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Explorations-Imagerie

Publié le 12 mai 2009Lecture 8 min

Quel bilan hémodynamique non invasif en urgence en USIC ?

N. MANSENCAL et O. DUBOURG, hôpital Ambroise Paré, Boulogne-Billancourt

L’échocardiographie est devenue un outil utilisé de façon quotidienne dans tous les services de cardiologie. Les unités de soins intensifs de cardiologie ont également vu se développer l’échocardiographie, permettant d’effectuer un bilan hémodynamique non invasif au lit du patient. L’échocardiographie Doppler a ainsi supplanté le cathétérisme cardiaque droit, qui était l’examen de référence. Les utilités de l’échocardiographie en USIC sont nombreuses, quel que soit le type de pathologie dont souffre le patient. Le bilan hémodynamique échocardiographique en USIC comporte de nombreux paramètres, qui permettent d’étudier la taille des cavités cardiaques, la fonction systolique et la fonction diastolique.

L'écho Doppler a supplanté l’hémodynamique invasive et de nombreuses corrélations ont été observées entre ces 2 méthodes (tableau). Outre le bilan hémodynamique non invasif que l’on abordera ici, elle permet de rechercher des complications mécaniques au décours d’un infarctus du myocarde, de poser parfois le diagnostic de dissection aortique, d’évaluer la tolérance hémodynamique d’un épanchement péricardique (recherche de signe de tamponnade) et d’étudier le retentissement cardiaque d’une embolie pulmonaire. Elle permet également une orientation rapide au lit du patient, notamment lorsque le praticien a un doute sur une pathologie précise à l’entrée en USIC. Évaluation de la taille des cavités cardiaques Des recommandations conjointes européennes et américaines (EAE et ASE) ont été publiées en 2005. Elles permettent de faire un point précis des différentes méthodes de mesures des cavités cardiaques (méthodologie et valeurs normales). Il est essentiel de respecter une rigueur dans l’acquisition des coupes échocardiographiques afin de permettre un calcul fiable et reproductible. Concernant les mesures du ventricule gauche, l’utilisation de l’imagerie de seconde harmonique a tendance à entraîner une discrète surestimation de l’épaisseur du septum (SIV) et de la paroi postérieure (PP), conduisant ainsi à une surestimation de la masse ventriculaire gauche. Cela est essentiellement dû à la fusion des structures paraseptales ou postérieures (bandelettes fibreuses, pilier) avec les parois VG, secondaire à l’intensité accrue du signal en imagerie harmonique. Pour le calcul, la convention de l’ASE préconise d’utiliser le principe du bord d’attaque à bord d’attaque (leading edge to leading edge), permettant une harmonisation des mesures obtenues. Cette rigueur d’acquisition est essentielle lorsque l’on calcule la masse ventriculaire gauche (MVG), car toutes les mesures obtenues sont portées au cube. Il est également possible d’utiliser la convention de Penn, qui préconise, quant à elle, le principe de bord d’attaque à bord fuyant (leading edge to trailing edge). La formule pour le calcul de la MVG est ainsi sensiblement différente de celle de l’ASE : Étude de la fonction systolique ventriculaire gauche • Il s’agit d’un temps essentiel de l’examen. Une estimation visuelle est possible, mais demeure très suggestive et dépend de l’expérience de l’opérateur. Ainsi, la méthode recommandée pour calculer la fraction d’éjection ventriculaire gauche est la méthode Simpson biplan en incidence apicale 4 et 2 cavités en utilisant l’imagerie harmonique. En cas de cardiopathie ischémique, le calcul de la fraction d’éjection ventriculaire gauche est faisable à partir de la méthode des scores, l’échocardiographiste donnant alors un score de contractilité à toutes les parois du myocarde. Cette méthode est pratique et fiable. Enfin, de nouveaux logiciels permettant le calcul automatique de la fraction d’éjection sont actuellement disponibles et sont en cours de validation (figure 1). Figure 1. Calcul automatisé de la fraction d’éjection ventriculaire gauche en coupe apicale 4 cavités chez un sujet sain (à gauche) et chez un patient présentant une cardiomyopathie dilatée (à droite) à partir du logiciel AutoEF (Siemens). • L’échocardiographie permet également de poser le diagnostic de cardiopathie ischémique, avec visualisation de troubles systématisés de la cinétique segmentaire ventriculaire gauche, Elle permet éventuellement de distinguer une cardiopathie ischémique (troubles de la cinétique segmentaire systématisés) d’une cardiomyopathie de stress (syndrome de Tako-Tsubo) ; dans ce cas, les troubles de la cinétique segmentaire sont circulaires, touchant essentiellement les portions apicales et moyennes des différentes parois du ventricule gauche (figure 2). Il est également possible de calculer le débit cardiaque. Il faut d’abord s’assurer de l’absence de valvulopathie régurgitante aortique significative, puis pour effectuer le calcul, il est nécessaire, chez un patient en rythme sinusal, de calculer le diamètre de la chambre de chasse VG en incidence parasternale grand axe (en utilisant le zoom en imagerie bidimensionnelle) et l’intégrale temps-vitesse (ITV) du flux sous-aortique en incidence apicale 5 cavités (en Doppler pulsé). Figure 2. Syndrome de Tako-Tsubo en échocardiographie. Coupe apicale 4 cavités avec visualisation d’une akinésie des portions apicales et moyennes du VG et hyperkinésie des portions basales (flèches jaunes). Débit cardiaque = VES x FC (VES = volume d’éjection systolique ; FC = fréquence cardiaque), avec VES = surface sous-aortique x ITV sous-aortique Æ DC = p DÇ/4 x ITV x FC Cette mesure est fiable chez le patient en rythme sinusal et est particulièrement utile chez le patient insuffisant cardiaque, permettant un monitorage régulier du débit cardiaque, en prenant à chaque fois la même valeur pour le diamètre de la chambre de chasse. Le Doppler tissulaire appliqué à l’anneau mitral (étude de la systole) peut également donner une indication indirecte sur la fonction contractile globale VG. En effet, une onde S > 0,10 m/s suggère une fraction d’éjection VG > 45 %. Enfin, un dernier paramètre échocardiographique peut être utile dans l’exploration de la fonction contractile du ventricule gauche, notamment en USIC. Il s’agit du dP/dt à partir de l’insuffisance mitrale. On utilise le Doppler continu en incidence apicale. À partir du signal Doppler de la fuite mitrale obtenu, on mesure le temps séparant la partie initiale de la fuite mitrale atteint à 1 m/s de celle atteint à 3 m/s, qui correspond au temps nécessaire pour passer de 4 à 36 mmHg. On peut ainsi en déduire que : dP/dt = (36-4)/temps calculé Une valeur de dP/dt < 400 mmHg/s est évocatrice d’une dysfonction contractile VG majeure. Étude de la fonction diastolique VG Son étude est importante en USIC, notamment pour différencier les patients ayant une dyspnée d’origine cardiaque de ceux ayant une pathologie respiratoire. Elle permet ainsi de dépister rapidement les patients en insuffisance cardiaque. Elle repose dans un premier temps sur l’analyse du flux mitral en Doppler pulsé (ondes E et A et le temps de décélération de l’onde E). Ainsi, en cas de dysfonction ventriculaire gauche, il est aisé de différencier les patients ayant un profil mitral restrictif (rapport E/A > 2 et temps de décélération < 150 ms) qui présentent des pressions de remplissage VG élevées de ceux ayant un aspect type « trouble de la relaxation » (rapport E/A < 1) qui correspond à des pressions de remplissage VG basses, en l’absence d’hypertrophie ventriculaire gauche. Il convient d’ailleurs de parler de pressions VG basses plutôt que d’un trouble de la relaxation qui peut suggérer un état pathologique. Cependant, l’analyse isolée du flux mitral ne permet pas de différencier les patients ayant un flux mitral normal de ceux ayant un profil mitral pseudo-normalisé qui correspond à une élévation des pressions de remplissage VG. L’outil le plus souvent utilisé est le Doppler tissulaire à l’anneau mitral qui permet d’obtenir le pic de l’onde E en Doppler tissulaire (onde E’ ou Ea) et ainsi de calculer le rapport E/E’. En cas de rapport E/E’ < 8, les pressions de remplissage VG sont basses alors que, lorsque ce rapport est > 15, les pressions de remplissage sont élevées. Une zone d’incertitude existe entre 8 et 15. Nous avons également à notre disposition deux autres outils échocardiographiques, que ce soit la vitesse de propagation du flux mitral protodiastolique en mode TM couleur (Vp) permettant le calcul du rapport E/Vp et l’étude de la durée de l’onde A pulmonaire permettant de calculer la différence entre la durée de l’onde A pulmonaire et de l’onde A mitrale. Un arbre décisionnel est proposé (figure 3). Figure 3. Arbre décisionnel pour l’estimation des pressions de remplissage VG. Étude des pressions droites L’échocardiographie permet également de recueillir toutes les pressions droites, avec des corrélations étroites avec la méthode invasive. En premier lieu, il est possible de calculer la pression artérielle pulmonaire systolique (PAPs). Différentes méthodes sont actuellement disponibles en utilisant le Doppler continu, que ce soit par la fuite tricuspide (équation de Bernoulli), par l’insuffisance pulmonaire (formule empirique) ou par le flux de communication inter-ventriculaire lorsque cette dernière est présente (équation de Bernoulli). Le calcul du temps d’accélération dans l’artère pulmonaire permet également de rechercher des signes indirects d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). PAPs = 4 x VmaxIT2 + POD à partir de l’insuffisance tricuspide (VmaxIT : vitesse maximale de l’insuffisance tricuspide ; POD : pression de l’OD). PAPs = 3 x PAPm – 2 x PAPd à partir de l’insuffisance pulmonaire (figure 4) avec : • PAPm = 4 x Vmaxprotod2 + POD, • PAPd = 4 xVmaxtéléd2 + POD. PAPs = 4 x VmaxCIV2 + PAS à partir d’une CIV (VmaxCIV : vitesse maximale du flux de CIV ; PAS : pression artérielle systolique). Figure 4. Calcul de la pression artérielle pulmonaire à partir du flux d’insuffisance pulmonaire. • Lorsque le calcul de la PAPs n’est pas possible en échocardiographie, il est possible de rechercher des signes indirects d’HTAP à partir du flux antérograde pulmonaire en coupe parasternale petit axe. Chez un sujet normal, le temps d’accélération, qui correspond à la durée entre le début du flux pulmonaire et son pic, est supérieur à 120 ms. En cas d’HTAP, le temps d’accélération est inférieur à 100 ms, avec une spécificité de 97 % et une sensibilité de 95 %. • L’estimation de la pression de l’oreillette droite en échocardiographique repose essentiellement sur l’étude de la veine cave inférieure (VCI). Plusieurs méthodes ont été proposées, en tenant compte, d’une part, de la taille de la VCI et d’autre part, de son degré de variation respiratoire. Ainsi, une des méthodes les plus simples est la suivante : un collapsus de la VCI > 50 % est en faveur d’une POD à 5 mmHg alors que la variation respiratoire de la VCI est < 50 %, la POD est proche de 15 mmHg. Cependant, il convient de tenir compte de la cardiopathie sous-jacente. Nous avons ainsi pu récemment démontrer que ces paramètres échocardiographiques devaient être adaptés, notamment chez le patient en insuffisance cardiaque terminale. • L’étude de la fonction contractile du ventricule droit est beaucoup plus difficile et elle est rarement effectuée en pratique courante. Cependant, il est possible d’utiliser également le Doppler tissulaire à l’anneau tricuspide (principe identique à celui utilisé pour la fonction contractile du VG). Ainsi, une onde S tricuspide < 11,5 cm/s permet de prédire une dysfonction systolique ventriculaire droite (sensibilité de 85 % et spécificité de 90 %). En pratique L’échocardiographie Doppler permet la réalisation d’un bilan hémodynamique non invasif complet, y compris en USIC. Cependant, sa réalisation est parfois longue si le praticien souhaite récupérer toutes les données qu’apporte l’échocardiographie. Une approche incomplète est évidemment possible en urgence, mais le bilan hémodynamique doit alors impérativement comporter l’analyse de la taille des cavités cardiaques et l’étude de la fonction systolique VG (calcul au moins de la FEVG) et de la fonction diastolique (aspect du flux mitral et Doppler tissulaire à l’anneau mitral).

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