Publié le 28 fév 2015Lecture 5 min
Syndrome d’apnées du sommeil, ce que le cardiologue doit savoir
M. DEKER à partir de communications aux JESFC 2015
Le syndrome d’apnées du sommeil est associé à de nombreuses pathologies cardiovasculaires, l’hypertension artérielle (HTA) et l’insuffisance cardiaque (IC) notamment. Il majore le risque de complications cardiovasculaires de toutes les pathologies cardiaques. À ce titre, son dépistage et sa prise en charge doivent être intégrés à la pratique du cardiologue.
Quoi de neuf ?
Les microéveils répétés qui caractérisent les apnées du sommeil activent le système nerveux sympathique, ce qui favorise l’augmentation de la pression artérielle ; parallèlement, la diminution de la pression intrathoracique liée aux pauses respiratoires influe sur les paramètres hémodynamiques. Les apnées du sommeil étant étroitement corrélées à la sévérité de l’HTA, le dépistage du syndrome d’apnées du sommeil fait aujourd’hui partie intégrante du bilan des HTA résistantes. L’efficacité du traitement des troubles respiratoires apnéiques par la ventilation continue en pression positive (CPAP) dépend de la valeur initiale de la pression artérielle, de l’observance du traitement et de la correction des apnées/hypopnées nocturnes.
Chez les patients hypertendus non dippers ayant des apnées du sommeil, une étude chronobiologique a montré que la modification du rythme d’administration du traitement antihypertenseur (ARAII administré le soir au lieu du matin, à posologie identique) permet de mieux corriger la PA, en particulier nocturne.
Une étude réalisée au sein d’une cohorte de patients devant bénéficier d’une ablation pour fibrillation atriale (FA), parmi lesquels les patients ayant un authentique syndrome d’apnées du sommeil avaient un plus grand diamètre atrial et des pressions pulmonaires plus élevées, a montré que le risque de récurrence de FA après ablation était deux fois plus élevé chez les patients non traités pour leur syndrome apnéique. Une autre étude a montré que le risque d’AVC chez ces patients apnéiques en FA est > 3 fois supérieur comparativement aux patients sans apnées, quel que soit le score CHA2DS2-VASc.
Après pontage coronarien, l’existence d’apnées du sommeil double le risque de survenue d’une FA. Ce risque est également augmenté dans le postinfarctus.
Les apnées du sommeil sont fréquemment retrouvées chez les patients insuffisants cardiaques (60 à 80 %) et impactent sur la mortalité. Il s’agit ici non seulement d’apnées obstructives mais d’apnées centrales liées à un arrêt de la commande ventilatoire du fait de l’hypocapnie due à la congestion pulmonaire, et au mouvement des fluides vers le thorax en décubitus. Les deux types de syndromes apnéiques peuvent coexister et/ou alterner.
Les outils du diagnostic
La technique de référence pour le diagnostic et la quantification des apnées/hypopnées est la polysomnographie, qui définit l’indice IAH. On considère que le SAS est défini pour un IAH > 5, modéré pour un IAH ≥ 15 et sévère pour un IAH ≥ 30. Dans l’insuffisance cardiaque, tout comme dans les pathologies cardiaques graves, on peut envisager une prise en charge à partir d’un IAH de 15, vs 30 en population générale.
L’observation (morphotype) et l’interrogatoire (fatigue, irritabilité, céphalée matinale, ronflement et pauses respiratoires) fournissent des indices incitant à mettre en route une exploration plus complète. L’échelle de somnolence d’Epsworth n’est pas un questionnaire de dépistage, mais une échelle de suivi de l’évolution de la somnolence, en défaut chez l’insuffisant cardiaque. Le questionnaire de Berlin, véritable questionnaire de dépistage mais validé en population générale, est également peu adapté à cette population.
L’équipe de l’hôpital Henri Mondor a établi une échelle de risque à partir des données cliniques recueillies chez les patients insuffisants cardiaques (FE basse) apnéiques. Un score a été élaboré à partir de 4 variables, le score 2ABN3M, qui combine l’âge > 65 ans (2 points), l’IMC > 25 (2 points), le grade NYHA III-IV (2 points) et le sexe masculin (3 points). Un score de 7 possède une valeur prédictive positive de 96 % et une spécificité de 85 %, ce qui fait de ce score un outil valide pour trier les patients insuffisants cardiaques en vue du dépistage des troubles respiratoires du sommeil.
Parmi les autres outils, citons le Holter qui permet de mesurer les pauses et d’analyser la variabilité sinusale, en particulier grâce à l’indice VLF (very low frequency). L’intérêt du Holter pourrait être amélioré grâce au couplage à des sangles thoraciques et à une évaluation de la saturation en O2. Citons également les techniques de pacemaker avec mesure de l’impédance thoracique. L’Apnea- Link est un outil de dépistage dédié aux apnées du sommeil, qui permet de mesurer la saturation en O2 et le flux nasal. Enfin, la polygraphie est une méthode de diagnostic validée et très fiable, utilisable en ambulatoire, que les cardiologues devraient s’approprier, moyennant un apprentissage à l’interprétation des données.
La ventilation auto-asservie dans les apnées centrales
La prise en charge des apnées centrales chez l’insuffisant cardiaque est encore assez mal définie. La plupart des études ont été réalisées sur de petits effectifs et de niveau de preuves assez bas. Plusieurs méthodes sont explorées, dont la CPAP, qui améliore partiellement l’IAH mais n’a pas montré de bénéfices sur la survie chez l’insuffisant cardiaque à FE préservée. La ventilation auto-asservie (ASV), qui utilise une pression expiratoire fixe ou autopilotée et une pression inspiratoire automatique, semble supérieure à la CPAP : réduction de l’IAH, diminution du BNP, amélioration du périmètre de marche, diminution du diamètre télédiastolique ventriculaire gauche. L’observance de l’ASV est meilleure, comme la qualité de vie. Des métaanalyses des études comparant ASV et CPAP chez les patients en insuffisance cardiaque à FE abaissée montrent une amélioration de la fonction ventriculaire et de la FEVG, et des études en ouvert montrent une réduction de la mortalité chez les patients traités. Chez certains patients, l’amélioration des troubles centraux est associée à une augmentation de la FE, de la capacité fonctionnelle et de la fonction rénale, et même à un moindre risque de troubles du rythme ventriculaire.
Avant de conclure, il faudra attendre les résultats de l’étude SERVE-HF qui évalue l’ASV versus pas d’assistance ventilatoire chez plus de 1 000 patients insuffisants cardiaques (FE < 45 %), souffrant de troubles respiratoires du sommeil (IAH > 15), avec apnées centrales (50 %). Le suivi minimum devait être de 24 mois et les critères de jugement sont : la mortalité toutes causes ou une hospitalisation non programmée pour aggravation de l’IC ; la mortalité cardiovasculaire ou une hospitalisation pour IC ; la mortalité ou les hospitalisations toutes causes. Résultats dans quelques mois.
D’après J.-J. Mourad, T. Damy et J.-N. Trochu lors d’un symposium avec le concours de ResMed JESFC, 14-17 janvier 2015, Paris
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