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Diabéto-Cardio

Publié le 19 juin 2007Lecture 8 min

Le diabète de type 2 : définition, épidémiologie et physiopathologie

P.-J. GUILLAUSSEAU, CHU Lariboisière, Paris

Le diabète de type 2 (90 % des diabètes en France) pose un problème majeur de santé publique, et le posera davantage encore au cours des 10 ans à venir. C’est une maladie fréquente, à l’origine de complications sévères de deux ordres :
• spécifiques : oculaires (l’une des premières causes de cécité acquise de l’adulte), rénales (première cause actuelle d’insuffisance rénale terminale), neurologiques (risque relatif d’amputation d’un membre inférieur x 40) ;
• non spécifiques, comme le risque élevé de complications cardiovasculaires. À ce titre, le diabète de type 2 a été classé au rang des priorités nationales. La Caisse nationale d’assurance maladie (CNAMTS) a fait du diabète de type 2 l’objet d’enquêtes régionales et nationales et de campagnes de sensibilisation des médecins généralistes. Des recommandations de l’HAS et de l’AFSSAPS concernant la prise en charge du diabète de type 2 ont été publiées fin 2006.

Sémantique Le diabète de type 2 correspond aux anciennes dénominations de diabète de la maturité ou de diabète non insulinodépendant (DNID). Il est appelé diabète de type 2 depuis les recommandations de l’OMS de 1997 (reprises par l’Europe et la France) par opposition au diabète de type 1 (qui touche l’enfant et l’adolescent et qui doit être traité d’emblée par l’insuline).   Définitions et diagnostic Le diabète est défini par une élévation chronique des concentrations de glucose dans le sang, ou hyperglycémie chronique. Le diabète de type 2 ne survient pas brutalement, même s’il est parfois reconnu tardivement, avec une glycémie « franchement » élevée, à l’occasion d’une complication aiguë, tel un infarctus du myocarde. Cela signifie simplement qu’il est resté méconnu de longues années (en moyenne 7,5 ans selon des études épidémiologiques). Il s’installe progressivement et est précédé d’une période durant laquelle la glycémie s’élève graduellement. On définit (tableau) deux stades initiaux : - soit l’hyperglycémie modérée à jeun, si l’on dose la seule glycémie à jeun (après 8 heures de jeûne) ; - soit l’intolérance au glucose, si l’on réalise une hyperglycémie provoquée orale (glycémie 2 heures après 75 g de glucose) (non recommandée). Le diagnostic de diabète (tableau) repose sur la constatation d’une glycémie à jeun élevée ≥ 1,26 g/l, confirmée par un 2e dosage quelques jours plus tard. Devant un diabète, certains éléments vont orienter vers un diabète de type 2 : l’argument de fréquence, le début après 40 ans, l’excès pondéral ou l’obésité (80 % des cas), la présence d’antécédents familiaux, l’intensité modérée de l’hyperglycémie (souvent < 2 g/l à jeun) et l’absence de cétose ou d’acidocétose (d’où la nécessité de ne pas recourir à l’insuline pour des raisons vitales durant l’année qui suit le diagnostic), la présence d’une hypertension artérielle et/ou d’une dyslipoprotéinémie. Épidémiologie en France L’étude menée en 1998 par la CNAMTS a montré que la prévalence (nombre total de cas pour l’ensemble de la population) du diabète traité par médicaments en France métropolitaine était de 3,06 %, soit un peu plus de 2 millions de diabétiques en France actuellement, âgés en moyenne de 64 ans, avec une légère prédominance masculine (sexe-ratio 1,04). La prévalence est plus élevée dans les régions du centre et du sud-est que dans les régions du nord et de l’ouest. Les départements et territoires d’Outre-Mer sont à part, avec une prévalence > 10 %. L’incidence (nombre de nouveaux cas par an), calculée sur les nouvelles entrées en ALD de 1998 à 2001 est d’environ 100 cas/100 000 par an.   Une augmentation régulière Des études réalisées depuis l’enquête de CNAMTS de 1998 ont montré une augmentation régulière de la prévalence du diabète de type 2 : 3,26 % en 2000 et 3,44 % en 2002, soit une augmentation moyenne de 3,2 % par an. Ce phénomène est loin d’être une « exception française » ; en effet, bien que la maladie soit non transmissible, la progression du diabète revêt une allure pandémique. Le diabète de type 2 touche de plus en plus les habitants des pays industrialisés comme ceux des pays en voie de développement, du fait d’une urbanisation croissante, d’une occidentalisation du mode de vie et du vieillissement de la population. Le nombre de diabétiques dans le monde était de 135 millions en 1995, de 150 en 2000 et atteindra 235 millions en 2025, si les mesures de prévention primaire nécessaires ne sont pas mises en place. En France, on peut estimer que l’incidence de 100/100 000 actuelle passera à 155/100 000 en 2020. Les causes de cette augmentation sont doubles : - l’augmentation du poids qui s’accompagne d’une augmentation de la fréquence du diabète de type 2. En France, la prévalence de l’obésité (indice de masse corporelle ≥ 30 kg/m2) dans la population > 18 ans était estimée à 11,3 % en 2003 selon l’enquête OBEPI. Le poids moyen est en augmentation régulière, de 0,800 kg en 3 ans (soit une augmentation prévisible de 6 kg en 2020), et la fréquence de l’excès pondéral et celle de l’obésité augmentent (de 36,7 % en 1997 à 39 % en 2000) ; - le vieillissement de la population, car la prévalence du diabète de type 2 s’élève avec l’âge : • moins de 1 % avant 40 ans, • entre 5 et 8 % de 50 à 64 ans, • 11 à 12 % entre 65 et 74 ans, • 14 % après 75 ans (CNAMTS 1998). En France, l’allongement de la durée de vie (+3 mois/an) et l’arrivée des « papy-boomers » nés après 1945 laissent prévoir une fréquence maximale du diabète de type 2 entre 2020 et 2050. Les formes chez l’enfant correspondent à des formes génétiques particulières, bien que des formes semblables à celles de l’adulte commencent à apparaître actuellement chez l’enfant et l’adolescent en raison de l’obésité et de la sédentarité croissantes.   Mécanismes physiopathologiques Chez le non-diabétique, la glycémie est stable : 1 g/l à jeun, moins de 1,20 g/l après le repas. Cet équilibre est assuré par la sécrétion d’insuline par les cellules b des îlots de Langerhans du pancréas en réponse aux repas. L’insuline circule dans le sang et se fixe sur des récepteurs dans les tissus musculaires, hépatiques et adipocytaires. L’insuline permet la mise en réserve du glucose alimentaire dans les muscles sous forme de glycogène, bloque la production de glucose par le foie et la lipolyse adipocytaire. À jeun, la sécrétion d’insuline est faible, et la glycémie est « entretenue » par la libération du glycogène musculaire et la fabrication de glucose par le foie à partir de précurseurs non glucidiques, lipidiques ou protéiques (ou néoglucogenèse).   Anomalies métaboliques L’hyperglycémie à jeun et postprandiale qui caractérise le diabète de type 2 est due à l’association d’une diminution conjointe de l’insulinosécrétion et de la sensibilité des tissus périphériques à l’action de l’insuline (encore appelée « insulinorésistance »). Le diabète de type 2 est une maladie multifactorielle qui résulte de la combinaison d’une prédisposition génétique (déficit de l’insulinosécrétion) et de facteurs d’environnement (excès pondéral, sédentarité). L’insulinorésistance qui résulte de l’environnement dévoile le déficit de l’insulinosécrétion génétiquement transmis. Ce phénomène définit l’absence ou l’insuffisance d’adaptation de l’insulinosécrétion à l’augmentation des besoins due à l’insulinorésistance. En d’autres termes, la grande majorité des sujets obèses n’est pas diabétique en dépit d’une insulinorésistance parfois considérable, car le pancréas de ces sujets fabrique autant d’insuline que nécessaire, pouvant atteindre 600 unités d’insuline par jour ! Le diabète ne s’observe que si la cellule b est génétiquement « limitée », en nombre et/ou en capacités fonctionnelles, pour des raisons génétiques ou comme conséquence chez l’adulte d’une malnutrition in utero. Dès lors que la cellule b est « débordée » et que la glycémie s’élève, l’évolution va se faire inéluctablement vers une réduction de la masse des cellules b et une détérioration progressive de l’insulinosécrétion. Des études longitudinales ont bien montré que la détérioration progressive de l’équilibre glycémique est due à la diminution graduelle de l’insulinosécrétion et que l’insulinosensibilité n’a pas d’influence sur ce processus.   Origine Le diabète, maladie multifactorielle, résulte de la conjonction de deux facteurs : prédisposition génétique à un déficit en insuline, insulinorésistance due à l’environnement. La preuve de l’origine génétique du diabète de type 2 est apportée par des études épidémiologiques. Il existe une concordance élevée (80 à 90 %) pour le diabète de type 2 des paires de jumeaux homozygotes (les deux jumeaux ont la maladie), alors que la concordance n’est que de 40 à 45 % pour les paires hétérozygotes. Les jumeaux homozygotes ont des gènes et un environnement in utero identiques alors que les jumeaux hétérozygotes ne partagent que le même environnement in utero et dans la première année de la vie. La prédisposition familiale est en outre attestée par la fréquence élevée de diabète de type 2 en cas d’antécédents familiaux (50 % si 2 parents atteints, 25 à 30 % si un parent au 1er degré) – rappelons-le, 3 % dans la population générale. Il a été montré récemment que le diabète de type 2 est associé à des polymorphismes du gène d’un facteur de transcription, TCF7L2, dans des études réalisées dans de nombreuses populations, dont la population française. Ces polymorphismes expliqueraient 20 à 30 % des cas. Il s’agit d’un facteur impliqué dans l’insulinosécrétion. Concerne-t-il la réplication des cellules ? Des études de surexpression et d’invalidation du gène dans des modèles animaux nous donneront la réponse. L’insulinorésistance résulte en physiologie de deux situations, la grossesse et le vieillissement, et en pathologie de l’excès pondéral et de la sédentarité, et de certaines maladies (sécrétion tumorale d’hormones hyperglycémiantes) et de médicaments (corticoïdes, etc.) qui conduisent à augmenter les besoins en insuline de l’organisme. Lorsque les capacités d’insulinosécrétion sont dépassées, apparaît une hyperglycémie modérée à jeun puis un diabète. Cet enchaînement n’est pas une fatalité comme l’ont montré les résultats d’études d’intervention en prévention primaire qui comportaient une modification des habitudes de vie (contrôle de l’alimentation et exercice physique modéré régulier).   Conclusion Ce sont les conditions d'environnement actuelles, sédentarité et « alimentation occidentale », qui sont la cause de l’épidémie de diabète. À un mode de vie rural et des activités fondées sur un travail « physique », s’est substitué un mode de vie urbain, avec des activités qui impliquent peu le travail musculaire. Les dépenses d’activité physique (profession, tâches domestiques, loisirs) et de thermorégulation (chauffage, climatisation) ont ainsi diminué pour devenir négligeables. L’évolution dans la population de l’excès pondéral et de l’obésité est en pleine croissance, avec répartition abdominale des graisses. Elle est liée à l’augmentation des apports alimentaires en calories, en graisses, en sucres simples, en boissons sucrées ou alcooliques ; ces apports sont excessifs et très supérieurs aux besoins. Les activités actuelles de loisirs chez l’adulte (médias divers, télévision plutôt qu’activité physique, marche, randonnée, etc.) et chez l’enfant et l’adolescent (jeux vidéo, cinéma, télévision plutôt que football ou vélo), alliées à un grignotage permanent et entretenu avec constance et talent par les écrans publicitaires qui financent ces mêmes médias, complètent les causes de la flambée actuelle de l’excès pondéral et du diabète.

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