publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

HTA

Publié le 06 sep 2005Lecture 6 min

Phéochromocytome malin - À propos d'un cas

M. SRAIRI, R. HABBAL, A. BENNIS, S. CHRAIBI et A. TAHIRI, CHU Ibn Rochd, Casablanca (Maroc)

Le phéochromocytome est une cause rare d'hypertension artérielle (HTA) ; il peut être bénin ou malin. Nous rapportons cette observation de phéochromocytome malin découvert lors du bilan d'une HTA sévère.
Le bilan biologique a confirmé le type de la masse.
La tomodensitométrie et la résonance magnétique nucléaire ont révélé, outre la masse surrénalienne, une métastase hépatique signant le caractère malin.

Le phéochromocytome malin est une tumeur endocrine rare, développée aux dépens du tissu chromaffine. La malignité est définie par l'existence de métastases dans un organe ne contenant pas de résidu chromaffine. Les tableaux révélateurs sont variés. Il nous a paru intéressant de rapporter cette observation en raison de sa rareté, de son iconographie et de son évolution rapidement fatale.   Observation Monsieur M. H., âgé de 36 ans, est hospitalisé pour bilan d'HTA sévère. Il avait comme seul antécédent un diabète insulinodépendant traité depuis 5 ans. À l'admission, l'interrogatoire révélait la notion de sueurs abondantes, de palpitations et céphalées depuis deux ans. L'examen objectivait une tension artérielle à 200/130 mmHg, une tachycardie à 150 battements par minute, sans signe d'insuffisance cardiaque. L'électrocardiogramme retrouvait une tachycardie sinusale sans hypertrophie ventriculaire gauche. La stabilisation de la tension artérielle a été obtenue par un inhibiteur calcique, relayé par le labétalol, qui associe une action de blocage des alpha et des bêtarécepteurs. L'échocardiographie ne montrait pas de signes de retentissement de l'hypertension artérielle, en particulier pas d'hypertrophie ventriculaire gauche.   Une tumeur volumineuse diagnostiquée dès l’échographie Le bilan étiologique de l'hypertension artérielle a été complété par l'échographie abdominale qui a révélé une tumeur surrénale de 63 mm de diamètre. L'examen tomodensitométrique a confirmé la présence d'une masse surrénalienne droite hétérogène de 8 cm de diamètre (figure 1). Figure 1. TDM abdominale objectivant la masse surrénalienne droite. La tumeur était en rapport avec la face postérieure du foie et la veine cave inférieure, sans la comprimer. Après injection de produit de contraste, une thrombose de la veine cave inférieure depuis sa portion rétrohépatique jusqu'aux veines iliaques communes a été observée (figure 2). Le pilier droit du diaphragme était envahi. Cette masse entraînait une compression du rein droit qui était refoulé en bas. L'écho-Doppler veineux notait, en plus, une extension de la thrombose à la veine rénale droite. Figure 2. TDM abdominale objectivant un thrombus de la veine cave inférieure. La résonance magnétique nucléaire a retrouvé la masse surrénalienne droite de 8 cm de diamètre, de signal hétérogène, se rehaussant de façon variée et comportant des zones liquidiennes centrales de nécrose (figures 3 et 4). Cette masse envahissait le foie et le pilier droit du diaphragme (figure 5), s'accompagnant d'une thrombose cave étendue et de troubles de la perfusion du parenchyme hépatique, vraisemblablement en rapport avec des thromboses veineuses intrahépatiques segmentaires. Le tronc porte était perméable. Figure 3. IRM : coupe longitidunale montrant la masse surrénalienne droite. Figure 4. IRM : Coupe transversale montrant la masse surrénalienne droite. Figure 5. IRM : Coupe longitidunale montrant la masse surrénalienne droite avec envahissement hépatique. Le bilan biologique a confirmé le diagnostic de phéochromocytome en décelant dans les urines : • de la métanéphrine à 939 µg/ 24 h (VN : 52-234), • de la normétanéphrine à 1001 µg/24h (VN : 88-444), • le taux de la dopamine était 6 fois supérieur à la normale. L'évolution a été marquée par une aggravation de la dyspnée avec des douleurs thoraciques. L'électrocardiogramme a noté une déviation axiale droite et l'échocardiographie, une dilatation des cavités cardiaques droites avec une hypertension artérielle pulmonaire importante. Devant ces éléments, le diagnostic d'embolie pulmonaire a été retenu. Le malade a été mis sous traitement anticoagulant qui ne l'a amélioré que partiellement. Malheureusement il est décédé 3 jours plus tard. La biopsie hépatique post mortem a montré une localisation métastatique du phéochromocytome, signant le caractère malin.   Discussion   Une cause rare d’HTA Le phéochromocytome est une tumeur rare développée aux dépens du tissu chromaffine qui ne représente que 1 à 2 % des étiologies de l'HTA. Les formes malignes représentent 10 % de l'ensemble des phéochromocytomes. La malignité est définie par l'existence de métastases à distance dans un organe ne contenant pas de résidu chromaffine (ganglion, foie, os, poumon). La malignité apparaît souvent méconnue car elle peut se révéler que par des métastases apparaissant parfois longtemps après l'exérèse.   Un tableau clinique variable L'expression clinique du phéochromocytome est très variable, liée principalement au type d'amine secrétée en excès. Le dérèglement de la tension artérielle reste le mode de révélation le plus fréquent. La clinique associe habituellement une HTA paroxystique et des symptômes évocateurs (céphalées, sueurs, palpitations). Les formes trompeuses sont fréquentes et source de retard diagnostique. Le retentissement cardiaque peut s'exprimer par une insuffisance cardiaque, un angor ou un infarctus du myocarde à coronaires saines, des troubles du rythme ou de conduction. Ces manifestations cardiaques sont le plus souvent le fait d'une myocardite adrénergique qui associe fréquemment à l'échocardiographie une hypertrophie ventriculaire gauche et une dilatation ventriculaire.   Un diagnostic biologique Le diagnostic du phéochromocytome est confirmé par les dosages sanguins ou urinaires des catécholamines et des dérivés méthoxylés. Une sécrétion importante de dopamine par un phéochromocytome constitue un indice de suspicion de malignité et oblige à une surveillance postopératoire indéfiniment prolongée. L'échographie abdomino-pelvienne est peu performante pour l'exploration des surrénales, surtout à gauche. Elle présente un intérêt particulier pour les localisations tumorales chez la femme enceinte. Le scanner est l’examen clé. La tomodensitométrie est l'examen clé dans le diagnostic topographique des phéochromocytomes ; elle permet de confirmer le diagnostic de masse tumorale, d'en préciser les dimensions, la localisation et la présence éventuelle de métastases. Toutefois, elle est peu performante dans la détection des tumeurs < 1 cm et des tumeurs extrasurrénaliennes. L’IRM. L'imagerie par résonance magnétique est l'examen de choix dans les phéohromocytomes extrasurrénaliens. Elle permet de différencier les phéochromocytomes d'un adénome surrénalien et de mieux distinguer le processus tumoral et la graisse périrénale, comme le montre bien notre observation. Les isotopes. La scintigraphie à l'iode 131 méta-iodobenzylguanidine (MIBG) est réalisée en particulier lorsque la tomodensitométrie reste négative, ou dans l'hypothèse d'une localisation multiple ou de métastases. Elle permet d'apprécier au mieux la topographie, l'extension, les rapports de la tumeur et de retrouver les localisations multiples, ectopiques ou métastatiques. Elle permet d'établir un bilan précis d'extirpabilité. L’angiographie. L'intérêt de l'angiographie, qui doit comporter une opacification aortique globale et des injections sélectives, est surtout de donner aux chirurgiens des informations sur les pédicules tumoraux et la perméabilité de la veine cave inférieure. L'angiographie numérisée pourrait supplanter l'artériographie en évitant le risque de déclencher une crise hypertensive. La phlébographie a été pratiquée dans cette observation après visualisation du thrombus au scanner, afin de délimiter son extension en amont et en aval de la veine cave inférieure.   Un pronostic très sévère L'évolution d'un phéochromocytome malin est le plus souvent fatale en raison des complications cardiovasculaires ou des disséminations métastatiques. D'autres complications intercurrentes peuvent être en cause comme dans cette observation, où l'embolie pulmonaire est le diagnostic le plus probablement incriminé dans le décès.   Le traitement est chirurgical Si le traitement du phéochromocytome bénin est particulièrement bien codifié et fait appel à la chirurgie d'exérèse, le traitement du phéochromocytome malin est beaucoup plus délicat ; il repose essentiellement sur la chirurgie d'exérèse chaque fois qu'elle est possible. Mais, elle a ses limites en raison de l'extension tumorale et des localisations multiples. Cette chirurgie nécessite une préparation soigneuse afin de réduire les accidents postopératoires. Le traitement médical préopératoire, visant à contrôler l'hypertension artérielle, repose sur les alpha-bloquants ou les alpha-bêtabloquants. L'utilisation thérapeutique de la MIBG marquée à l'iode 131 entraîne une réponse tumorale dans moins de 50 % en diminuant partiellement la masse tumorale et semble bien tolérée, avec une faible toxicité. L'embolisation artérielle sélective des masses tumorales reste un traitement palliatif. Le traitement anticancéreux basé sur la chimiothérapie et/ou la radiothérapie semble inefficace en raison de la radiorésistance de la tumeur. Il peut cependant avoir un intérêt pour traiter les métastases osseuses et lymphatiques.   Conclusion Le phéochromocytome est une cause rare et grave d'HTA. La fréquence de la malignité est estimée à 10 % de l'ensemble des phéochromocytomes. Le pronostic de cette forme reste sombre malgré un traitement chirurgical curatif lorsqu'il est possible. Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  •  
  • 1 sur 69

Vidéo sur le même thème