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Mise au point

Publié le 30 nov 2009Lecture 9 min

Stents biorésorbables : où en est-on ?

A. LAFONT, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris et Inserm, Université Paris V Descartes

Le stent résorbable en cardiologie interventionnelle était considéré il y a encore peu de temps, comme la quête du Graal. Historiquement, Richard Stack, Duke University (États-Unis) en collaboration avec la société ACS (devenue Abbott) est le premier à avoir réalisé des travaux expérimentaux sur le stent biorésorbable.

Hideo Tamai (Japon) a conçu en 2000, en collaboration avec un ingénieur nommé Igaki, un stent biorésorbable en polymère testé d’abord chez l’animal puis chez l’homme. Il faut reconnaître à H. Tamai cette grande première : une soixantaine de patients dont les suites ont été simples, sans complication majeure par rapport aux stents métalliques. Les contrôles successifs par échographie endocoronaire ont montré que ce stent ne se dégradait pas ou peu.  Plus récemment, deux grands projets ont évalué des stents biodégradables chez l’homme : le stent de la société Biotronik et celui de la société Abbott (issu de la recherche initiale de R. Stack).    Les choses se précisent donc mais les stents seront retirés du marché.  Le stent de Biotronik est caractérisé par son support en magnésium avec un principe de dégradation rapide. Malheureusement, la dégradation a été beaucoup trop rapide car en quelques semaines elle entraînait un processus de constriction chronique aboutissant à une resténose hyperplasique significative dans plus de 50 % des cas. Ce stent ne relarguait pas de drogue.  Le stent d’Abbott était en polymère d’acide lactique biodégradable et caractérisé par un deuxième polymère servant de revêtement destiné au relargage d’un principe actif pour limiter l’hyperplasie éventuelle.  Même si les résultats initiaux étaient plus favorables que le stent de Biotronik, le projet est reparti à la recherche expérimentale.    Stent biorésorbable en cours de développement (Abbott). Dans les deux cas, on peut reconnaître une certaine sécurité du produit dans la mesure où il n’y a pas eu d’événements majeurs plus importants qu’avec les stents métalliques. Il est montré que désormais, l’avènement du stent résorbable n’est plus qu’une question de temps et que comme le disait Ormiston (Nouvelle-Zélande) :    « Dans 10 ans, on devra penser que nos stents étaient initialement en métal et non biodégradables ».    Le principe du stent résorbable actif peut sembler séduisant dans la mesure où c’est une continuité avec ce que nous connaissons des stents actifs, mais en même temps il y a une grande incertitude quant à l’absence de recouvrement du stent amené à se dégrader et pouvant ainsi au cours de ce processus de dégradation chronique être libéré dans la circulation sanguine et favoriser des emboles, avec un risque d’infarctus à distance.  Il existe d’autres projets tels que le stent Reva, stent biorésorbable, un stent d’acide acétylsalicylique (tous deux ont fait l’objet d’un essai chez l’homme mais ont dû être retirés rapidement). La société Cordis développe un stent biorésorbable en polymère biodégradable avec relargage de sirolimus. La start-up Art développe un stent en polymère d’acide lactique se dégradant en 6 à 12 mois sans relargage de drogue. Pourquoi les stents résorbables ? Simplement parce que la réparation artérielle ou la réparation de tout organe est un processus transitoire où la persistance d’un corps étranger peut déclencher une maladie nouvelle que nous appelons dans notre cas précis la resténose intrastent. Plus de stent définitif signifie plus de resténose intrastent. Le deuxième avantage est lié à l’allongement progressif de la longueur cumulée de stents implantés à nos patients qui peut dépasser largement les 100 mm. Cela représente un danger potentiel d’intervention ultérieure par voie chirurgicale par absence d’accès aux vaisseaux natifs pour les chirurgiens cardiaques. La thrombose de stent qui est apparue comme une nouvelle menace, elle aussi disparaît dans la mesure où la cause de thrombose chronique, le stent, a disparu. En effet, il a été montré qu’à 4 ans, moins de 45 % des stents actifs sont endothélialisés, les 55 % restant représentent donc un risque potentiel de thrombose. La mise au point d’un stent actif : quels sont les défis ? La biomécanique  Il est clair que la première erreur était de considérer les matériaux résorbables comme équivalents aux matériaux biostables notamment le métal.  Ceci a abouti à des phénomènes de recoil immédiat (7 % pour le stent d’Abbott dans leur essai clinique) et il est apparu que le phénomène biomécanique pouvait se manifester plus tardivement, trop prématurément par rapport au cahier des charges imposé c’est-à-dire à l’autonomie de la paroi artérielle ; c’est ce qui est arrivé aux stents de Biotronik pour lesquels la dégradation a été beaucoup trop rapide.  Il est clair que le support biodégradable est plus fragile que le métal et que pour les polymères biodégradables, chacune des étapes de transformation allant du granule à la fabrication de tube jusqu’à la stérilisation et le sertissage sur le ballon représente à chaque fois une perte de masse molaire et donc de propriétés mécaniques. De plus, des processus tels que le sertissage pouvaient présenter un risque de fracture lors du déploiement du stent. Ceci a obligé à reconsidérer complètement la fabrication d’un stent biorésorbable en se focalisant plus particulièrement sur le produit de base et ses propriétés. Le choix du polymère lui-même joue évidemment un rôle capital dans les propriétés biomécaniques. Il est clair aussi que les propriétés biochimiques du produit de base et notamment sa vitesse de résorption vont avoir un impact majeur sur la pérennité des propriétés mécaniques. Tout est donc dans le timing désiré. La biorésorption - La biorésorption est la propriété principale attendue d’un stent biodégradable. Celle-ci doit donc faire partie intégrante du concept de réalisation d’un stent biodégradable. Elle implique en premier lieu le choix de la nature du produit biodégradable. En effet, certains polymères se dégradent très vite avec un effet de cut off (quelques semaines) et d’autres se dégraderont en quelques années.  Il est donc indispensable de savoir quel est le temps de résorption que l’on exige du matériel.  Celui-ci se divise en deux temps :  Un premier temps de résorption partielle qui va aboutir à la fragmentation du stent en plusieurs parcelles aboutissant à la perte de la propriété mécanique, puis un deuxième temps qui est la disparition totale des fragments. On confond souvent ces deux temps qui doivent être distingués. Le temps essentiel est celui de la dégradation partielle. - On mentionnera aussi le degré d’hydratation qui concerne les polymères biodégradables : ce coefficient d’hydratation est important car il influera à la fois sur la résorption et les propriétés biomécaniques : plus un matériel a un coefficient d’hydratation élevé, plus il perdra rapidement ses propriétés biomécaniques : il suffit de faire la comparaison avec une éponge sèche, dure. Si on la remplit d’eau elle devient molle et ses propriétés mécaniques en seront donc tout à fait transformées. La biocompatibilité  Ce dernier paramètre est évidemment essentiel car la plupart des polymères utilisés initialement, étaient très peu biocompatibles et entraînaient une réaction inflammatoire et proliférative au niveau intimal majeure rendant très impopulaire le stent biodégradable.  Cela était dû à une mauvaise connaissance des polymères et de l’importance des différentes étapes de synthèse pour aboutir à un produit de très grande qualité. On peut faire la comparaison avec le vin : si vous buvez en grande quantité un mauvais vin la digestion de celui-ci sera accompagnée dans les 24 heures d’importants maux de tête traduisant sa médiocre biocompatibilité. Ainsi en est-il des polymères : un polymère de très bonne qualité se résorbera en monomères qui seront parfaitement intégrés, ne déclenchant aucune réaction inflammatoire alors qu’un mauvais polymère se dégradera en oligomères, cristaux déclenchant des réactions inflammatoires importantes.  La biocompatibilité est très vite connue, comme pour un stent métallique : c’est le processus de cicatrisation qui commence par recouvrir le stent et l’isole du flux sanguin. C’est l’hémocompatibilité qui évitera les phénomènes de thrombose aiguë, subaiguë ou tardive d’où l’intérêt de ne pas inhiber ce processus indispensable de recouvrement du stent par des cellules endothéliales.  Le deuxième élément de la biocompatibilité est l’histocompatibilité : c’est la tolérance du produit de base jusqu’à sa dégradation complète et de ses produits de dégradation sans entraîner de réaction inflammatoire. C’est sur cet aspect que les stents biodégradables ne seront pas égaux compte tenu de la variabilité potentielle de la qualité du produit de base et des processus de fabrication.  On peut aujourd'hui raisonnablement penser que les stents biodégradables vont apparaître sur le marché dans les années à venir. Ils représenteront une révolution majeure par rapport aux stents métalliques et l’on peut envisager que la dénomination stent sera elle-même remplacée par un autre nom.    La présence d’un produit pharmacologique actif associé aux stents devra faire l’objet d’une vigilance beaucoup plus accrue afin de ne pas altérer le processus de recouvrement indispensable à la sécurité au cours du processus de dégradation.  Les propriétés biomécaniques devront répondre au cahier des charges en équivalence à celles de stents en métal. La force radiale d’une artère dilatée étant très faible, on le voit bien lors d’une dilatation au ballonnet réussie qui aboutit dans 60 % des cas à un résultat parfait, un support permanent même au cours du processus de cicatrisation s’avère indispensable.  L’épaisseur des mailles sera supérieure à celle des stents en métal ce qui ne correspondra pas forcément à une régression. On ne parle plus du même produit.  Les stents biorésorbables nous obligeront à modifier nos habitudes, sans pour autant limiter les perspectives : on peut imaginer pouvoir augmenter la longueur cumulée des stents biorésorbables chez un même patient dans la mesure où ceci est temporaire.  L’approche du traitement des plaques vulnérables est sur une voie nouvelle.  Conclusion  L’avènement des stents résorbables sera une révolution beaucoup plus importante que le passage du stent nu au stent actif car il libérera la paroi artérielle du risque lié à la persistance du matériel à moyen et long termes.

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