Publié le 10 juil 2023Lecture 5 min
Le TAVI simplifié
Thomas LEVESQUE, Christophe TRON, Najime BOUHZAM, Nicolas BETTINGER, Thibaut HEMERY, Hélène ELTCHANINOFF, Eric DURAND, Normandie Univ, UNIROUEN, U1096, CHU de Rouen, Service de cardiologie, Rouen
Le 16 avril 2002, eu lieu à Rouen la première implantation d’une valve aortique par voie percutanée chez un patient présentant un rétrécissement aortique serré en choc cardiogénique(1). Initialement inventée dans le but de traiter des patients inopérables, la technique du TAVI s’est considérablement améliorée sur ces deux dernières décennies à tel point qu’elle fait aujourd’hui jeu égal avec le remplacement valvulaire aortique chirurgical.
Les dernières recommandations européennes préconisent de privilégier, lorsque cela est possible, un TAVI par voie fémorale pour les sujets de plus de 75 ans quel que soit leur niveau de risque chirurgical(2). On estime qu’environ 15 000 TAVI ont été réalisés en 2022 en France. L’essor du TAVI est lié non seulement à l’évolution des systèmes de délivrance et des bioprothèses, mais aussi à la simplification progressive de la procédure, avec une approche minimaliste que l’on appelle « TAVI simplifié ». Le TAVI simplifié a permis de faciliter la réalisation de la procédure mais aussi de diminuer la durée d’hospitalisation et de favoriser un retour rapide à domicile des patients en l’absence de complication. Nous allons détailler les différentes étapes du « TAVI simplifié » et résumer l’impact de santé publique de cette approche.
LES DIFFÉRENTES ÉTAPES DU TAVI SIMPLIFIÉ
L’anesthésie locale et l’abandon de l’échographie transoesophagienne (ETO)
Même si les premiers cas de TAVI à Rouen avaient été réalisés sous anesthésie locale selon le concept du Pr Alain Cribier, la plupart des centres, notamment en Amérique du Nord, ont choisi le recours à une anesthésie générale(3). Cependant, aucune étude effectuée sur ce sujet n’a retrouvé de bénéfice de l’utilisation de l’anesthésie générale dans le TAVI(3-4). En outre, l’anesthésie générale complexifie la procédure imposant la présence en salle d’un anesthésiste, d’un ventilateur, et le plus souvent une voie artérielle radiale et une voie veineuse supplémentaires. L’anesthésie locale offre un meilleur confort au patient en évitant une intubation orotrachéale, permettant une mobilisation plus rapide en postprocédure et une détection plus rapide par le médecin des complications neurologiques éventuelles.
En général associée à l’anesthésie générale, l’échographie cardiaque transœsophagienne a également beaucoup été utilisée dans le passé afin de guider le positionnement et le déploiement de la bioprothèse malgré les excellents résultats sous fluoroscopie seule(5). Dès 2012, notre équipe a démontré la faisabilité et la sécurité du TAVI sous anesthésie locale sans utilisation de l’ETO(5).
Les voies d’abord et autres améliorations
Ces dernières années, des progrès ont également été observés sur les accès vasculaires. En premier lieu, s’est développé le recours à l’accès radial comme voie artérielle secondaire en alternative à la voie fémorale traditionnellement choisie et source de complications vasculaires dans 20 à 25 % des cas d’après certains registres(6). Même s’il n’y a pas d’étude randomisée sur le sujet, plusieurs études de cohorte ont démontré l’avantage de l’utilisation de la voie radiale afin de réduire les complications vasculaires et les saignements(6). D’autre part, la ponction échoguidée de l’artère fémorale (voie principale) s’est également imposée comme une alternative à la ponction angioguidée. Une fois encore, aucune étude randomisée n’a été réalisée pour démontrer une supériorité de la ponction échoguidée, mais cette méthode de ponction est largement utilisée car elle permet de ponctionner l’artère au-dessus de la bifurcation et d’éviter les calcifications de la paroi antérieure du vaisseau. Elle est particulièrement intéressante chez les patients porteurs d’une prothèse de hanche et chez les sujets obèses.
La stimulation ventriculaire rapide sur guide s’impose progressivement en remplacement de la sonde d’entraînement électrosystolique positionnée dans le ventricule droit permettant de réduire le risque de tamponnade et de raccourcir le temps de procédure et de fluoroscopie(7-8).
Parcours de soin du patient
Il n’y a actuellement pas de recommandations concernant le temps de surveillance après TAVI et l’on constate de grandes disparités d’un centre à l’autre en France sur la durée d’hospitalisation(9). Dès 2015, notre équipe a démontré la faisabilité d’une sortie rapide (dans les 3 jours) dans près de 80 % des cas et nous n’avons pas observé d’augmentation de la mortalité ou des réadmissions dans les 30 jours(10). En effet, la plupart des complications surviennent dans les premières heures après l’intervention (saignements, complications vasculaires, accidents vasculaires cérébraux). Le principal frein à une sortie précoce concerne la gestion des troubles conductifs, qui restent actuellement la complication la plus fréquente après un TAVI. Afin de minimiser leur impact sur les durées de séjour, un algorithme a d’ailleurs été proposé(11). Il permet de classer les patients en 5 groupes selon leur ECG initial et celui obtenu immédiatement après la procédure et de standardiser la prise en charge. À titre d’exemple, dans les cas où il n’y a pas de modification ECG après la procédure ni de bloc de branche droit préexistant (50 % des patients environ), une sortie à la 24e heure post-TAVI peut s’envisager sans surrisque pour le patient. Dans les autres cas, une télémétrie est recommandée pendant 48 heures. En l’absence de trouble conductif de haut degré et si la largeur des QRS est inférieure à 150 ms et/ou si l’espace PR est inférieur à 240 ms, il n’est pas nécessaire de poursuivre la télémétrie au-delà de 48 heures car le risque de trouble conductif retardé devient très faible(11).
Par ailleurs, la plupart des patients étant âgés, il est également important de prendre en compte l’autonomie du patient et de veiller à la préserver au cours de l’hospitalisation avec un lever précoce à partir de la 4-6e heure avec mise au fauteuil et déambulation rapide.
IMPACT MÉDICO-ÉCONOMIQUE DU TAVI SIMPLIFIÉ
Dans le contexte actuel d’élargissement des indications, d’augmentation du nombre de procédures, et des contraintes en termes de ressources médicales et paramédicales, il est impératif d’optimiser la technique du TAVI. Le TAVI simplifié permet d’y répondre et de diminuer la durée d’hospitalisation, les ressources médicales et paramédicales et le coût du TAVI. Plusieurs études utilisant des appariements/scores de propension ont en effet étudié l’impact économique de cette approche minimaliste et on estime la baisse des coûts d’environ 15 à 20 %(12-14). L’approche minimaliste nécessite cependant une organisation structurelle. L’étude française randomisée multicentrique FAST-TAVI II, émanant du programme de recherche du RHU STOP-AS, évalue la sécurité et l’efficacité d’un programme d’éducation des centres au « TAVI simplifié » et dont les résultats définitifs sont en cours de publication devrait permettre de valider plus encore cette approche.
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :