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Coronaires

Publié le 03 mai 2005Lecture 6 min

Pseudoxanthome élastique et thrombose coronaire

P.-H. GACON, CHRU de Dijon et P. AUPLAT, centre de médecine nucléaire du Parc, Dijon

Nous rapportons l’observation d’une femme âgée de 45 ans, sans antécédent particulier ni facteur de risque cardio-vasculaire, qui a présenté, dès l’âge de 25 ans, un tableau d’ischémie artérielle subaiguë du membre inférieur gauche, révélateur d’une dissection spontanée de l’axe ilio-fémoral traité à l’époque par chirurgie de revascularisation artérielle. Elle a présenté secondairement un tableau d’angor de novo rapporté à une thrombose occlusive coronaire.

Au décours de sa première grossesse, la patiente n’a décrit aucune pathologie disséquante, en particulier de dissection spontanée d’un territoire vasculaire des artères cervicales, rénales ou autres. Elle ne présente aucun facteur de risque cardio-vasculaire, en particulier pas de tabagisme. Elle a présenté, de manière inaugurale, un tableau d’angor d’effort de novo avec blockpnée, motivant une consultation de cardiologie. L’examen clinique est sans particularité, ne retrouvant pas d’élévation manométrique ni d’anisotension ; les pouls, tous perçus, sont réguliers et symétriques ; il n’y a pas de souffle vasculaire périphérique dans le territoire revascularisé, ni de souffle jugulocarotidien, ni d’insuffisance aortique. Il n’y a aucun signe d’insuffisance cardiaque droite ou gauche. L’électrocardiographie montre en rythme sinusal un espace PR normal à 125 ms, des complexes QRS fins et une repolarisation anormale avec une ischémie sous-épicardique dans le territoire antéroseptal. L’échocardiographie en mode Doppler couleur montre une hypokinésie septale et apicale, mais sans valvulopathie enregistrable. Les indices de contractibilité du ventricule gauche sont normaux ainsi que la fraction d’éjection ventriculaire gauche à 65 %. Une tomoscintigraphie au MIBI-Tec 99 m sous dipyridanol et à l’effort permet de mettre en évidence une franche lacune antéroseptale à l’effort (figure 1). Un bilan angiohémodynamique complet est alors réalisé sans complications d’abord vasculaire par voie fémorale droite qui met en évidence une thrombose calcifiée de l’interventriculaire antérieure, non accessible à une éventuelle angioplastie coronaire (figures 2 et 3). Figure 1. Franche lacune antéroseptale à l’effort. Figure 2. Thrombose de l’interventriculaire moyenne et distale; incidence AOD 30°. Figure 3. Thrombose de l’IVA moyenne et distale avec collatéralité gauche-gauche ; profil gauche. Pseudoxanthome élastique Le pseudoxanthome élastique, ou syndrome de Grönblad-Strandberg-Touraine, est une dystrophie héréditaire du tissu élastique affectant entre 1/65 000 et 1/100 000 patients selon les séries publiées dans la littérature. Cette dystrophie se caractérise par l’atteinte systémique des fibres élastiques avec calcifications entraînant les manifestations cliniques de la maladie. Son mode de transmission est variable, plus souvent autosomique récessif (30 % des cas) qu’autosomique dominant (10 % des cas) ; dans 60 % des cas, la transmission est sporadique. La génétique s’exprime par une mutation du gène ABCC6 situé sur le chromosome 16 codant un transporteur transmembranaire d’expression hépatique et rénale (même sous-famille que celui de la mucoviscidose ABCC7). Le diagnostic positif doit être évoqué devant l’association, chez un sujet jeune, de lésions dermatologiques typiques (papules jaunâtres dans les grands plis, cou et aisselles), lésions ophtalmologiques de peau d’orange et de maculopathie, associées à une artériopathie juvénile calcifiante précoce comme dans notre observation. Le diagnostic de certitude n’est apporté que par la biologie moléculaire, mettant en évidence des mutations pathogènes du gène ABCC6 et présence d’un pseudo-gène. Une histoire familiale doit être recherchée à l’interrogatoire.   Les signes dermatologiques La maladie s’exprime le plus souvent dans la 20e année par la découverte de nappes fripées de papules jaunâtres en « peau de poulet », de topographie bilatérale et symétrique débutant sur les faces latérales du cou, les aisselles, les plis inguinaux, les plis de flexion du genou et des coudes, parfois les régions périombilicales et mammelonaires. Une atteinte muqueuse peut être remarquée, en particulier labiale, et permet le diagnostic différentiel avec la maladie de Rendu-Osler où l’on trouve surtout des télangiectasies des doigts, des conjonctives avec une atteinte viscérale. L’examen histologique des lésions montre l’existence, dans les couches dermiques profondes et moyennes, de fibres élastiques épaissies, fragmentées et surtout calcifiées après coloration de von Kossa.   L’atteinte rétinienne Il faut la dépister systématiquement à la recherche d’une rétinopathie calcifiante des fibres élastiques de la membrane de Bruch. L’examen du fond de l’œil montre initialement un aspect en peau d’orange temporal associé à des déchirures de la membrane de Bruch sous forme de stries radiaires rouges. Des hémorragies intrarétiniennes par prolifération néovasculaire peuvent conduire à la cécité. Ces hémorragies surviennent au moindre traumatisme (contusion oculaire) ou lors de prise de médicaments, tels que l'aspirine ou les AINS, et peuvent conduire à la cécité dans 20 à 30 % des cas.   Les manifestations cardio-vasculaires Elles sont inaugurales dans 30 à 50 % des cas, liées à l’atteinte des fibres élastiques de la média des artères, le plus souvent par une artérite juvénile calcifiante diffuse et chronique. Souvent asymptomatiques au début, elles affectent les artères de moyen et petit calibres siègant aux membres inférieurs dans leur portion distale, mais aussi à l’étage aorto-iliaque ou rénal pouvant prendre l’aspect de thromboses occlusives. L’aspect angiographique est sans particularité, montrant des calcifications précoces de l’arbre vasculaire chez un sujet jeune, retrouvées en échographie ou sur une simple radiographie ! Une coronaropathie est retrouvée chez 15 à 20 % des patients ; elle est silencieuse dans 85 % des cas et caractérisée par une infiltration pariétale de la média des artères coronaires. La coronarographie montre l’association de lésions sténosantes et de calcifications du réseau coronaire, rendant difficiles les revascularisations par angioplastie coronaire. Les dissections coronaires parfois observées sont plus rares que dans le syndrome d’Ehlers-Danlos. Lorsqu’une indication de revascularisation chirurgicale est indiquée, il est préférable d’utiliser un greffon veineux sans limitante élastique interne plutôt qu’un greffon artériel, source de thrombose précoce. Les accidents vasculaires cérébraux ont une incidence accrue, le risque d’accident vasculaire transitoire étant multiplié par 3,5 à 4. Ces accidents surviennent plus tardivement après l’âge de 50 ans et sont liés soit à une infiltration pariétale du réseau cérébral avec microangiopathie locale soit à des accidents emboliques à point de départ des artères extracrâniennes supra-aortiques. Les accidents hémorragiques cérébraux sont plus rares. En revanche, les artères digestives, sièges de sténoses et d’ectasies, sont responsables d’hémorragies favorisées par la prise d’aspirine et la grossesse. Elles surviennent dans 15 à 20 % des cas. L’endoscopie digestive montre le même aspect que celui observé sur la muqueuse labiale. L’atteinte endocardique est exceptionnelle et se manifeste par des troubles de conduction AV et par un tableau d’insuffisance cardiaque gauche de type diastolique. Selon J. Iliopoulos : « l’association d’une endocardite calcifiante restrictive et d’une artérite calcifiante juvénile serait pathognomonique du pseudoxanthome élastique ». La prise en charge thérapeutique de ces accidents repose sur la correction cardio-vasculaire classique et la prescription prudente des antiagrégants plaquettaires du fait du risque hémorragique. Le diagnostic est confirmé par l'histologie et par la biopsie cutanée en peau lésée (mise en évidence de fibres élastiques fragmentées). Les stries angioïdes ont été décrites aussi dans la drépanocytose et la thalassémie. Il existe également des pseudoxanthomes élastiques dits acquis par la prise de D-pénicillamide.   Diagnostic différentiel   Le syndrome d'Ehlers-Danlos C’est une dystrophie héréditaire du tissu élastique de transmission autosomique dominante, due à une mutation du gène codant la protéine COL 3 A 1 (collagène III), dont la prévalence estimée est de 1/150 000 et qui touche essentiellement les sujets de moins de 30 ans. Elle associe classiquement des lésions cutanées allant de la peau translucide et fine avec lacis veineux sous-cutané et parfois apparition de formes plus sévères dites acrogéniques avec acro-ostéolyse, un retard à la cicatrisation, des hémorragies utéro-placentaires et digestives et des dissections spontanées du tissu élastique pouvant affecter les artères carotidiennes, coronaires, cérébrales, rénales, cœliaques, associées à des fistules carotido-caverneuses. L'abord vasculaire y est classiquement contre-indiqué et associé à un risque accru de morbi-mortalité. La mortalité opératoire globale de chaque complication vasculaire est estimée à 63 % ; le bilan lésionnel doit être réalisé à l'aide d'examens d'imagerie non invasifs ; l'artériographie présente une morbidité de 17 à 61 % selon les séries ; la mortalité reste élevée (5 à 20 %). La rupture spontanée du sigmoïde est une complication classique et la mortalité chez la femme enceinte est estimée à 11,5 %. Un trouble du métabolisme du cuivre est décrit.   La maladie de Rendu-Osler Plus rare, 1/17 000, de transmission autosomique dominante, elle associe des malformations vasculaires cutanéo-muqueuses et viscérales. La maladie est hétérogène tant sur le plan moléculaire que sur le plan clinique (grande variabilité interfamiliale). La pénétrance est variable durant l'enfance et complète à l'âge de 40 ans. Les signes cardinaux associent des épistaxis, des télangiectasies et des malformations artério-veineuses pulmonaires retrouvées chez un patient sur cinq, ou cérébrales ou hépatiques donnant un aspect de foie vasculaire ou pseudo-cirrhose d'Osler.   En pratique Le pseudoxanthome élastique constitue une dystrophie du tissu élastique responsable d’atteinte artérielle coronaire, ilio-fémorale calcifiante et responsable d’un tableau vasculaire aigu survenant chez le sujet jeune.

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