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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 11 déc 2012Lecture 11 min

Troubles du rythme chez la femme

B. BREMBILLA-PERROT, CHU de Brabois, Vandœuvre-lès-Nancy

Il y a 1 542 références concernant les différences hommes/femmes vis-à-vis des arythmies. Ces différences étaient déjà bien connues pour l’incidence et la prise en charge de la cardiopathie ischémique. Le sexe exerce une influence significative sur l’épidémiologie, la physiopathologie, la présentation clinique, la nature et la fréquence de nombreux troubles du rythme cardiaque. Les données sont cependant parfois contradictoires. Le sexe peut influer également sur la prise en charge, les résultats et les risques liés au traitement, mais pour ce dernier point les différences diminuent progressivement avec le temps. Les différences hormonales (estrogènes, testotérone), génétiques, morphologiques (taille), sociales et culturelles pourraient expliquer les différences liées au sexe.

L’électrocardiogramme est différent chez la femme (tableau 1)    La fréquence cardiaque est légèrement plus élevée chez la femme que chez l’homme (3-5 bpm) et les tachycardies sinusales inappropriées aussi plus fréquentes, probablement du fait d’un niveau d’exercice plus faible.  L’espace PR, la largeur des QRS et leur voltage seraient plus faibles chez la femme, ceci étant en partie dû à leur taille plus petite.  L’espace QT est plus long chez la femme de 10 à 20 ms et les normes concernant la valeur limite du QT corrigé différent chez l’homme (450 ms) et la femme (470 ms).  Les troubles de repolarisation non spécifiques sont plus fréquents chez la femme.     Relations entre le sexe, l’incidence et la nature des arythmies    Syncopes Elles sont plus fréquentes que chez l’homme vers l’âge de 20 ans puis après 80 ans.    Tachycardies supraventriculaires • Les femmes souffrant de tachycardie jonctionnelle ont une incidence 2 fois plus élevée de tachycardie par réentrée intranodale. La prévalence des voies accessoires auriculo-ventriculaires patentes ou latentes est plus faible que chez l’homme (rapport 1/2). On sait également que l’incidence des faisceaux accessoires dépend de l’âge et diminue tout au long de la vie.  Des sensations de tachycardie à début et fin brusques après 30 ans correspondent à une tachycardie par réentrée intranodale dans 85 % des cas chez la femme.  Dans le cas des préexcitations ventriculaires, l’homme a également un risque de mort subite lié à cette affection plus fréquent que chez la femme ; toutefois, ce risque de mort subite rapporté chez des hommes jeunes est aussi favorisé par les influences catécholergiques et donc le sport plus souvent pratiqué par l’homme. En effet, il n’existe pas de différences de valeurs des périodes réfractaires du faisceau de Kent en fonction du sexe mais seulement en fonction de l’âge.  La survenue d’une tachycardie supraventriculaire chez la femme varie avec le cycle menstruel.  Elle est plus fréquente dans la phase lutéale où le taux de progestérone est élevé. Elle serait inversement corrélée avec le taux d’estrogènes. Théoriquement, le cycle menstruel affecte aussi l’induction des tachycardies supraventriculaires pendant l’étude électrophysiologique. Si la tachycardie n’est pas déclenchable en milieu de cycle, l’étude devrait être répétée pendant la menstruation.    • La tachycardie sinusale inappropriée avec une accélération exagérée de la fréquence cardiaque à l’effort ou au stress survient surtout chez les femmes de moins de 40 ans et pourrait être due à une régulation anormale du système nerveux autonome du nœud sinusal.  • Il y a une faible prévalence du flutter auriculaire chez les femmes, peut-être en raison de la prévalence moins élevée de facteurs favorisants comme l’insuffisance respiratoire chronique, la cardiopathie ischémique ou dilatée. Le risque de flutter chez l’homme est 2,5 fois plus élevé.  • Concernant les tachycardies atriales, les hommes sont plus âgés que les femmes qui ont aussi plus de tachycardies d’autre nature associées et notamment de tachycardies par réentrée intranodale. Les femmes avant la ménopause ont moins de comorbidités cardiovasculaires et le mécanisme est plus souvent dû à un foyer d’automatisme que chez l’homme.  • La fibrillation auriculaire (FA) a une prévalence 1,5 fois plus élevée chez les hommes que chez les femmes. En effet, la FA concerne surtout les hommes du fait de son lien avec le sport de haut niveau, l’obésité, l’HTA et la consommation d’alcool, plus souvent notés chez l’homme.  De plus, pour un entraînement comparable, les athlètes masculins développent un remodelage auriculaire, un remodelage concentrique du ventricule et une atteinte de la fonction diastolique plus prononcés que les femmes. Une tension artérielle et un tonus sympathique plus élevés seraient en cause. Ces éléments favoriseraient la FA.  Par contre, l’âge est aussi un facteur de risque de FA, parallèlement à l’augmentation de l’incidence des cardiopathies. Finalement, le nombre absolu de femmes avec une FA est plus élevé car elles vivent plus longtemps. L’âge est aussi un facteur de risque d’accident thromboembolique. Les femmes dont la longévité est supérieure seront donc concernées par ces complications que sont les accidents thromboemboliques et les poussées d’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée. L’incidence des accidents vasculaires cérébraux serait de 2,2 % chez la femme et seulement 1,2 % chez l’homme. Il est difficile d’affirmer que c’est uniquement la notion de sexe qui explique les différences. Néanmoins, le sexe féminin apparait comme un facteur de risque dans le nouveau score de risque thromboembolique CHA2DS2vasc. Enfin, la FA est par ailleurs souvent plus mal tolérée chez la femme que chez l’homme et le contrôle du rythme est souvent plus difficile.    Arythmies ventriculaires • Concernant les tachycardies ventriculaires (TV) ou ESV survenant sur cœur sain, les TV infundibulaires (retard gauche, axe droit) sont plus 1,5 fois plus fréquentes chez la femme que chez l’homme alors que les TV sensibles au vérapamil (retard droit, axe hyperdroit ou gauche) sont plus fréquentes chez l’homme.  Leur mécanisme déclenchant serait étroitement lié à des modifications hormonales.  • Les TV associées à une cardiopathie sont moins fréquentes chez la femme car la cardiopathie ischémique, cause la plus courante des TV est plus fréquente chez l’homme.  • La mort subite est moins fréquente chez les femmes et survient 10 ans plus tard que chez l’homme, du fait du développement plus tardif de la cardiopathie ischémique.  • Le pronostic du syndrome de Brugada serait plus mauvais chez l’homme que chez la femme. Chez la femme, la présence de troubles de conduction représenterait un marqueur de risque. Le moindre risque lié au sexe féminin n’est pas retrouvé dans d’autres études. Les symptômes et le type I spontané étaient les seuls prédicteurs d’événement rythmique, alors que le sexe, l’induction d’une arythmie ventriculaire et la présence d’une mutation SCN5A n’étaient pas prédictifs d’un événement rythmique.   Relation sexe/indications et résultats du traitement  (tableau 2)      Les accidents médicamenteux sont plus fréquents Le risque de torsades de pointe lié à l’utilisation des antiarythmiques, notamment le sotalol et tout autre traitement allongeant l’espace QT, est plus fréquent chez la femme.    Ceci est probablement dû aux différences hormonales. Chez l’homme, les différences électrophysiologiques apparaissent au cours de l’adolescence avec une réduction de l’intervalle QTc, en raison du niveau de testostérone. La testostérone supprime probablement le canal I (Ca, L) et améliore le canal I (K). Bien que la progestérone puisse avoir des effets similaires chez les femmes, ces effets sont limités par le taux d’estrogènes. Les niveaux de progestérone varient de façon importante tout au long des différentes phases du cycle menstruel humain, ce qui implique des variations du moment de survenue des torsades de pointe induites par les médicaments. Cet élément n’est pas pris en compte lors des évaluations des antiarythmiques.    Les autres accidents médicamenteux (troubles de conduction, arythmies ventriculaires sont aussi plus fréquents chez la femme du fait de plusieurs facteurs : polymédication, âge élevé et mauvaise surveillance. Par contre, il n’y a pas de différences liées au sexe pour les accidents hémorragiques dues aux anticoagulants.    Le traitement curatif par ablation des troubles du rythme serait moins indiqué chez la femme mais ceci tend à diminuer ; par ailleurs, les complications liées à l’ablation sont plus fréquentes chez la femme.    L’ablation par cathéter des arythmies supraventriculaires semble tout aussi efficace dans les deux sexes, bien que les femmes se présentent à l’ablation par cathéter plus tard, avec plus de symptômes, et après avoir échoué à plus d’antiarythmiques.    • Le succès de l’ablation d’un flutter auriculaire ne semble pas différer entre les sexes mais ceci est discuté. Les risques d’événements indésirables au cours de l’ablation du flutter semblent plus élevés chez les femmes. Les détails sur les complications ont été signalés récemment par notre groupe. Toutefois, les complications liées au sexe n’ont pas été retrouvées dans d’autres études.  • La fréquence des récidives de tachycardies par réentrée intranodales après ablation de la voie lente est plus élevée chez les jeunes femmes, probablement en raison d’une approche plus conservative de l’ablation.  • Le résultat de l’ablation par cathéter de la fibrillation auriculaire chez les femmes est plus mauvais que chez les hommes. Ceci pourrait être dû au retard d’indication de l’ablation avec une incidence plus élevée de FA persistante depuis longtemps.    Un taux de complications, notamment hémorragiques, augmenté chez les femmes par rapport aux hommes a été rapporté dans plusieurs études.    Indications de pacemakers Les femmes ont plus de maladie de l’oreillette et moins de bloc auriculoventriculaire. Chez les sujets de plus de 80 ans, l’implantation d’un pacemaker double chambre est moins fréquente chez la femme. Les seuils de stimulation auriculaire sont plus élevés et les complications liées à l’implantation (pneumothorax et hématome) sont plus fréquentes chez la femme.   Défibrillateurs et systèmes de resynchronisation Il semblerait y avoir moins d’implantation de défibrillateur et/ou d’un système de resynchronisation chez les femmes. Le bénéfice de l’implantation du défibrillateur en prévention primaire en cas de dysfonction ventriculaire gauche sévère n’est d’ailleurs pas formel. Il y a moins d’interventions appropriées dans toutes les études randomisées concernant le défibrillateur en prévention primaire dans le cas de la cardiomyopathie dilatée. Hommes et femmes ont la même incidence de chocs inappropriés et d’orage rythmique.    En revanche, les femmes répondent mieux à la resynchronisation. Les super-répondeurs sont en effet des femmes avec atteinte de la fonction cardiaque non ischémique et QRS larges.   Des particularités liées à la grossesse    Il s’agit de tachycardies catécholergiques souvent bénignes et préexistantes, supraventriculaires, rarement ventriculaires. La tachycardie sinusale est physiologique.  Les tachycardies jonctionnelles paroxystiques sont les arythmies soutenues les plus fréquentes. La grossesse est le facteur révélateur dans 3,9 % des cas. Les crises préexistantes ne sont aggravées que dans 22 % des cas avec des crises plus fréquentes ou plus mal tolérées. Sinon, les tachycardies sont bien tolérées ; toutefois une tachycardie > 250/min prolongée peut perturber la perfusion fœtale.  Les tachycardies atriales, flutter auriculaire et fibrillation auriculaire sont exceptionnels et surviennent en cas de cardiopathie sous-jacente, cardiopathie valvulaire ou congénitale opérée.  Les tachycardies ventriculaires (TV) sont également rares. Il s’agit généralement de TV idiopathiques le plus souvent infundibulaires. Les bradycardies sont exceptionnelles et habituellement bénignes.    Tous les antiarythmiques passent la barrière placentaire et dans le lait ; leur utilisation doit donc être limitée.    Les risques tératogènes sont maximaux durant les 2 premiers mois de la grossesse. Le traitement vient de faire l’objet de recommandations européennes.    Le traitement de la crise est identique à celui des traitements des femmes non enceintes. Le traitement d’entretien ne s’envisage qu’avec réticence.    Il ne doit pas être prescrit pour des extrasystoles atriales ou ventriculaires. Dans le cas des tachycardies supraventriculaires ou ventriculaires (sur cœur sain), le traitement n’est indiqué que si les symptômes sont intolérables ou si la tachycardie cause un retentissement hémodynamique ou en cas de QT long. Si la digoxine peut être prescrite en prévention d’une tachycardie supraventriculaire (reco Ic), on s’adressera plutôt aux bêtabloquants pour les tachycardies supraventriculaires ou ventriculaires. Il faut privilégier le métoprolol (reco Ic) ou le propranolol (reco Ic). L’aténolol est contre-indiqué. La présence d’un QT long congénital requiert obligatoirement un bêtabloquant. Il y a également augmentation des risques en cas de cardiopathie (congénitale ou acquise) et les traitements conventionnels (amiodarone, ablation) utilisés en dehors de la grossesse peuvent être exceptionnellement autorisés en cas de menace vitale.    En conclusion, de nombreuses différences existent quant à la nature des arythmies entre hommes et femmes. Les différences liées aux traitements non médicamenteux tendent à disparaître.

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