Publié le 28 mar 2023Lecture 9 min
Actualités de la cardiologie interventionnelle
Un dossier réalisé avec la collaboration de Jimmy Davaine, CHU de la Pitié-Salpêtrière à Paris
Mieux vaut prévenir…
Les endofuites de type 2 (EF2) surviennent jusque dans 45 % des cas après traitement endovasculaire des anévrismes de l’aorte abdominale (EVAR). Elles sont responsables d’une croissance du sac dans 40 % des cas. Cette étude s’est intéressée à l’efficacité de l’embolisation sélective préventive de l’artère mésentérique inférieure (AMI) et à son influence sur la survenue des EF2 et par extension sur la croissance du sac anévrismal après EVAR.
Méthodes
Entre 2015 et 2017 toutes les procédures EVAR et fenêtrées (FEVAR) réalisées dans ce centre de référence ont été reprises rétrospectivement. Trois groupes étaient constitués : les patients avec une AMI perméable qui bénéficiaient d’une embolisation préventive (groupe 1 : G1) ; le groupe 2 (G2) des patients avec une AMI perméable qui n’était pas embolisée ; et les patients du groupe 3 (G3) avec une occlusion chronique de l'AMI.
Les critères techniques d’embolisation sont ici rappelés : un diamètre proximal de l'AMI supérieur à 3 mm, sans calcification ni sténose ostiale significative, ponction antérograde, sonde de 4 ou 5 F pour cathétérisme de l’ostium, embolisation avec coil ou vascular plug. Le critère primaire était la recherche au cours du suivi d’une augmentation de taille de plus de 5 mm du sac anévrismal.
Résultats
L’étude a inclus 266 patients, d’âge moyen 70 ans dont 95 % d’hommes. Cinquante-deux dans le G1, 142 dans le G2, 72 dans le G3 et 23 exclus pour données manquantes. Il y avait moins d’embolisations préventives dans le groupe FEVAR par rapport au groupe EVAR (P = 0,02). Le diamètre de l’anévrisme était significativement supérieur dans le G3 et le diamètre de l’AMI significativement supérieur dans le G1. Le succès technique était de 98,1 %. Il n’y avait pas de différence significative entre les groupes 1 et 2 en termes de croissance du sac anévrismal. Le diamètre maximal initial de l’anévrisme et la présence d’une artère rénale accessoire étaient significativement associés à une croissance du sac anévrismal au cours du suivi (p < 0,005). Il n’y avait pas de différence significative en termes de réintervention entre les trois groupes.
Le fait d’être une femme et la présence d’une artère rénale accessoire étaient des facteurs associés à plus de réinterventions alors qu’une proportion élevée de thrombus dans l’anévrisme était associée à moins de réinterventions. Aucune différence de mortalité n’était identifiée entre les groupes au cours du suivi.
Conclusion
Cette étude ne montre pas de bénéfice de l’embolisation préventive sur la croissance du sac anévrismal. Un intérêt majeur de ce travail est de se concentrer sur un critère clinique plutôt que la diminution des réinterventions qui est un critère plus subjectif. À noter que l’embolisation n’a pas provoqué plus de complications digestives et n’a pas requis plus de produit de contraste ou une plus grande irradiation.
Petit P et al. J Vasc Interv Radiol 2021 ; 32 : 1360-70.
La vision globale
En dehors de l’étude précédente, pas mal (de plus en plus) d’études se sont intéressées à ce sujet. Cette méta-analyse apporterait-elle la synthèse ? Le travail s’est focalisé sur les embolisations des branches de manière non sélective (artères lombaires, rénales accessoire et AMI), sélective (AMI), ou embolisation du sac anévrismal (SA). Ces techniques préventives ont montré leur efficacité dans la réduction des endofuites de type 2. Qu’en est-il de la croissance du sac et des réinterventions ?
Méthodes
Méthodologie PRISMA. Analyse des risques de biais selon l’échelle Newcastle Ottawa. 3 345 études ont été identifiées et 3 314 ont été exclues. Les 31 études retenues comprenaient un essai randomisé contrôlé et 30 études rétrospectives publiées entre 2001 et 2022, l’ensemble totalisant 18 452 patients, 1 882 cas avec embolisations et 16 660 cas sans. À noter qu’une étude issue d’un registre VQI (Vascular Quality Initiative database) incluait 15 000 patients.
Résultats
L’embolisation préventive quelle que soit la technique diminuait significativement le risque d’endofuite de type 2 après EVAR. La méta-analyse en réseau suggère que l’embolisation du sac et l’embolisation sélective de l’artère mésentérique inférieure étaient moins efficaces que l’embolisation non spécifique des branches pour prévenir les endofuites. En ce qui concerne les réinterventions, elles étaient moins fréquentes après embolisation en particulier en cas d’embolisation sélective de l’artère mésentérique inférieure. La croissance du sac anévrismal était notée entre 0 et 12 % des cas. L’embolisation préventive diminuait efficacement la croissance du sac anévrismal après EVAR, résultat en contradiction avec les études prises individuellement, à l’instar de l’étude précédente. L’embolisation sélective de l›artère mésentérique inférieure semble être la meilleure technique pour limiter la croissance du sac anévrismal.
Conclusion
Cette étude rassemblant les données de toutes les séries individuelles sur le sujet montre peut-être l’effet que ces dernières n’ont pas réussi à mettre en évidence pour des raisons statistiques. D’autres études comparatives sont nécessaires mais l’embolisation préventive, en particulier sélective, de l›artère mésentérique inférieure semble améliorer la prise en charge endovasculaire des anévrismes de l’aorte abdominale.
Wu Y et al. Front Cardiovasc Med 2022 ; 9 : 947809.
Taux de cancers plus élevé après EVAR ?
La notion d’un taux plus élevé de cancers après traitement par EVAR par opposition à la chirurgie ouverte (CO) a déjà été pointée du doigt dans certaines études. Dans ce travail, les auteurs ont voulu vérifier cette notion à partir d’un registre d’assurance privée.
Méthodes
Registre allemand d’une compagnie d’assurance (AOKDie Gesundheitskasse), majoritaire dans le pays, portant sur des patients pris en charge pour anévrisme de l’aorte abdominale (AAA) sans antécédent de cancer. Ce registre a évalué 14 000 patients/an traités par EVAR et 4 500 traités par CO entre 2010 et 2016. Presque 2 000 patients atteints de cancer étaient exclus de l’étude.
Résultats
85 % des patients étaient des hommes et l’âge moyen des hommes au moment de la chirurgie était 72 ans contre 75 pour les femmes (p < 0,001). Les patients recevant une endoprothèse avaient en moyenne 73 ans contre 70 pour ceux opérés par CO (p < 0,001). Les patients traités par EVAR présentaient plus de comorbidités avec plus d’hypertension artérielle et plus d’insuffisance rénale et plus de BPCO. Au total, après un suivi moyen de 9 ans, 29,5 % des patients ont développé un cancer. Il était noté plus de cancers dans le groupe EVAR (30 %) que dans le groupe CO (27 %) (p < 0,001). En particulier l’absence de cancer digestif était de 82 % et de 87 %, respectivement (p < 0,001). Il y avait plus de cancers chez les hommes (30 %) que chez les femmes (20 %) (p < 0,001). Les facteurs influençant significativement la survenue de cancers étaient l’âge de plus de 70 ans, la présence d’une BPCO, le sexe masculin.
Après ajustement statistique, le traitement par EVAR présentait un sur-risque non significatif de développer un cancer (p = 0,051). Toujours après ajustement, la différence était en revanche significative pour les cancers abdominaux, avec un sur-risque de développer un cancer abdominal après endoprothèse versus CO. Indépendamment du facteur cancer, la survie estimée était de 53 % pour les patients après CO et de 48 % chez les patients traités par EVAR (p < 0,001).
Dans cette cohorte de patients, sans cancer à l’inclusion, on observe un risque accru de développer un cancer abdominal après traitement par endoprothèse par rapport à une chirurgie ouverte. Cette observation ne vaut pas pour l’ensemble des formes de cancers. Après ajustement statistique, le type d’intervention n’a pas d’influence sur la survie globale. Cette observation vient confirmer d’autres observations faites précédemment : une question d’irradiation per-opératoire ? un rôle de la surveillance scannographique ? une autre raison ? Cette observation mérite d’être confirmée par d’autres études avec un design dédié.
Ettengruber A et al. Langenbecks Arch Surg 2022 ; doi: 10.1007/s00423-022-02670-x.
Anévrismes de l’aorte abdominale : disparité dans les résultats d’un registre à l’autre
Le développement des registres de grande envergure comme ceux disponibles aux États-Unis, offre des possibilités d’analyse sur un nombre considérable de patients. Les travaux issus de ces registres sont de plus en plus présents dans les publications scientifiques. Les limites de ces données, parfois purement administratives, sont bien établies et doivent être connues. Les auteurs de ce travail se sont penchés sur la thématique des anévrismes de l’aorte abdominale (AAA) et ont constaté une disparité dans les résultats d’un registre à l’autre. Ils ont voulu creuser plus avant les raisons de ces différences.
Méthodes
Reprise des principaux registres répertoriant les résultats après chirurgie ouverte réglée des AAA sur la période 2013-2016. Le registre VQI (Society for Vascular Surgery Vascular Quality Initiative) est le plus complet en termes de données cliniques et capture le suivi jusqu’à 1 an après la sortie du patient. Le registre NSQIP (National Surgical Quality Improvement Program) couvre 700 institutions capturant plus d’un million de cas tous les ans. Il fournit des données pré- et périopératoires et le suivi jusqu’à 30 jours. Le registre NIS (National Inpatient Sample) monitore 35 millions d’hospitalisations aux États-Unis tous les ans. Il s’agit d’un registre administratif basé sur des codes sans données cliniques. Les données disponibles concernent uniquement la période d’hospitalisation. Certaines données de ces registres sont auto-reportées.
Résultats
Les données montrent qu’il existe des différences significatives d’un registre à l’autre en termes d’âge et de terrain cardiovasculaire. Seul le registre VQI fournit des données cliniques et anatomiques en rapport avec la chirurgie. Surtout, les taux de mortalité périopératoire et à 30 jours sont significativement différents entre les registres. Cette différence persistait après ajustement statistique. La mortalité observée dans le registre VQI était significativement moins importante que dans les deux autres registres. Il existait également des différences de durée de séjour et de taux de retour au domicile (plus fréquent dans le registre VQI). Ces différences trouvent sans doute leur explication dans la nature même des bases, leur design et dans leur objectif de facturation ou d’analyse. Il ressort de l’étude de ces registres que les patients n’ont pas tous les mêmes suites selon l’endroit où ils sont traités. D’autre part, beaucoup de publications actuelles sont basées sur ces registres fournissant un nombre très élevé de patients. Le principe de ces bases doit être connu afin d’interpréter les résultats avec le recul nécessaire.
Scully RE et al. J Vasc Surg 2022 ; 75 : 162-7.
Des données à connaître et à réactualiser
Le développement des techniques endovasculaires pour les anévrismes suprarénaux et de type 4 offre une alternative mini-invasive à la chirurgie ouverte. Afin de savoir si cette dernière reste une option valide, il est indispensable d’avoir les chiffres précis des résultats en rapport et ceux-ci doivent être mis régulièrement à jour afin de pouvoir comparer les techniques et proposer la meilleure solution au patient. C’est l’objectif que se fixe ce travail.
Méthode
Cette étude rétrospective reprend sur 10 ans, dans un centre de référence écossais, l’ensemble de l’expérience sur les anévrismes aortiques supra-rénaux et thoracoabdominaux de type 4. L’évaluation préopératoire était exhaustive. La chirurgie se faisait en hypothermie passive à 32-34 degrés sans drainage du liquide céphalorachidien ni assistance circulatoire. L’abord se faisait par laparotomie bi-souscostale avec clampage supra-cœliaque. La reconstruction se faisait au moyen d’un biseau comprenant tronc cœliaque, artère mésentérique supérieure et artère rénale droite et réimplantation séparée de l’artère rénale gauche.
Résultats
Sur 74 patients inclus, 53 étaient retenus comme éligibles à une chirurgie ouverte. La moyenne d’âge était de 69 ans, le score ASA moyen de 3. La durée médiane du geste était de 267 minutes et les temps moyens d’ischémie viscérale de 40 minutes et des membres inférieurs de 90 minutes. L’extubation se faisait en salle d’opération pour 85 % des patients et la durée moyenne de séjour était de 12 jours dont 4 en soins intensifs. La mortalité à 30 jours était de 6 % (défaillance multiviscérale, infarctus du myocarde et défaillance respiratoire). Les complications sont résumées dans le tableau qui comprend quelques références choisies à titre de comparaison.
Conclusion
Cette étude montre que le traitement des anévrismes supra-rénaux et thoraco-abdominaux de type IV peut-être réalisé avec un taux de complications relativement modérée et une mortalité faible. Cette équipe utilise une voix abdominale exclusive. Le taux considérable de complications réversibles montre qu’une prise en charge de réanimation adaptée est indispensable. Cette étude a déjà 10 ans (mais il y a peu d’autres données plus récentes).
Richards JMJ et al. Br J Surg 2010 ; 97 (1) : 45-9.
Publié dans L'Interventionnel
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