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Diabéto-Cardio

Publié le 06 nov 2007Lecture 11 min

Diabète et réadaptation cardiaque : une attention particulière

B. VERGÈS, CHU Bocage, Dijon

Grâce au bénéfice qu’elle procure sur la réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire, la réadaptation cardiaque a pris une place importante dans la prise en charge thérapeutique du patient coronarien. Les patients diabétiques, en raison d’un risque d’atteinte coronaire élevé, sont fréquemment rencontrés en réadaptation cardiaque. Ils sont caractérisés par la présence fréquente de plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire (HTA, dyslipidémie, en particulier), voire de complications associées. Au cours de la réadaptation cardiaque, la prise en charge du diabète demande une attention toute particulière qui nécessite, souvent, une collaboration étroite avec les diabétologues.

Bénéfices de la réadaptation cardiaque   Réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire Les données de plusieurs métaanalyses, dont celles de O’Connor(1) et, plus récemment de Taylor(2), ont clairement montré que la réadaptation cardiaque avec réentraînement à l’effort, au décours d’un infarctus du myocarde (IDM) réduit significativement la morbi-mortalité cardiovasculaire. Ainsi, il est observé, en moyenne, chez les patients ayant bénéficié d’une réadaptation cardiaque, après IDM, une réduction de 20 % de la mortalité totale et de 26 % de la mortalité cardiovasculaire, comparativement aux patients n’ayant pas suivi de programme de réadaptation cardiaque(1,2). Ce bénéfice de la réadaptation cardiaque a été confirmé, à long terme, par Hedbäck et coll., qui ont objectivé une réduction de 26,7 % de la mortalité totale et de 27,1 % de la mortalité cardiovasculaire à 10 ans(3). Hambrecht et coll., dans une étude randomisée réalisée chez des patients coronariens stables, ont comparé les effets d’un programme d’exercice physique régulier (20 minutes de cycloergomètre par jour) et d’une angioplastie avec pose de stent sur la survenue d’accidents ischémiques durant 1 an de suivi(4). Cette étude a montré une diminution significative des événements ischémiques ainsi qu’une réduction de la progression de la maladie athéromateuse dans le groupe de patients sous programme d’activité physique régulière comparativement à ceux qui avaient été traités par angioplastie(4). Un des résultats de la réadaptation cardiaque, chez les patients coronariens, est l’amélioration des capacités à l’effort, objectivée par une augmentation de la puissance maximale atteinte à l’effort et du pic de VO2. Il a bien été montré que l’amélioration du pic de VO2, après réadaptation cardiaque, entraîne une réduction significative de la morbi-mortalité cardiovasculaire, chez les patients coronariens(5). Ainsi, Kavanagh et coll., à partir de données à long terme obtenues chez 12 169 hommes coronariens ayant bénéficié d’une réadaptation cardiaque, ont montré une réduction de 9 % de la morbi-mortalité cardiovasculaire pour chaque 1-ml/kg/min de pic de VO2 gagné au terme du programme de réadaptation cardiaque(6). Dans l’étude multicentrique National Exercise and Heart Disease Project, une augmentation de la puissance maximale atteinte à l’effort, au cours d’un test sur cycloergomètre, chez des hommes coronariens, après réadaptation cardiaque est associée à une réduction de la mortalité(7). Prise en charge des facteurs de risque Par ailleurs, en plus des effets favorables sur les capacités à l’effort, la réadaptation cardiaque permet, dans un climat plus serein que celui de l’épisode coronaire aigu, une prise en charge personnalisée des facteurs de risque cardiovasculaire : tabagisme, hyperlipidémies, hypertension artérielle, diabète, obésité abdominale, stress… Cette prise en charge globale des facteurs de risque cardiovasculaire est réalisée dans les centres de réadaptation cardiaque au moyen d’un suivi médical régulier par le cardiologue réadaptateur, un programme d’éducation sur les facteurs de risque cardiovasculaire, des consultations auprès de diététiciennes et éventuellement auprès de diabétologues, lipidologues, tabacologues, psychiatres, etc.(8) L’amélioration du contrôle de certains facteurs de risque cardiovasculaire, telles les hyperlipidémies, après programme éducatif au cours de la réadaptation cardiaque, a été rapportée(9,10).   Caractéristiques de la population diabétique en réadaptation cardiaque En raison du risque cardiovasculaire particulièrement élevé au cours du diabète, le nombre de patients diabétiques en réadaptation cardiaque est important(11,12). Ainsi, Banzer et coll., dans une étude récente réalisée chez 952 patients coronariens inclus dans un programme de réadaptation cardiaque, dénombrent 250 sujets diabétiques, soit 26 %(12). La population diabétique présente en réadaptation cardiaque est, en particulier, caractérisée par une plus grande fréquence des facteurs de risque cardiovasculaire associés(12,13). La prévalence d’une hypertension artérielle est très élevée. De même, les patients diabétiques de type 2 présentent très souvent des anomalies lipidiques particulièrement athérogènes telles qu’une hypertriglycéridémie, une diminution du HDL-cholestérol et une augmentation des particules LDL petites et denses(14). Il semble, d’après les données de plusieurs études, que la fréquence du tabagisme soit, chez les patients diabétiques en réadaptation cardiaque, comparable à celle de la population non diabétique(15,16). Par ailleurs, il est observé une prévalence élevée de l’obésité et plus particulièrement de l’obésité abdominale, chez les patients diabétiques de type 2 en réadaptation cardiaque. Ainsi, dans la série de Lavie et coll., 40 % des patients diabétiques ont un index de masse corporelle supérieur à 27,3 chez les femmes et à 27,8 chez les hommes(17). Certains travaux font apparaître que la capacité à l’effort, appréciée initialement, avant réadaptation cardiaque, est plus faible chez les patients diabétiques. Ainsi, dans l’étude de Milani et coll., la capacité moyenne à l’effort initiale, chez les sujets diabétiques, est de 4,8 ± 1,8 MET, comparativement à 5,9 ± 2,6 MET chez les non-diabétiques (p = 0,008)(15). Les raisons de cette diminution de la capacité à l’effort initiale observée chez les patients diabétiques ne sont pas claires. Il a été supposé que la plus grande fréquence de la surcharge pondérale au cours du diabète pourrait être une explication dans la mesure où certaines études ont mis en évidence une diminution des capacités à l’effort chez les obèses(17). D’autres facteurs sont susceptibles d’intervenir dans la diminution de la capacité à l’effort initiale, au cours du diabète, telles l’hyperglycémie chronique pouvant modifier les performances musculaires à l’effort, la microangiopathie réduisant l’apport d’oxygène aux muscles, l’artériopathie des membres inférieurs et la neuropathie. En outre, il semble que la population diabétique débutant une réadaptation cardiaque soit significativement plus déprimée. Milani et coll., dans une étude réalisée chez 291 patients, objectivent une incidence du syndrome dépressif deux fois plus élevée chez les diabétiques que chez les non-diabétiques (26 % vs 14 %, p < 0,05)(15).   Résultats de la réadaptation cardiaque chez les diabétiques Les résultats de la réadaptation cardiaque apparaissent réduits chez les patients diabétiques comparés aux sujets non diabétiques. Dans une étude comparant des patients coronariens diabétiques et non diabétiques ayant, avant réadaptation cardiaque, des capacités à l’effort initiales et une fraction d’éjection du ventricule gauche comparables, nous avons observé, chez les sujets diabétiques, une réduction significative du gain, après réadaptation cardiaque, de la puissance maximale atteinte à l’effort (19 vs 29 % ; p = 0,022), du pic de VO2 (13 vs 30 % ; p = 0,002) et du seuil d’adaptation ventilatoire (12 vs 31 % ; p = 0,017)(16). Une association directe entre le gain de capacité à l’effort, après réadaptation cardiaque, et le bénéfice sur la réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire a clairement été établie(5-7). Ainsi, dans la mesure où les patients diabétiques ont une amélioration réduite de leurs capacités à l’effort (pic de VO2, puissance maximale atteinte à l’effort) après réadaptation cardiaque, on peut penser qu’ils risquent de ne pas tirer après réadaptation cardiaque, un bénéfice identique en termes de réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire, que les sujets non diabétiques. Parmi les facteurs potentiellement en cause dans les moins bons résultats de la réadaptation cardiaque chez les diabétiques, l’hyperglycémie apparaît au premier plan. Dans notre étude, réalisée chez les patients diabétiques de type 2, il était objectivé, en analyses univariée et multivariée, une association inverse entre le gain de pic de VO2, après réadaptation cardiaque, et la glycémie à jeun(16). Le rôle délétère de l’hyperglycémie, même modérée, a largement été souligné, au cours des dernières années, dans diverses situations cliniques. Ainsi, l’hyperglycémie est associée à une augmentation du risque de mortalité et d’insuffisance cardiaque à court et long termes après IDM, chez les patients diabétiques et non diabétiques(18-22). De la même façon, l’hyperglycémie s’accompagne, après un accident vasculaire cérébral, d’un risque accru de mortalité et d’une moins bonne récupération fonctionnelle(23). Au cours de la réadaptation cardiaque, l’hyperglycémie semble réduire les effets bénéfiques de l’entraînement musculaire aérobique sur les capacités à l’effort. Les mécanismes en cause dans le rôle délétère de l’hyperglycémie, au cours de la réadaptation cardiaque ne sont pas clairs et plusieurs hypothèses peuvent être formulées : glycosylation non enzymatique des protéines, excès de production de radicaux libres, modification de la réactivité vasculaire(24). Par ailleurs, un rôle potentiel de l’obésité a été avancé par certains pour rendre compte de la réduction des gains obtenus après réadaptation au cours du diabète(17,25). Cependant, Lavie et Milani n’ont pas objectivé de diminution de gain de VO2, après réadaptation cardiaque, chez les sujets obèses(26). Dans les différents travaux publiés, la réadaptation cardiaque, chez le patient diabétique, ne s’accompagne pas de réduction significative du poids, ni de modification du bilan lipidique(15). Enfin, la réadaptation cardiaque apporte un bénéfice psychologique évident chez les sujets diabétiques. Ainsi, Milani et coll. montrent que la réadaptation cardiaque réduit très significativement de 67 %, chez les patients diabétiques, les symptômes de dépression, qui, au terme du programme de réadaptation, ont rejoint une prévalence comparable à celle observée dans le groupe de patients non diabétiques(15). Prise en charge pratique du patient diabétique en réadaptation cardiaque Puisque l’hyperglycémie, au cours de la réadaptation cardiaque, est associée à une amélioration réduite des capacités à l’effort, il apparaît important d’obtenir un contrôle glycémique optimal chez les patients diabétiques. Une étude prospective multicentrique française (DARE : Diabetes in cArdiac REhabiltation) est actuellement en cours afin de déterminer si un contrôle glycémique strict, au cours de la réadaptation cardiaque, postsyndrome coronaire aigu, est susceptible d’améliorer, chez les patients diabétiques de type 2, les résultats du réentraînement sur les capacités à l’effort (pic de VO2, puissance maximale atteinte à l’effort). Dans l’immédiat, s’il n’existe pas de recommandations particulières concernant les patients diabétiques en réadaptation cardiaque, il est conseillé de contrôler au mieux les glycémies à jeun et postprandiales. Un objectif : le contrôle glycémique Chez certains patients diabétiques de type 2, le seul traitement diététique associé au réentraînement physique régulier de la réadaptation cardiaque peut être suffisant pour obtenir l’euglycémie. En cas d’insuffisance cardiaque chez un patient coronarien, il est nécessaire d’arrêter les biguanides (metformine), en raison du risque d’acidose lactique en cas de situation d’hypoxie tissulaire aiguë. Les glitazones (Actos®, Avandia®) ne doivent pas, non plus, être utilisées. S’ils permettent de contrôler de façon satisfaisante les glycémies, les traitements par sulfamides ou glinides peuvent être maintenus au cours de la réadaptation cardiaque. Lorsque le contrôle du diabète ne peut être obtenu, de façon satisfaisante sous traitement antidiabétique oral, il sera nécessaire de recourir à une insulinothérapie, qui parfois ne sera que temporaire. En cas de traitement par insuline, sulfamides ou glinides, il faudra se méfier de la survenue d’éventuelles hypoglycémies favorisées par l’activité physique et, souvent, un meilleur suivi des consignes diététiques. Il est donc fortement recommandé, chez ces patients, de pratiquer une surveillance régulière des glycémies capillaires (à jeun, postprandiale, à la fin d’une séance d’activité physique et en cas de malaise) afin d’adapter la posologie des antidiabétiques oraux et les doses d’insuline. À ce titre, l’autosurveillance glycémique par le patient est de loin préférable à la surveillance des glycémies capillaires par le personnel médical ou paramédical, car elle fait intervenir la participation active du patient dans la prise en charge de son diabète, garantie d’une meilleure observance et d’un meilleur suivi à moyen et long termes. Un moment privilégié pour l’éducation du diabétique Chez le patient diabétique, nouvellement diagnostiqué, la réadaptation cardiaque, sera mise à profit pour l’informer sur la maladie diabétique et l’éduquer à la diététique, l’activité physique, les soins des pieds et l’autosurveillance glycémique, en collaborant avec des diabétologues et, au besoin, en ayant recours à des structures organisées d’éducation diabétique. Chez le patient diabétique connu, il sera utile au cours de la réadaptation cardiaque, de vérifier que ses connaissances sur le diabète sont acquises et correctement mises en pratique. La prise en charge thérapeutique du diabète en réadaptation cardiaque n’est pas toujours simple et les traitements antidiabétiques instaurés à la phase aiguë de l’infarctus seront souvent sujet à modification au cours du programme de réentraînement à l’effort. Par ailleurs, lorsque le diabète a été découvert lors du syndrome coronaire aigu, il sera nécessaire de choisir le traitement antidiabétique le plus adapté au profil métabolique du patient. C’est la raison pour laquelle une prise en charge en collaboration avec un diabétologue est souvent requise. Comme le suggèrent les recommandations conjointes de la SFC et de l’Alfediam, une consultation auprès d’un diabétologue sera nécessaire(27): - au moment de la découverte du diabète pour préciser la stratégie thérapeutique initiale, - en cas de déséquilibre patent du diabète, si l’HbA1c > 8 %, - en cas de mise en route d’un traitement par insuline. Prise en charge des facteurs de risque associés La prise en charge du sujet diabétique en réadaptation cardiaque devra aussi prendre en considération les autres facteurs de risque cardiovasculaire fréquemment associés. Une attention particulière sera portée au contrôle du bilan lipidique sous traitement hypolipidémiant. Parallèlement, on s’assurera que la pression artérielle du patient est parfaitement contrôlée avec un objectif de pression systolique < 130 mmHg et de pression diastolique < 80 mmHg(28). Par ailleurs, il est intéressant de profiter de la réadaptation cardiaque pour obtenir une réduction pondérale chez les patients diabétiques obèses. Cette dernière permet non seulement d’améliorer l’équilibre glycémique du patient mais aussi son bilan lipidique et ses performances à l’effort. En effet, dans une étude réalisée chez 235 patients obèses, Lavie et coll. ont montré que les sujets ayant perdu plus de 5 % de leur poids, au cours de la réadaptation cardiaque, présentent un gain de capacité à l’effort significativement supérieur à celui observé chez ceux n’ayant pas perdu de poids (+ 34 vs 26 % ; p < 0,001)(19). Une aide particulière devra être apportée au patient diabétique fumeur afin qu’il cesse son intoxication tabagique. En pratique, plusieurs moyens pourront être proposés pour l’aider, en ayant recours si nécessaire à des médecins ou centres spécialisés dans le sevrage tabagique : patch de nicotine, psychothérapie personnalisée et/ou de groupe, acupuncture, etc. Chez le patient diabétique présentant une artériopathie sévère des membres inférieurs, les modalités du réentraînement à l’effort seront adaptées en utilisant, en particulier, un cycloergomètre à bras.   Prise en charge au décours de la réadaptation cardiaque Un suivi rigoureux, à long terme, du diabète et des facteurs de risque associés sera nécessaire en s’appuyant sur une prise en charge médicale souvent multidisciplinaire (médecin généraliste, cardiologue, diabétologue, etc.). Par ailleurs, afin de renforcer régulièrement la motivation du patient à se prendre en charge lui-même et à pratiquer une activité physique suivie, on pourra s’aider des associations de patients (associations de patients diabétiques filiales de l’AFD, clubs Cœur et Santé de la Fédération française de cardiologie, par exemple).

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