est encore plus technique, sur les avantages et inconvénients respectifs des stents « nus » et des stents pharmacologiquement actifs. La toute récente actualité, et notamment certaines prises de positions spectaculaires au récent congrès de l’European Society of Cardiology (ESC), ne permettent plus d’esquiver totalement la question.   Rappel des principaux éléments du dilemme Les stents pharmacologiquement actifs, recouverts d’un polymère contenant une substance antimitotique, réduisent la prolifération cellulaire au sein de la paroi coronaire et le risque de resténose. Cette inhibition de la réplication cellulaire entraîne également, comme cela était parfaitement prévisible, un ralentissement de la réendothélialisation de l’artère stentée avec pour conséquence une augmentation potentielle du risque de thrombose aiguë de stent et surtout une augmentation de la durée de la période « vulnérable » à haut risque de thrombose après le stenting. Cet inconvénient était réputé être facilement contrôlable par une coprescription d’aspirine et de clopidogrel poursuivie non pas un mois après l’implantation du stent mais pendant plusieurs mois, la durée préconisée étant légèrement différente d’un modèle à l’autre, le délai le plus communément retenu étant de 6 mois. Le « prix à payer » pour une réduction de la resténose était donc considéré comme se limitant au très petit surrisque hémorragique de 6 mois, au lieu de 1 mois, de coprescription aspirine + clopidogrel. Ce constat optimiste est actuellement remis en question par l’analyse, ou plutôt la métaanalyse des essais « de stents actifs » et l’examen de certains registres notamment générés par les centres d’angioplastie n’implantant plus que ce nouveau type de matériel.   Zones de certitudes et incertitudes disponibles aujourd’hui Pendant la durée de la coprescription aspirine + clopidogrel, les accidents de thromboses aiguës de stents ne sont pas réellement plus fréquents avec les stents actifs ; le risque hémorragique est faible ; la resténose peut donc être effectivement largement contrôlée sans autre inconvénient qu’un coût, au sens économique du terme, beaucoup plus élevé. Soulignons néanmoins que l’essentiel, pour ne pas dire la totalité, du bénéfice apporté par les stents actifs comparativement aux stents nus est représenté par la diminution des nouvelles angioplasties pour resténose. Il n’y a pas de différence significative ni de mortalité, ni même de récidive d’infarctus myocardique. En revanche, au-delà de cette période initiale de 6 mois, 1 an dans certaines études, c’est-à-dire lorsque la coprescription aspirine + clopidogrel est interrompue, le groupe « stents actifs » semble se comporter moins bien que le groupe stents nus (tableau). On y observe plus de thromboses de stents ; ce risque de thrombose tardive de stent semble perdurer plusieurs années après l’implantation à hauteur de 0,5 à 1 % par an. Ce constat pose effectivement question car il pourrait signifier au plan physiopathologique que chez certains patients, minorité non négligeable, la réendothélialisation n’est jamais complète. De surcroît, si ce risque de 0,5 à 1 % par an persiste sur la longue durée, si l’on n’arrive pas rapidement à un plateau comme pour les stents nus, ce phénomène peut devenir potentiellement préoccupant. La réponse simpliste consistant à proposer de poursuivre indéfiniment l’association aspirine/clopidogrel, n’est, pour l’instant tout du moins, pas une réponse recevable. La sécurité, en matière de risque hémorragique, de la coprescription ad vitam æternam d’une telle association n’a pas été réellement évaluée.   Que faire en pratique ? Je me garderai bien de proposer un avis tranché sur un sujet mouvant… je proposerai comme souvent de ne pas accepter le carcan de je ne sais quel protocole contraint ou directive autoritaire. Réservons les stents actifs aux patients dont l’anatomie coronaire expose le plus au risque d’une resténose et plus encore au risque d’une resténose dont les complications seraient potentiellement graves. Dans l’état actuel des indications, cela correspond à peu près à la moitié des patients pris en charge par un service de cardiologie interventionnelle. Ce retour de flamme aura l’intérêt de rappeler l’importance du choix des critères d’évaluation et notamment le danger des indicateurs composites mélangeant gaillardement mortalité, infarctus, resténose, nouveau recours à la coronarographie, nouveau recours à l’angioplastie, etc. De tels indicateurs permettent d’aboutir plus rapidement à des conclusions statistiquement significatives car ce cumul d’événements, de signification et de gravité très variables, permet d’arriver plus aisément au sacro-saint (p < 0,05) quand ce n’est pas (0,0001). Ces certitudes (trop) facilement acquises sont parfois (trop) fragiles !

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