publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Cardiologie interventionnelle

Publié le 14 mar 2011Lecture 10 min

Angioplastie : les bonnes et les moins bonnes indications

S. WEBER, Hôpital Cochin, Paris

L’angioplastie coronaire est la méthode de revascularisation myocardique la plus largement pratiquée depuis 1/4 de siècle maintenant. Il s’agit d’une technique éprouvée, dont les modalités pratiques, les choix de matériel biomédical et l’encadrement pharmacologique sont actuellement bien codifiés.

C’est un traitement de mise en oeuvre relativement simple, généralement tout à fait confortable pour le patient et n’imposant qu’une hospitalisation de brève durée. Tous ces avantages peuvent inciter à étendre largement, trop largement, les indications de la méthode dont la réelle efficacité n’est établie que dans des formes cliniques parfaitement définies de maladie coronaire. Déborder ces indications, outre un surcoût économique injustifié, a pour inconvénient d’exposer aux complications iatrogènes de cette méthode de revascularisation des patients dont ni le pronostic ni les symptômes ne sont améliorables par la mise en place, même techniquement réussie, d’un ou de multiples stents coronaires. Le risque iatrogène direct est relativement faible (de l’ordre de moins de 1% de mortalité et 2 à 3 % de complications « graves »)(1). Ce risque est parfaitement acceptable, il est même particulièrement faible lorsqu’en contrepartie il y a amélioration des symptômes et du pronostic. Il est inacceptable lorsque ce geste ne peut faire état d’aucun bénéfice réel et peut même donner l’illusion à certains patients et à certains médecins non spécialisés que l’on a « guéri » la maladie coronaire ce qui peut amener à moins de vigilance dans la mise en oeuvre du traitement médicamenteux et des mesures de prévention secondaire qui restent à la base de la prise en charge au long terme du coronarien. Si l’on considère le nombre très élevé, de l’ordre de 2 millions, des procédures de revascularisations effectuées dans le monde chaque année, ces 1 % de mortalité et 2 à 3 % d’effets indésirables ne sont pas négligeables et méritent donc une réflexion rigoureuse sur la pertinence des indications. Nous envisagerons successivement les indications de l’angioplastie lors des syndromes coronaires aigus, chez le coronarien chronique stable et spécifiquement chez le coronarien de plus de 80 ans.   Dans les syndromes coronaires aigus   Lorsqu’en pratique il existe une rupture de plaque et une thrombose endocoronaire, les indications de la revascularisation par angioplastie sont très larges.   Dans l’infarctus transmural (avec sus-décalage de ST) Si la prise en charge est précoce, idéalement avant la 6e heure, il y a indication formelle à une revascularisation myocardique immédiate, limitant la taille de l’infarctus et améliorant le pronostic. Si les délais d’acheminement vers une salle de cardiologie interventionnelle sont raisonnables, < 45 minutes(2), l’angioplastie primaire non précédée de thrombolyse est la technique de choix. La coronarographie confirme le diagnostic d’occlusion coronaire, permet la reperméation mécanique de l’artère, parfois après thromboaspiration du caillot. Dans plus de 90 voire 95 % des cas, l’angioplastie est quasi systématiquement complétée par la mise en place d’une endoprothèse coronaire. Lorsqu’il existe des sténoses significatives sur les autres artères coronaires, non directement impliquées dans la constitution de l’infarctus, il peut y avoir indication raisonnable, quelques jours à quelques semaines plus tard, à compléter la revascularisation(3).   Dans l’angor instable (ou syndrome coronaire aigu sans élévation du segment ST) Les indications de la revascularisation sont moins « automatiques » que dans l’infarctus transmural mais restent très larges. La prise en charge initiale d’un angor instable comporte l’hospitalisation en milieu sécurisé, la mise en route d’un traitement puissant par antithrombotiques (aspirine, clopidogrel et dans les formes les plus graves anti-GP/IIb/IIIa) et la mise en route d’un traitement bêtabloquant associé parfois à une perfusion intraveineuse de dérivés nitrés(3). Si malgré ce traitement, les crises d’angine de poitrine récidivent et/ou l’électrocardiogramme s’aggrave, une coronarographie sera programmée en urgence dans le but d’enrayer une évolution à très court terme vers l’infarctus du myocarde. Dans la grande majorité des cas, le traitement médicamenteux suffit à stabiliser la situation. Les indications de coronarographie seront très larges mais non systématiques. La revascularisation sera particulièrement bénéfique si l’ischémie concerne un vaste territoire myocardique, si elle survient chez un coronarien déjà traité médicalement, si elle est mal tolérée avec dysfonction ventriculaire gauche ou trouble du rythme. Les indications seront plus mesurées si l’ischémie concerne un territoire limité, si elle répond bien au traitement et s’il existe par ailleurs des facteurs tel un âge avancé ou d’importantes comorbidités réduisant le rapport bénéfice risque d’une revascularisation(3). Dans ces syndromes coronaires aigus (SCA) sans sus-décalage de ST, une fois la coronarographie réalisée, trois options doivent être soigneusement discutées : le traitement médicamenteux simple, la revascularisation par angioplastie et la revascularisation chirurgicale. Parfois le choix est évident et la dilatation de l’artère responsable du SCA effectuée dans la « foulée » de la coronarographie. Parfois, il est plus raisonnable de différer la prise de décision, le temps d’une concertation collégiale. Le traitement médical seul sera préféré lorsque la lésion coupable ne commande qu’un territoire de faible étendue ; lorsque la prise de risque technique liée à l’angioplastie est importante, lorsque la qualité du lit d’aval est médiocre. Dans ces situations, mieux vaut commencer par un traitement médicamenteux bien mené et ne réserver la revascularisation par angioplastie qu’à la minorité de patients ne répondant pas correctement à l’approche pharmacologique(4). Lorsque la lésion coupable commande un vaste territoire, lorsque les conditions techniques, anatomiques sont favorables ou lorsque l’épisode d’instabilité clinique survient chez un patient recevant déjà un traitement anti-ischémique consistant, l’indication d’une angioplastie doit être posée. La chirurgie de pontage aortocoronaire garde d’excellentes indications dans l’angor instable, notamment chez les patients pluritronculaires, chez les patients déjà multirevascularisés par angioplastie, chez les diabétiques et, enfin, chez certains patients porteurs de lésions complexes très calcifiées ou sur artère tortueuse, pour lesquels la prise de risque chirurgicale est finalement inférieure à celle d’une angioplastie.   Le coronarien chronique stable   Cette vaste population, dont les contours sont au demeurant assez flous regroupe généralement trois catégories de patients : • ceux qui entrent dans la maladie coronaire par un angor d’effort, stable, d’aggravation lente et progressive ; • les patients dont la maladie coronaire a été dépistée à titre systématique par exemple chez le patient diabétique ou porteur d’une dyslipidémie sévère ; • enfin, la vaste population de patient ayant débuté leur maladie coronaire clinique par un infarctus ou par un angor instable et redevenus strictement et durablement asymptomatiques sous traitement.   Dans ces trois situations il n’y a pas de plaque d’athérome coronaire rompue, il n’y a pas de thrombus endoluminal menaçant à très court terme l’intégrité myocardique… il n’en reste pas moins que le pronostic à moyen et long terme de certains de ces patients est médiocre et qu’il est parfois susceptible d’être amélioré par angioplastie ou par pontage. Le défi est de sélectionner au sein de cette vaste population le sous-groupe de patients dont le pronostic peut effectivement être amélioré. L’existence d’une ou de plusieurs sténoses coronaires significatives (> 70 %) techniquement accessibles à une dilatation ne signifie pas que celle si soit indiquée(1) ! Un bénéfice ne peut être escompté que dans certaines formes cliniques bien précises : • La réapparition de symptôme d’angor chez un coronarien chronique jusqu’à présent asymptomatique sous traitement médicamenteux bien conduit. • La constatation, dans le cadre du suivi systématique, d’une ischémie myocardique sur un test de dépistage par épreuve d’effort, par échographie de stress ou par technique isotopique. La valeur pronostique d’une telle ischémie déclenchable est d’autant plus importante que le test a été effectué sous traitement médicamenteux bien mené, que l’ischémie est apparue pour un faible niveau de  stress et que le territoire myocardique concerné est étendu. • La détérioration de la fonction ventriculaire gauche sur deux échographies successives est, également chez le coronarien stable, synonyme d’évolutivité coronaire probable.   Si le malade appartient à l’une de ces catégories, l’indication d’une coronarographie devient incontournable. Celle ci retrouvera souvent des lésions coronaires anatomiquement sévères(1) : • sténose du tronc commun de la coronaire gauche ; • sténose de l’interventriculaire antérieure (IVA)(1) proximale ; • atteinte tri-tronculaire.   L’indication d’une revascularisation myocardique sera alors retenue sauf si l’athérome est sévère et diffus avec lit d’aval inaccessible. Chez le coronarien stable, la réelle difficulté consiste à bien sélectionner le sous-groupe de patients à risque méritant une coronarographie (le plus souvent ici nouvelle coronarographie chez un patient déjà exploré) et une revascularisation. Le choix entre chirurgie et angioplastie devient alors un choix technique relativement standardisable prenant en compte à la fois des considérations anatomiques locales et « générales »(1). Les conditions anatomiques locales sont les impossibilités ou les sur-risques de l’angioplastie liés à la topographie des lésions, leurs longueurs, leurs étagements, leurs degrés de calcification, l’existence ou non de tortuosité, de bifurcation, etc(1). Le choix de l’angioplastie nécessite impérativement la coprescription de deux antiagrégants plaquettaires (généralement clopidogrel et aspirine) pendant une période de quelques mois à au moins 1 an si le choix s’est porté sur un stent actif. L’existence de contre-indications absolues ou relatives à ce traitement antithrombotique vigoureux et prolongé est l’un des éléments du choix thérapeutique final. En contrepartie, la décision d’un traitement chirurgical doit prendre en compte le sur-risque chirurgical lié à certaines comorbidités telles notamment une obésité, une insuffisance respiratoire chronique sévère, des calcifications aortiques, un athérome cervical sévère, etc. Lorsque le malade coronarien stable n’appartient à aucun des sousgroupes à risques précédemment définis, la réalisation d’une angioplastie et l’implantation d’un ou de plusieurs stents coronaires ne modifie en rien ni l’espérance de survie ni le risque de survenue d’un infarctus du myocarde ou d’un angor instable, ni la qualité de vie. Un traitement médical de qualité, de toute façon indispensable quelle que soit la forme clinique de maladie coronaire, obtient d’excellents résultats. Ces résultats ne sont pas améliorables par une angioplastie.   Bien entendu chez un patient donné, la situation n’est pas statique. Une surveillance attentive à l’écoute de l’apparition de signes cliniques ou électrocardiographiques assortie de la réalisation régulière d’un test de dépistage de l’ischémie est indispensable. Dans environ 5 % des cas chaque année, un patient qui initialement n’appartenait pas à un des sous-groupes à risques, verra l’un des éléments de son pronostic s’aggraver et deviendra alors, mais alors seulement, un candidat potentiel à la revascularisation.   Ce chiffre de 5 % par an est loin d’être négligeable. Compte tenu de la forte amélioration du pronostic à long terme de la maladie coronaire, une majorité de ces coronariens stables « finira » un jour par devenir candidate à la revascularisation. Celle ci n’a aucune raison d’être anticipée, il n’y a aucun rationnel à exposer trop précocement un coronarien stable au risque iatrogène d’une procédure de revascularisation et au sur-risque d’un traitement antithrombotique vigoureux. En revanche, un contrôle optimal des facteurs de risque, un excellent traitement médicamenteux et une surveillance cardiologique vigilante sont indispensables.   Le coronarien octogénaire   Il s’agit d’un sous-groupe en constante expansion compte tenu d’une part de l’allongement de l’espérance de vie et d’autre part de l’amélioration plus spécifique du pronostic du coronarien(3). Ces patients âgés, voire très âgés, représentent-ils des indications potentielles à la revascularisation myocardique ? La réponse est bien entendu affirmative mais, de façon encore plus impérative que chez le coronarien « jeune », une parfaite sélection des patients est requise ainsi qu’une très rigoureuse évaluation de la balance bénéfice/risque. Le risque iatrogène de la simple coronarographie et encore plus de l’angioplastie coronaire augmente très notablement avec l’âge du patient. Les complications hémorragiques des antithrombotiques, le risque de complications locales au point de ponction, l’incidence de survenue d’un accident vasculaire cérébral iatrogène, l’insuffisance rénale postprocédure, les complications de la simple hospitalisation et du décubitus sont bien entendu beaucoup plus fréquentes et redoutables dans les tranches d’âges les plus élevées. Le pronostic spontané de la maladie coronaire est cependant également beaucoup plus péjoratif sur ce même terrain. Les banques de données et les essais contrôlés sont chez le coronarien gériatrique beaucoup moins fournis et beaucoup moins exploitables que chez les patients plus jeunes. Il est difficile de dégager un consensus. Quelques propositions peuvent cependant être émises. En phase aiguë d’infarctus transmural (avec susdécalage de ST) Dans ce cas, les indications de l’angioplastie primaire, visant à limiter la taille de l’infarctus sont indiscutables dans deux situations : • prise en charge très précoce d’un infarctus topographiquement étendu ; • infarctus inférieur avec extension ventriculaire droite.   Dans ces deux situations, le pronostic spontané est très mauvais et l’amélioration attendue d’une angioplastie réussie est très conséquente. Dans tous les autres cas, l’indication doit être soigneusement évaluée au cas par cas en tenant compte bien entendu des comorbidités, de la fonction rénale, de l’extension extracardiaque de la maladie athéromateuse, de l’heure de prise en charge par rapport au début de la nécrose et de l’extension des dégâts ventriculaires à l’échographie. Aucune attitude systématique n’est raisonnable ; les décisions ne peuvent être envisagées qu’au cas par cas en tenant compte de l’environnement, de l’accompagnement et des conditions de vie du patient.   Dans l’angor instable (syndrome coronaire sans sus-décalage de ST) Il est au-delà de 80 ans raisonnable de limiter les indications de coronarographie aux patients les plus graves : ceux dont les symptômes ne sont pas contrôlables par un traitement médicamenteux, antithrombotique et anti-ischémique optimal et ceux présentant des paramètres de gravité tels défaillance ventriculaire gauche et/ou des troubles du rythme ventriculaires satellites de l’ischémie.   Chez le coronarien stable octogénaire Il n’y a quasiment pas d’indication à une approche invasive, sauf si les symptômes d’angor sont invalidants malgré l’optimisation du traitement médical ; mais il ne s’agit plus alors d’un coronarien tout à fait stable… "Publié dans Médical Staff Coronaires"

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème