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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 13 fév 2007Lecture 8 min

Épreuve d'effort chez un porteur de stimulateur cardiaque multisite

F. CARRÉ, Explorations fonctionnelles, hôpital Pontchaillou- Université Rennes 1, Rennes

Cet exposé se limitera à la resynchronisation cardiaque dans le cadre de l’insuffisance cardiaque. Fortement évoqué par l’observation d’une onde P large, d’une durée de l’espace PR allongée et/ou d’un QRS élargi sur l’électrocardiogramme, l’asynchronisme cardiaque est au mieux analysé et quantifié par l’écho–Doppler transthoracique de repos. Proposée dans l’insuffisance cardiaque il y a plus de 10 ans, la resynchronisation cardiaque par stimulation multisite est aujourd’hui indiquée (niveau de preuve A) chez les insuffisants cardiaques sévères à fraction d’éjection basse, avec QRS élargi, dilatation ventriculaire gauche et non équilibrés par le traitement médical optimal (figure 1).

Figure 1. Effets de la stimulation biventriculaire sur la durée de QRS. Place des épreuves d'effort dans le réglage des stimulateurs cardiaques multisites L’amélioration des fonctions intégrées (de type Holter) des prothèses cardiaques et le développement d’épreuves d’effort sous-maximales standardisées et validées (test de marche de 6 minutes, épreuves mimant la vie courante, etc.) ont diminué l’apport de l’épreuve d’effort (EE) standard pour le réglage des stimulateurs cardiaques. L’EE reste malgré tout indiquée pour l’optimisation du réglage des stimulateurs cardiaques asservis. L’apport d’un couplage de l’EE avec l’analyse des échanges gazeux a été plus récemment souligné. Dans tous les cas, la réalisation d’une EE chez un patient porteur d’un stimulateur cardiaque réclame de la part de l’investigateur une bonne connaissance de la programmation des prothèses cardiaques. De plus, l’exploitation maximale des données de l’EE nécessite une bonne collaboration entre le stimuliste, l’échographiste et le cardiologue responsable de la réalisation de l’EE.   Rappel sur les adaptations cardiaques à l’exercice Lors de l’exercice musculaire, pour maintenir son homéostasie et apporter assez d’oxygène aux muscles en activité, l’organisme est contraint de s’adapter. L’apport en oxygène dépend d’adaptations centrales et périphériques, bien illustrées par l’équation de Fick ci-dessous. La D (A-V) O2, voisine au repos de 5 ml/100 ml de sang, peut être multipliée par 3 à l’exercice maximal. Cette réserve d’oxygène est rapidement utilisée par les insuffisants cardiaques pour compenser la défaillance du muscle cardiaque. Les cinétiques d’adaptation des deux facteurs du débit cardiaque, fréquence cardiaque (FC) et volume d’éjection systolique (VES), diffèrent. Chez le sujet sain et sédentaire, le VES intervient précocement et atteint sa valeur maximale (150 à 200 % de la valeur de repos) pour une intensité d’effort correspondant à 50-60 % de la VO2 maximale. Le VES dépend de deux facteurs principaux, le synchronisme atrioventriculaire et la contractilité myocardique. Le synchronisme atrioventriculaire intervient surtout au repos et pour les faibles niveaux d’effort, alors que la contractilité joue le rôle principal lors des exercices intenses. La contractilité dépend du mécanisme de Frank-Starling par l’intermédiaire du retour veineux (précharge), de la réponse aux effets du système nerveux sympathique et des catécho-lamines, et de la relation force/fréquence (mécanisme de Bowditch). La FC, qui augmente quasi-linéairement avec l’intensité de l’exercice, est limitée par l’âge (FC maximale théorique = 220 - âge ± 12 bpm). En postexercice, la cinétique de récupération des paramètres métaboliques et hémodynamiques est en partie liée à un ralentissement adapté de la fréquence cardiaque. Chez l’insuffisant cardiaque, du fait de l’altération de la contractilité, l’adaptation de la FC joue un rôle majeur. L’asservissement de la FC a pour but d’adapter la réponse chronotrope aux besoins imposés par l’exercice et de maintenir une FC de récupération efficace. En effet, ces patients présentent souvent une insuffisance chronotrope d’effort, dont la physiopathologie multifactorielle est majorée par la thérapeutique, en particulier bêtabloquante. Les adaptations du VES sont limitées par les multiples altérations de la contractilité (ischémie myocardique, trouble de la qualité contractile, altération de la relation fréquence/force de contraction, etc.). La stimulation multisite peut limiter une majoration éventuelle de l’asynchronisme ventriculaire à l’effort.   Critères de réglage de la fréquence cardiaque à l’effort Étant donné les variations individuelles importantes, la FC de repos n’est pas un paramètre majeur pour le réglage du stimulateur. Chez les insuffisants cardiaques, la détermination de la FC maximale individuelle n’est pas non plus un paramètre de réglage majeur. La qualité de l’asservissement de la FC a un rôle majeur dans les adaptations à l’exercice musculaire. Ainsi, une augmentation insuffisante de la fréquence cardiaque de même qu’une sur-stimulation (« overpacing ») limitent le niveau de performance et la tolérance à l’effort. Il est donc très important chez ces patients de déterminer la FC optimale pour réaliser les activités physiques quotidiennes. Quel que soit l’âge, la majorité de celles-ci sont modérées (< 40 % des capacités physiques maximales) et requièrent une FC moyenne voisine de 100 bpm sur laquelle peuvent se surajouter des pics fréquentiels brefs. Pour une bonne adaptation à la vie courante, la pente d’accélération de la FC du stimulateur doit donc permettre d’atteindre rapidement une FC comprise en moyenne entre 95-105 bpm.   Choix du protocole d’épreuve d’effort Les protocoles d’EE doivent être très progressifs avec des paliers d’effort brefs (1 à 2 minutes). Le développement et l’association de différents types de capteurs d’asservissement sur les prothèses cardiaques actuelles a vu l’utilisation du tapis roulant régresser. De plus, l’utilisation de l’ergocycle facilite la surveillance validée des profils tensionnels d’effort et de récupération. Sur ergocycle, le protocole classique débute à 20 watts avec incrément de 10 watts par minute, mais des protocoles de type rampe sont aussi utilisables. Sur tapis roulant, le choix est plus difficile ; nombre de protocoles présentent, en effet, une rupture brutale de leur progressivité, qui est mal tolérée par l’insuffisant cardiaque. Le choix devra se porter sur un protocole avec une incrémentation progressive et linéaire type Minnesota Pacemaker Response Exercise Protocol (M-PREP), qui est caractérisé par une augmentation de 1 MET/minute ou le Chonotropic Assessment Exercise Protocol (CAEP). L’association d’une analyse des échanges gazeux est fortement recommandée pour permettre une programmation optimale du stimulateur. Elle permet d’étudier la cinétique des adaptations métaboliques et leur corrélation avec les paramètres hémodynamiques.   Quels paramètres analyser à l’effort pour le réglage des stimulateurs multisites ? La réalisation de l’EE doit être précédée d’un interrogatoire et d’un examen physique du patient ainsi que d’une analyse des caractéristiques du stimulateur (tableau). Une stimulation en mode unipolaire avec voltage suffisant des spikes pour permettre une lecture aisée des enregistrements ECG est recommandée (figure 2). Chez les patients peu ou mal améliorés par la resynchronisation, la présence du cardiologue « stimuliste » avec possibilité de modification des constantes du capteur est particulièrement utile. Figure 2. Tracés électro-cardio-graphiques enregistrés lors d’une épreuve d’effort chez un même patient porteur d’un stimulateur multisite. A. Stimulation en mode unipolaire ; B. stimulation en mode bipolaire. L’analyse de l’ECG donne les renseignements classiques des EE réalisées chez les porteurs de stimulateurs. Seront ainsi étudiés l’adaptation de la durée de PR, les profils chronotropes d’effort et de récupération, la vérification des qualités de détection et de capture. Les pertes de détection, atriales ou ventriculaires, peuvent être facilitées par les modifications hémodynamiques intracavitaires induites par l’effort. Les défauts de capture ventriculaire se traduisent sur l’ECG d’effort par la survenue brutale d’un élargissement avec changement d’axe des complexes QRS électroentraînés (figure 3). Des arythmies doivent être recherchées et leur physiopathologie, prédominance vagale ou catécholergique, précisée afin d’optimiser les algorithmes anti-arythmiques. Dans ce cadre, il est donc recommandé que l’EE soit d’intensité maximale ou réellement limitée par les symptômes. Les valeurs affichées de FC doivent être vérifiées par l’investigateur, les algorithmes de calcul de la FC pouvant être leurrés. L’étude de la repolarisation est en revanche inexploitable. Figure 3. Patient en fibrillation auriculaire avec un stimulateur multisite. Au repos, la stimulation (flèches) est de bonne qualité (A). À l’effort (B), une perte de stimulation avec élargissement des QRS est enregistrée (tracés dus à la courtoisie du Pr. Mabo). Les profils tensionnels d’effort et de récupération doivent bien sûr être analysés. À partir des échanges gazeux, les paramètres classiques que sont la VO2 (cinétique et valeur maximale absolue et en pourcentage de la théorique), la VCO2, la cinétique de la ventilation (Ve), la pente Ve/VCO2, le « seuil » ventilatoire et le pouls d’oxygène (VO2/FC) doivent être précisés. La fréquence optimale de stimulation doit aussi être déterminée à partir des cinétiques de VO2 et du pouls d’oxygène. En effet, si la programmation classique de la FC maximale basée sur 85 % de la FC maximale théorique est bien adaptée en cas de fonction ventriculaire gauche normale, ce n’est pas le cas en présence d’une dysfonction myocardique. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, chez l’insuffisant cardiaque, les relations FC - contractilité peuvent être altérées à l’effort. La FC maximale de stimulation doit donc être individualisée chez ces patients. La VO2 augmente, en moyenne de 1 ml/min/kg pour une augmentation de la FC de 2 à 4 bpm. Un « overpacing » se caractérise par un plafonnement ou une baisse de la VO2. Il est confirmé si, en récupération, un rebond précoce de la VO2, expliqué pour une part par le meilleur remplissage diastolique du à une FC optimale, est observé. Ainsi, la FC « idéale » individualisée correspond à la FC stimulée la plus élevée qui s’accompagne d’une augmentation de la VO2 absolue au moins égale à 10 ml/min/watt. La FC optimale, qui dépasse rarement 110 bpm, peut être difficile à déterminer chez ces patients en règle traités par bêtabloquants et qui présentent souvent une dysrégulation de leur ventilation. L’étude des relations FC-Ve peut aussi être utile (figure 4) pour le réglage de l’asservissement. Enfin, le coût énergétique (rapport VO2/puissance en watts) doit aussi être calculé. Il doit être compris entre 8-10 ml O2/watt. Figure 4. A. Chez ce patient, la fréquence cardiaque (FC) augmente brutalement au niveau du seuil ventilatoire (SV). B. Cette tachycardie est inadaptée comme en témoigne la cinétique du pouls d’oxygène qui diminue brutalement (flèches). Un algorithmique de stimulation linéaire biphasique avec un mode de réglage en dessous et un autre au dessus du SV pourrait être bénéfique. FC = fréquence cardiaque, VCO2 = production de gaz carbonique, VO2 = consommation d’oxygène, Ve = ventilation. En pratique   Le réglage de certains paramètres des stimulateurs multisite est optimisé par les données de l’épreuve d’effort couplée à l’analyse des échanges gazeux. Dans l’avenir, la vulgarisation de systèmes d’investigation non invasifs de l’hémodynamique (débit cardiaque et pression artérielle battement à battement par exemple) couplés à l’imagerie (échocardiographie) à l’effort devrait encore permettre d’optimiser le réglage individuel de ce type de stimulateurs.

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