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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 14 juin 2005Lecture 9 min

Facteurs de risque de mort subite

X. JOUVEN, hôpital européen Georges Pompidou et l’équipe INSERM AVENIR d’épidémiologie de la mort subite

La mort subite représente environ 30 à 50 000 décès par an en France. Certaines formes spécifiques de cardiomyopathies et de syndromes sont associés à un risque élevé de mort subite comme les syndromes du QT long ou de Brugada, la cardiomyopathie hypertrophique, la dysplasie ventriculaire droite arythmogène, et certaines cardiomyopathies dilatées.
On connaît, pour chacune de ces pathologies, certains facteurs de risque spécifiques de mort subite. Pourtant, pour la pathologie associée à la mort subite la plus fréquente (> 80 %) – l’atteinte ischémique myocardique – il est difficile de différencier les facteurs de risque de développement de l’athérome d’une susceptibilité particulière pour les troubles du rythme ventriculaire.
En outre, dans plus de 50 % des cas détectés, les sujets étaient asymptomatiques. Il est donc particulièrement important de pouvoir détecter précocement les sujets à risque.

Plusieurs équipes de re-cherche travaillent dans cette direction, et des facteurs de risque plus spécifiques de mort subite ont récemment été identifiés : • des antécédents parentaux de mort subite, • un statut diabétique, • un niveau élevé d’acides gras libres, • une CRP élevée, • une fréquence cardiaque de base élevée, • l’absence d’activité physique, • un stress important, • une consommation d’alcool nulle ou trop importante. L’approche génétique a identifié des mutations pathogènes concernant essentiellement les maladies rares monogéniques mais n’a pas encore obtenu de résultat probant concernant les pathologies les plus fréquentes. Pourtant, l’identification des sujets à risque et la prescription de mesures de prévention primaire représentent des défis majeurs de la recherche cardio-vasculaire pour les années à venir. Épidémiologie de la mort subite Des points de vue clinique, scientifique et de santé publique, la mort subite représente un problème important et non résolu, responsable environ de la moitié des décès cardio-vasculaires.   Une cardiopathie est rarement identifiée Les progrès thérapeutiques récents apportés par les défibrillateurs automatiques implantables (DAI) masquent par leur efficacité le fait qu’ils ne peuvent concerner qu’une faible partie des sujets qui vont décéder de manière subite. En effet, les sujets considérés comme étant à risque de mort subite sont le plus souvent des patients suivis, ayant une cardiopathie connue (hypertrophique, arythmogène du ventricule droit, Brugada, QT long, en postinfarctus de myocarde, certaines cardiomyopathies dilatées ou hypokinétiques). Pour certaines de ces cardiomyopathies, on connaît quelques facteurs de risque de mort subite, qui permettent d’évaluer le risque et de proposer une stratégie thérapeutique adaptée, médicamenteuse et/ou par DAI. Le problème est que cela ne représente qu’une faible partie des 30 à 50 000 sujets qui décèdent subitement par an en France.   La majorité n’a pas d’antécédent cardiaque connu La mort subite est fréquemment la première et la dernière manifestation clinique d’une atteinte coronaire. Plus de 50 % des morts subites surviennent chez des sujets n’ayant pas d’antécédent cardio-vasculaire connu. Ce taux atteindrait presque 70 % chez les femmes. Malgré un déclin de la morbidité et de la mortalité cardio-vasculaires durant les deux dernières décennies et bien que des progrès aient été faits dans les méthodes de réanimation, le traitement des morts subites reste généralement peu efficace avec un taux de réanimation entre 0 et 5 %. La solution idéale serait d’empêcher le processus pathogène qui conduit à la survenue de la mort subite. La prévention est difficile. L’identification précoce des sujets à haut risque de mort subite est ainsi essentielle pour proposer des stratégies de prévention. Cependant, il reste difficile d’identifier les facteurs de risque à long terme qui prédisposent spécifiquement à la survenue de la mort subite. Quelques études récentes ont pourtant permis des avancées intéressantes dans ce domaine.   Une approche épidémiologique difficile Le travail sur la mort subite présente des difficultés importantes qui sont probablement en partie responsables de la sous-estimation de son incidence. La définition de la mort subite. La mort subite représente un décès de cause naturelle survenant dans la 1re heure suivant l’apparition des symptômes. Cette définition est maintenant reconnue, mais d’autres définitions avaient été proposées au préalable, notamment celle de l’OMS qui considère comme mort subite les décès survenus dans les 24 premières heures suivant l’apparition des symptômes. Les certificats de décès et la « faible » fiabilité de leur diagnostic concernant la mort subite. On peut noter qu’en France, 1 300 à 1 500 cas de mort subite sont codés sur les certificats de décès rapportés environ aux 30 à 50 000 décès annuels. La recherche clinique est essentiellement faite par des médecins hospitaliers ou hospitalo-universitaires alors que les patients décédés de mort subite ne rejoignent pas l’hôpital, tout du moins pas vivants. Aussi, les personnes concernées par la mort subite sont-elles l’entourage, le médecin généraliste et les pompiers, voire le SAMU. Des expérimentations récentes, notamment conduites à Seattle aux États-Unis, ont permis de montrer qu’il est possible d’augmenter le taux de réanimation jusqu’à 15 voire 30 % en améliorant la prise en charge immédiate des sujets décédés de mort subite. Le principe est de demander au témoin de la mort subite (entourage familial ou passants) de débuter un massage cardiaque externe aussi précocement que possible. Des conseils leur sont donnés par téléphone auprès d’un standard particulier spécialisé. Il a été montré que, grâce à l’assistance de ce standard téléphonique, il est possible d’augmenter de 50 % le taux de réanimations. Ce premier massage externe de qualité moyenne permet toutefois de maintenir le patient en survie de manière à attendre l’équipe paramédicale qui administrera un choc électrique externe à l’aide d’un défibrillateur semi-automatique. Maintenant qu’il a été montré que certaines actions peuvent augmenter le taux de réanimation, la mort subite n’apparaît plus comme un événement irrémédiable lié à la fatalité, mais plutôt comme une insuffisance de notre système de santé que ce soit en termes de prévention ou de prise en charge. Puisqu’il est difficile de prendre en charge une mort subite, il faut éviter sa survenue. C’est le rôle de la prévention. Mais qui prévenir et comment ? Qui sont les sujets à risque de mort subite ? Que peut-on aujourd’hui leur proposer ?   Facteurs de risque cardio-vasculaires classiques La mort subite de l’adulte est due à une atteinte coronaire dans plus de 80 à 90 % des cas, comme l’ont montré des études d’autopsie. Les facteurs cardio-vasculaires classiques d’athérome sont donc également des facteurs de risque de mort subite mais sont incapables de discriminer entre les sujets spécifiquement à risque de mort subite, et les sujets à risque de décès coronaires non soudains. Il s’agit de l’hypercholestérolémie, d’une consommation tabagique élevée, de l’hypertension artérielle, d’un surpoids et d’une sédentarité.   Autres facteurs de risque plus spécifiques   Antécédents parentaux de mort subite Le premier facteur de risque spécifique de mort subite a été identifié récemment. Il s’agit des antécédents parentaux de mort subite qui sont un facteur de risque spécifique de survenue de mort subite chez leurs enfants, mais pas de risque de décès coronaire non subit. De manière symétrique, des antécédents parentaux d’infarctus du myocarde sont un facteur de risque de survenue d’un infarctus du myocarde mais pas de mort subite. De plus, il a été montré que les sujets décèdent de mort subite à peu près au même âge que leurs parents étaient décédés de mort subite. Le risque de décéder de mort subite lorsqu’un des deux parents est décédé de mort subite est environ de 2 ; il atteint presque 10 lorsque les deux parents sont décédés de mort subite. Cette étude ne permet pas de différencier la part environnementale et familiale de la part liée au facteur génétique responsable de cette association.   Statut diabétique Le diabète est un facteur de risque de décès cardio-vasculaire connu mais plusieurs études suggèrent un risque particulier de mort subite. Il a notamment été montré qu’il existe un gradient de risque entre les sujets normaux, les sujets intolérants aux hydrates de carbone et les sujets décédés de mort subite alors que ce gradient n’existe pas pour les décès coronaires non subits. Plusieurs modes d’action ont été suggérés, notamment la neuropathie qui toucherait le système nerveux autonome des atteintes du réseau microvasculaire (rein, rétine, nerf) ou macrovasculaire, cérébral et périphérique.   Acides gras libres circulants Les acides gras libres peuvent se retrouver dans l’organisme sous plusieurs formes : ils peuvent être estérifiés, sous forme de cholestérol et de triglycérides, ou sous forme de phospholipides dans les membranes. Ils peuvent également être non estérifiés ; on les appelle acides gras libres ou acides gras non estérifiés. Ils proviennent alors essentiellement de la lyse des graisses périphériques et représentent le carburant principal des cellules myocardiques. Il a clairement été montré dans les années 70 que, lors d’un infarctus du myocarde, il existe une augmentation du taux d’acides gras libres circulants et que les sujets ayant la plus forte augmentation sont également ceux qui font le plus de tachycardies ventriculaires et de morts subites. Puis l’intérêt a un peu décliné jusqu’à une étude récente qui montre qu’un dosage d’acides gras libres chez plus de 5 000 sujets sains asymptomatiques d’âge moyen est associé à la survenue de mort subite pendant les 20 années de suivi. Les acides gras libres pourraient donc représenter un marqueur de mort subite. L’intérêt particulier réside dans le fait qu’il a été montré qu’un régime enrichi en acides gras polyinsaturés peut diminuer le taux d’acides gras libres circulants et modifier leur composition, et diminuer le risque d’arythmie ventriculaire et de mort subite. On peut donc envisager, à moyen terme, une certaine forme de prévention primaire de la mort subite dans la population.   Fréquence cardiaque de repos Une fréquence cardiaque de repos élevée est associée à une augmentation du risque de mortalité cardio-vasculaire dans certaines études ; plus encore, il a été suggéré qu’après avoir ajusté sur les facteurs classiques de risque cardio-vasculaire, une fréquence cardiaque de repos élevée reste un facteur de risque indépendant de mort subite exclusivement, et non pas par décès coronaire non subit. De plus, il a été montré récemment que le risque de décès par mort subite augmente proportionnellement avec le niveau de fréquence cardiaque de repos.   Activités physiques et stress L’impact de l’activité physique sur la mort subite est controversé. En effet, un exercice vigoureux pourrait favoriser la survenue de mort subite tandis qu’une activité physique modérée et régulière serait protectrice. Les mécanismes pourraient faire intervenir des changements dans l’adhésion des plaquettes et leur agrégabilité ; bien sûr, on pense à une modulation du système nerveux autonome. En effet, une activité physique répétée conduit à des changements physiologiques avec une augmentation du tonus parasympathique et une diminution de l’activité sympathique. Le stress peut favoriser la survenue de mort subite, comme cela a été montré clairement dans les suites d’un tremblement de terre aux États-Unis. Mais une étude japonaise suggère que le stress professionnel pourrait également favoriser la mort subite.   Consommation alcoolique De façon symétrique à ce qui est observé pour la mortalité cardio-vasculaire, il existe une courbe en U entre la consommation d’alcool et le risque de mort subite avec un risque élevé pour une consommation très faible ou une consommation importante, alors que le risque est plus faible pour une consommation alcoolique modérée.   Facteurs inflammatoires Dans une analyse cas-témoins tirée de la Physician’s Health Study, le niveau de CRP était associé positivement avec le risque de mort subite, y compris après ajustement sur les facteurs habituels de confusion. Il n’a pas été retrouvé d’association entre le niveau sanguin d’homocystéine et le risque de mort subite.   Conclusion   Des progrès substantiels ont été réalisés récemment, que ce soit dans la connaissance des facteurs de risque spécifiques liés à la survenue de mort subite ou dans sa prise en charge. Les facteurs de risque identifiés sont des antécédents parentaux de mort subite, un statut diabétique, un niveau élevé d’acides gras libres, une CRP élevée, une fréquence cardiaque de base élevée, l’absence d’activité physique, un stress important et une consommation d’alcool ou nulle ou trop forte, ainsi que des déséquilibres hydro-électrolytiques, notamment une hypokaliémie. La prévention consiste donc à traiter les sujets diabétiques, à consommer du poisson au moins deux fois par semaine, à avoir une activité physique régulière, ce qui permettra de diminuer la fréquence cardiaque de repos, et à consommer entre 1 à 2 verres de vin rouge par jour. En ce qui concerne la prise en charge de la mort subite, des actions spécifiques devront être engagées, notamment celles pour lesquelles un résultat a été prouvé, comme par exemple la constitution d’un standard téléphonique permettant de délivrer des conseils sur la réalisation d’un massage cardiaque en aigu. La lutte contre la mort subite est difficile et des efforts sont nécessaires à chaque niveau, chaque pourcentage de mort subite représentant 400 vies sauvées. Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal.

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