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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 21 nov 2006Lecture 5 min

Le portable chez les patients appareillés

M. CHAUVIN, hôpital Hautepierre, Strasbourg

De façon inquiétante, le dossier débutait en comparant les effets du rayonnement des portables sur le cerveau à ceux des fours à micro-ondes … « capables de cuire un poulet en quelques minutes » ! Plus récemment, l’auteur de ces lignes recevait les accusations qu’une patiente hypertendue portait contre un prestataire de services de télécommunications qui avait installé un relais téléphonique à quelques centaines de mètres de son domicile et qu’elle accusait d’être la cause de sa fibrillation atriale… Ces deux anecdotes sont significatives de l’obscurantisme fréquent entourant le fonctionnement « par ondes » des portables et de la sensibilisation du grand public aux effets délétères potentiels de ces ondes sur la santé. Dans le cas particulier des patients implantés d’un stimulateur cardiaque ou d’un défibrillateur automatique, les cardiologues sont souvent sollicités pour répondre à leur curiosité ou calmer leurs angoisses. Nous allons donc tenter de résumer nos connaissances actuelles sur les interférences supposées entre les prothèses actives et les portables, et montrer qu’il n’est sûrement pas justifié de diaboliser ces objets de communication devenus pour beaucoup indispensables.

Combien de patients implantés et combien d’interférences rapportées ? En France, il est implanté environ 30 000 nouveaux stimulateurs cardiaques par an et 3 à 4000 défibrillateurs automatiques. En tenant compte du cumul des implantations sur plusieurs années, des personnes décédées, il est raisonnable d’estimer à quelques centaines de milliers le nombre de patients implantés actuellement d’une prothèse active (stimulateur ou défibrillateur). Il est également raisonnable d’imaginer que bon nombre de ces patients (plusieurs dizaines de milliers ?) possèdent un téléphone portable et s’en servent régulièrement, même si les principales tranches d’âges des patients implantées connaissent une diffusion du portable qui est loin d’égaler celle que l’on trouve chez les adolescents pareillement équipés. Au total, on imagine le nombre de communications envoyées et/ou reçues quotidiennement par des patients appareillées, sûrement quelques centaines de milliers. Et ces chiffres supposés ne concernent que la France… Or, qui d’entre nous a jamais entendu parler ou lu un seul cas rapporté d’interférences sérieuses et démontrées chez un communiquant entre son précieux portable et sa prothèse sophistiquée ? Dès lors, ou bien tous les patients sont suffisamment bien informés pour se protéger contre ces interférences (c’est possible) et la rédaction de ce papier n’a guère de justification, ou bien les interférences ne sont vraiment pas un problème… Car si interférences il peut y avoir, elles sont sûrement des plus exceptionnelles même si, comme on le sait, toute interférence, tout dysfonctionnement, ne sont pas systématiquement portés à la connaissance de la communauté cardiologique.   Comment fonctionne un « portable » ? Examinons les problèmes potentiels posés par ces possibles interférences, et rappelons d’abord succinctement comment fonctionne un portable. C’est d’abord une batterie, rechargeable, qui alimente ensuite des circuits où se trouvent des convertisseurs et des amplificateurs ainsi qu’un microphone générant à lui seul un champ électromagnétique. En émission, le portable va produire des ondes électromagnétiques, vectrices des communications, et générer, par la mise en marche de tout ce qui vient d’être décrit, un champ électromagnétique très localisé autour de l’appareil et lié uniquement à son fonctionnement. Ce champ peut être relativement élevé, en fonction de la puissance d’émission (réglementairement limitée en Europe à 2 watts), mais son niveau décroît très vite, en raison inverse du carré de la distance parcourue. Quant aux ondes électromagnétiques de communication proprement dites, on les rencontre partout dans notre environnement dès lors que le lieu où nous nous trouvons est couvert par un serveur téléphonique : elles n’ont, bien sûr, aucune influence sur le comportement des stimulateurs/défibrillateurs car nous devrions sinon abriter en permanence nos patients dans une cage de Faraday… En mode réception, les effets sont les mêmes que précédemment. Quant au mode d’attente (portable allumé mais hors communication), il produit aussi, mais à intervalles réguliers, un champ électromagnétique identique, beaucoup plus bref néanmoins, puisque le portable va sans cesse se « caler » automatiquement sur le relais le plus proche (c’est la petite lampe qui s’allume brièvement mais régulièrement au niveau du portable et qui indique la recherche de ce relais). En résumé, ce ne sont donc pas les ondes électromagnétiques de la communication proprement dites qui pourraient poser problème, mais le fonctionnement de l’appareil générant ces ondes.   Les arguments fondés sur les études et la pratique Pour connaître les interférences possibles et donc les dangers potentiels, les études ne manquent pas, fort heureusement, ce qui nous permet d’avoir un avis fortement étayé sur la question. In vitro, les résultats sont effrayants : jusqu’à 28 % des tests ont montré des interférences, dont les conséquences sont le plus souvent une inhibition de fonctionnement du stimulateur. Les conditions d’études sont des plus défavorables : sensibilités des stimulateurs souvent maximales, recueil unipolaire et portables quasiment au contact du boîtier. On démontre ainsi qu’il faut absolument éviter qu’un portable soit placé à moins de 10 cm d’un stimulateur. In vivo, les résultats des expérimentations sont tout aussi inquiétants que ceux des tests in vitro : jusqu’à 20 % d’interférences avec les stimulateurs, le plus souvent encore des inhibitions. Mais pour obtenir ces résultats, il faut quand même la rencontre d’un cardiologue facétieux capable de régler un stimulateur avec une sensibilité maximale sur un mode unipolaire et d’un patient au profil suicidaire approchant son portable presque au contact de la peau en regard de l’appareil ainsi réglé. Dans la vie courante – Pour peu qu’un stimulateur ait une sensibilité réglée aux valeurs habituelles, surtout en mode bipolaire, et que le patient garde son portable à plus 20 cm de son stimulateur, il peut en toute sécurité bénéficier des joies de la communication moderne. – Dans le cas des défibrillateurs automatiques, nous sommes en présence d’appareil, dont les sensibilités, automatiquement adaptables, sont beaucoup plus grandes que celles généralement programmées dans les stimulateurs, car un défibrillateur doit détecter des fibrillations ventriculaires dont le voltage peut être très réduit. Mais les défibrillateurs ne recueillent qu’en mode bipolaire et sont équipés de filtres suffisants pour rejeter des interférences situées dans des gammes de fréquences élevées. C’est pourquoi les études expérimentales ne parviennent généralement pas à provoquer des chocs inappropriés, même dans des conditions a priori extrêmes. Aucun cas clinique d’interférences n’a par ailleurs jusqu’à présent été rapporté.   En pratique   La crainte, tout à fait justifiée voici quelques années, d’interférences entre téléphones portables et stimulateurs ou défibrillateurs cardiaques a suscité de nombreux travaux, in vitro et in vivo. On ne peut que s’en réjouir puisqu’il est possible actuellement d’affirmer que ces craintes ne sont plus justifiées pour peu quand même que le portable soit à plus de 20 cm environ de toute prothèse active.

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