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Cardiologie générale

Publié le 15 nov 2005Lecture 6 min

L'ECG du sportif : limites de la normalité

J.-F. AUPETIT et R. BRION, Lyon

L’ECG d’un sportif est la plupart du temps normal mais un athlète très entraîné peut présenter des modifications électrocardiographiques simulant des aspects pathologiques. Nous verrons ici les différents aspects de l’ ECG de l’ athlète et ceux devant conduire à des investigations complémentaires.

Fréquence cardiaque La bradycardie sinusale, corrélée avec le niveau d’entraînement en endurance mais pas avec la performance, est banale chez le sportif, souvent < 60 bpm (figure). Figure. Électrocardiogramme d’un sportif de haut niveau âgé de 23 ans associant bradycardie sinusale et aspect de repolarisation précoce (sus-décalage du point J en V2-V3-V4 avec segment ST ascendant). Onde P La morphologie des ondes P du sportif est peu différente de celle d’un sédentaire du même âge. Toutefois, une augmentation du voltage des ondes P, entre 2,5 et 3 mm, et des aspects en double bosse en D2-D3-VF, ont parfois été notés chez des coureurs de grande endurance ou chez des sportifs vétérans.   Conduction auriculo-ventriculaire Chez les sujets entraînés en endurance on peut observer : – un intervalle PR légèrement plus long que chez les sujets sédentaires, – un aspect de bloc auriculo-ventriculaire du 1er degré, – ou même des BAV du 2e degré de type I avec périodes de Lucciani-Wenckebach. Une bradycardie sinusale très marquée peut même parfois laisser place à un rythme d’échappement auriculaire jonctionnel ou ventriculaire qui disparaît très rapidement au cours de l’effort.   Durée et axe du QRS   La durée moyenne du QRS du sujet entraîné ne diffère pas de celle des sujets non entraînés. Un aspect de bloc de branche droit incomplet est toutefois plus fréquemment observé chez le sujet entraîné en endurance (durée du QRS entre 0,10 et 0,11 secondes ; r’ en V1 ± V2 ; s en V5 ± V6). Le BBDI du sportif ne semble pas lié à un trouble conductif de la branche droite, mais à une activation particulière du ventricule droit mise sur le compte d’une hypertrophie ou d’un mécanisme vagal. Les BBD, BBG et hémiblocs ne sont pas plus fréquents chez les sportifs que dans la population générale. L’axe frontal de QRS des sportifs est identique à celui des témoins sédentaires.   Critères ECG d’hypertrophie ventriculaire Selon les séries publiées, on estime que : – 20 % des athlètes présenteraient des critères d’hypertrophie ventriculaire droite ; – 10 à 80 % des athlètes de haut niveau présenteraient des critères classiques d’HVG électrique. Dans l’étude de Brion, l’indice de Sokolow (S V1 + R V5 ou V6) est en moyenne de 33 ± 10 mm chez 150 athlètes de haut niveau, âgés de 20 ans, de disciplines diverses, versus 28 ± 9 mm chez 150 sédentaires stricts de même âge. Toutefois, la comparaison entre les données électrocardiographiques et échocardiographiques, montre les mauvaises sensibilité (65 %) et spécificité (61 %) des critères habituels d’HVG électrocardiographiques chez l’athlète, ce qui justifie en cas de doute une analyse échocardiographique.   Repolarisation   Intervalle QT La bradycardie sinusale de l’athlète induit un allongement de QT dont l’interprétation nécessite une correction par la fréquence cardiaque (QT corrigé) ; mais la formule de Bazett, souvent utilisée, est mal adaptée aux sportifs, tendant à surévaluer le QT corrigé. En définitive, la longueur du QT corrigé de l’athlète n’apparaît pas différente de celle des sédentaires : la valeur limite généralement admise chez l’athlète est de 420 ms avec des extrêmes allant jusqu’à 470 ms.   Segment ST Sus-décalage du point J et du segment ST L’aspect de repolarisation précoce (élévation du point J suivie d’un segment ST sus-décalé, le plus souvent concave vers le haut, horizontal ou ascendant et suivi d’une grande onde T positive) est souvent retrouvé chez le sportif entraîné. Toutes les dérivations peuvent être intéressées, mais les plus fréquemment touchées sont V3 et V4. L’amplitude du sus-décalage du point J augmente avec le niveau d’entraînement et la capacité aérobie, pouvant atteindre au maximum 4 mm. Cet aspect est plus fréquemment observé chez le sportif de race noire. Ce syndrome de repolarisation précoce peut aussi être observé chez des sujets non sportifs et jeunes, mais au-delà de l’âge de 40 ans, ce syndrome est plus rare et donc plus spécifique d’un entraînement sportif. Sous-décalage du segment ST Le sous-décalage du segment ST au repos est rare chez le sportif, ne dépasse pas 0,1 mV, et souvent ne régresse pas après l’arrêt de l’entraînement. La constatation d’un sous-décalage de ST, même s’il peut être constaté chez les sportifs très entraînés, impose la réalisation d’examens complémentaires pour en affirmer le caractère bénin.   Onde T Ondes T positives L’augmentation d’amplitude de l’onde T n’est pas spécifique de l’ECG du sujet sportif. En revanche, l’aplatissement des ondes T est plus fréquemment observé chez les athlètes entraînés ainsi qu’un aspect biphasique positif en double bosse de l’onde T. Ondes T négatives Chez un sujet normal non entraîné, l’onde T est négative en VR et peut être physiologiquement négative en D3-VF et V1. Chez les sujets très entraînés, des ondes T négatives peuvent être constatées dans tous les territoires, notamment dans les dérivations précordiales, mais le plus souvent entre V3 et V6. Ces modifications de la repolarisation varient avec l’intensité et l’ancienneté de l’entraînement, augmentent avec l’âge et sont plus fréquemment observées chez le sportif de race noire. Elles ne sont pas corrélées avec l’hypertrophie myocardique d’adaptation.   Modalités évolutives Ces anomalies de la repolarisation ne sont observées que chez des athlètes soumis à un entraînement important et peuvent n’apparaître qu’après des années d’entraînement. Chez un même athlète, les ondes T peuvent fluctuer en fonction du niveau d’entraînement saisonnier avec une tendance à l’aplatissement et même à la négativation de l’onde T maximale en V6 dans les périodes d’entraînement intense. Toutes les particularités de la repolarisation liées à un entraînement se corrigent progressivement au cours de l’exercice et dans les premières minutes de la récupération. Enfin, elles disparaissent après arrêt complet de l’entraînement en quelques semaines à quelques mois.   En pratique La connaissance des particularités de l’ECG du sportif permet le plus souvent de discriminer celles qui sont manifestement liées à l’entraînement, n’imposant pas de contrôle supplémentaire, de celles qui doivent faire suspecter une cardiopathie justifiant des contrôles supplémentaires chez des sujets imposant à leur système cardiovasculaire d’importantes contraintes.       Attitude préconisée devant la mise en évidence de particularités de l’ECG (troubles du rythme exclus) chez un athlète très entraîné, asymptomatique, avec un examen clinique normal. Aspects pouvant être d’emblée attribués à un entraînement important : - Bradycardie, BAV 1, BAV 2 type I - Bradycardie sinusale avec rythme d’échappement supraventriculaire ou ventriculaire disparaissant à l’effort - Aspect de BBDI - Sus-décalage du point J et segment ST ascendant (repolarisation précoce) - Onde T négative en VR, V1, D3, VF - Onde T positive (haute, aplatie ou bifide) Aspect à discuter en fonction du contexte : - Important sus-décalage du point J (> 3 mm), surtout avec ST horizontal (possible si entraînement très important, plus fréquent chez les sportifs de race noire) Aspects nécessitant des investigations supplémentaires : - Ondes T négatives : - en V1 + V2 ± V3 : éliminer une cardiomyopathie arythmogène du VD - en précordiales gauches ± D1 VL : éliminer une cardiopathie avec retentissement VG (cardiomyopathie hypertrophique, cardiomyopathie dilatée, myocardite…) - Sous-décalage du segment ST : éliminer une cardiomyopathie, une pathologie coronaire surtout au-delà de 35 ans… Aspects ne devant pas être attribués à l’entraînement : - Déviations franches de l’axe de QRS - Blocs de branche complets, élargissement de QRS > 0,11 s, hémiblocs - QTc > 470 ms

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