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La lettre du GACI

Publié le 20 jan 2023Lecture 11 min

La lettre du GACI

Bureau du GACI

La cardiologie interventionnelle est une spécialité extraordinaire par son service rendu aux patients, mais aussi son dynamisme, son évolution rapide et sa richesse en innovation.

La parole au président De nouvelles thérapeutiques viennent répondre à l’attente de certains patients qui étaient dans une impasse thérapeutique. Par exemple, le réducteur de sinus coronaire, qui permet de soulager des patients coronariens entravés par un angor invalidant sans ressource de revascularisation. Nous avons la chance d’avoir un remboursement pour ce réducteur de sinus coronaire pour 1 an, peut-être 2, voire définitif, mais pour cela, il est impératif de montrer à nos tutelles le sérieux de notre communauté en remplissant le registre de manière exhaustive. Aujourd’hui, 25 centres ont implanté 105 patients mais seulement 31 patients sont inclus dans le registre France REDUCER. Nous risquons de perdre l’opportunité qui nous est offerte par les tutelles de pouvoir évaluer des innovations avec un remboursement temporaire. Je rappelle que c’est la première fois en France que nous procédons de la sorte. Nous comptons sur vous pour traiter vos patients et remplir les registres. Il en est de même pour les autres techniques comme le MitraClip® avec le registre MITRAGISTER où le nombre d’implantations s’écarte du nombre d’inclusions (figure). Il est de notre responsabilité de faire mieux pour le bien de tous.   Notre périmètre d’activité ne cesse de croître avec au premier plan toute l’activité structurelle (TAVI, MitraClip®, TriClip®, fermeture d’auricule, fermeture de PFO, etc.), mais aussi l’angioplastie périphérique et le traitement interventionnel de l’hypertension résistante. Le large champ de l’imagerie cardiaque est de plus en plus pratiqué par des cardiologues interventionnels ce qui s’inscrit dans une logique de gestion d’organe. Vous pourrez lire dans l’article qui suit le souhait de certains cardiologues d’ouvrir encore le champ d’activité vers la thrombectomie cérébrale et l’angioplastie pulmonaire pour répondre à un vrai besoin de santé publique. Cette ouverture semble d’ailleurs plaire aux plus jeunes mais nous devons prêter attention à deux choses principales : – d’une part, le faire dans une concertation et coopération multidisciplinaire, dans un environnement adapté avec une logique territoriale ; – d’autre part, garder à l’esprit que nous devons répondre aux besoins de notre corps de métier : coronarographies, angioplasties coronaires et cardiologie interventionnelle structurelle. L’activité d’urgence coronaire doit être une priorité absolue. Nous devrons dans les prochaines années renouveler une importante partie de la profession et malheureusement nous ne sommes pas certains d’avoir un bilan démographique positif. Nous devrons donc avoir une véritable réflexion sur le périmètre de notre profession en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. De plus, nous devons être impliqués dans le rayonnement de notre spécialité pour donner aux plus jeunes l’envie de se joindre à nous malgré les contraintes parfois pénibles de notre profession. Hakim Benamer Président du GACI Aux frontières de la cardiologie interventionnelle   Le métier de cardiologue interventionnel est en évolution perpétuelle. Historiquement centré autour de l’angioplastie coronaire, le périmètre de notre spécialité s’est progressivement et grandement élargi au cours des dernières années. La session GACI organisée lors du dernier congrès du GRCI 2022 était justement positionnée aux frontières de la cardiologie interventionnelle. Ainsi, trois sujets exposant à des enjeux de santé publique, ont été présentés : • le TAVI et sa problématique : qui doit faire cette intervention et où peut-on la faire (Pr Eric Van Belle) ? • la thrombectomie cérébrale (Dr Paul Barsoum) ; • l’angioplastie pulmonaire (Pr Emile Ferrari). Nous vous proposons un résumé dans les lignes qui suivent. En préambule, le Dr Alexandre Gautier, l’un des cardiologues interventionnels qui accompagne le bureau du GACI, a rapporté les résultats d’une enquête effectuée en amont du congrès sur ces trois thématiques. Il ressort que sur un échantillon de 80 praticiens, d’âge moyen 37 ans, ayant répondu : – 74,5 % sont en faveur de l’ouverture très réglementée de nouveaux centres TAVI sans chirurgie cardiaque sur place ; – 73,8 % sont intéressés par la thrombectomie cérébrale et souhaiteraient pouvoir se former ; – 72,1 % sont intéressés par l’angioplastie pulmonaire dans la prise en charge de l’hypertension pulmonaire chronique postembolique avec un désir de formation.   Pourquoi le TAVI doit rester à la cardiologie interventionnelle ?   Avec l’avènement du remplacement valvulaire aortique transcathéter (TAVI), les chirurgiens cardiaques ont élargi leur pratique avec un virage pour réaliser également des interventions valvulaires percutanées. La législation actuelle impose la présence d’un cardiologue interventionnel pour toute intervention TAVI réalisée par voie transfémorale. Cela paraît en effet justifié pour de nombreuses raisons. Du fait de sa formation, le cardiologue interventionnel possède une forte expérience des techniques endovasculaires avec abords percutanés, de l’environnement de travail en salle de cathétérisme avec le maniement de l’arceau de fluoroscopie et de la bonne utilisation des rayons X. D’autre part, le TAVI s’est grandement simplifié au cours des dernières années : moins de moyens humains avec des équipes entraînées, des voies d’abords vasculaires moins nombreuses et moins invasives, l’absence de bénéfice à recourir à une salle hybride dans le registre France TAVI, des prothèses plus efficaces. Cette procédure tend donc à devenir « angioplastie-like ».   De nouveaux centres TAVI doivent-ils être ouverts pour répondre à la demande dans certaines régions ?   L’élargissement du TAVI aux centres ne disposant pas de chirurgie cardiaque sur place est une question délicate qui ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté cardiologique. Cependant, des signaux d’alerte sont remontés de certaines régions dans lesquelles a été constaté un allongement significatif des délais pour les patients éligibles à un TAVI, préjudiciable pour le patient. Pour exemple, la ville de Rouen rapporte un délai moyen de 146 jours pour la réalisation d’un TAVI en 2022 avec plus d’une dizaine de patients décédés sur liste d’attente. Il apparaît donc logique de mettre cela en balance avec les risques intrinsèques de la procédure, notamment les taux de conversion chirurgicale et de décès. D’après les données du rapport HAS 2020, le taux de conversion chirurgicale était de seulement 0,3 % en 2018 avec au premier rang la rupture d’anneau et la perforation du ventricule gauche sur guide. D’autre part, parmi les quelques patients opérés en urgence, le taux de mortalité était de 46 % en intrahospitalier et de 78 % à 1 an(1). Autrement dit, les complications graves sont devenues très rares et en cas de conversion chirurgicale le pronostic est très péjoratif. La mise en place d’un registre prospectif national semble donc incontournable pour préciser les besoins par inter-régions en collectant les délais moyens avant un TAVI et le taux de décès sur liste d’attente. L’éventuelle ouverture de nouveaux centres TAVI devra évidemment être soumise à une réglementation pour garantir le maintien d’un bon niveau d’expertise.   La thrombectomie cérébrale à la phase aiguë de l’AVCi : un rôle à jouer pour le cardiologue interventionnel   L’accident vasculaire cérébral ischémique (AVCi) est un problème de santé publique majeur du fait de sa fréquence et la lourde morbimortalité à laquelle il expose. Chaque année en France environ 130 000 personnes sont victimes d’un AVC soit une toutes les 4 minutes avec une incidence en constante augmentation de 5 % par an. Près de 30 % des patients décèdent des suites dans l’année et un tiers des survivants gardent un handicap majeur entraînant un coût important pour la société. La revascularisation cérébrale à la phase aiguë de l’AVCi est l’enjeu majeur de la prise en charge avec une fenêtre thérapeutique de 4 h 30 par rapport au début des symptômes. Jusqu’en 2015, le traitement reposait uniquement sur la thrombolyse intraveineuse (IV). Puis en 2015 à la suite de grands essais thérapeutiques positifs, la thrombectomie mécanique (TM) est devenue le nouveau traitement de référence des AVCi en association avec la thrombolyse IV. Ce traitement combiné permet en effet une amélioration significative du handicap post-AVC comparativement à la thrombolyse IV seule. Tous les AVCi pris en charge à moins de 6 heures du début des symptômes associés à une occlusion artérielle proximale visualisée en imagerie cérébrale (angio-TDM ou IRM) sont désormais éligibles à un traitement par TM(2). Cette technique consiste à recanaliser l’artère cérébrale occluse à l’aide d’un dispositif de capture du caillot introduit par voie artérielle sous contrôle radioscopique (figure 1). La TM peut être réalisée d’emblée en association avec la thrombolyse intraveineuse (IV), en technique de recours après échec de thrombolyse IV ou seule en cas de contre-indication à la thrombolyse IV.   La HAS a considéré que l’amélioration du service attendu de la TM était importante (niveau II) conduisant à la prise en charge de l’acte par l’Assurance maladie en 2017. La thrombectomie cérébrale représente un projet institutionnel avec un souhait des Agences régionales de santé de délivrer l’autorisation de pratique à de nouveaux centres. Les conditions à remplir pour avoir l’autorisation de pratiquer la TM sont la présence d’un environnement spécialisé avec unité neurovasculaire et un neurologue de garde sur place ainsi qu’un minimum de 60 TM annuelles par centre (Arrêté du 10 janvier 2022- article R. 6123-110 du code de la santé publique). Environ 7 000 TM sont pratiquées chaque année en France par les neuro-radiologues interventionnels (NRI) répartis dans 37 centres, ce qui est bien en dessous des besoins théoriques des 20 000 TM par an. Il existe donc actuellement une perte de chance pour certains patients qui ne peuvent bénéficier d’une revascularisation cérébrale efficace. L’ouverture de nouveaux centres implique à la fois un investissement humain avec la formation de nouveaux praticiens pour assurer l’astreinte mais également un investissement matériel avec des salles de cathétérisme adaptées. Du fait du nombre d’actes annuel par centre plutôt faible (50 à 100), il est évident qu’une activité de TM exclusive n’est pas rentable et doit s’intégrer dans une activité plus large d’actes programmés. Devant une telle inadéquation entre les besoins et l’offre à l’échelle nationale, la question d’élargir la pratique de TM aux cardiologues interventionnels semble légitime. Premièrement du fait de l’expertise des cardiologues pour réaliser des actes endovasculaires avec abord artériel notamment la recanalisation coronaire à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde, et deuxièmement du fait de la présence de très nombreuses salles de cathétérisme cardiaque (207 centres) avec un maillage territorial adapté pour une prise en charge rapide des patients (< 2 heures). D’autre part, le cardiologue participe déjà à la prise en charge secondaire des AVCi dans le cadre des bilans étiologiques cardio-emboliques ainsi que pour la réalisation des procédures visant à prévenir les récidives : fermetures percutanées de foramen ovale perméable et de l’auricule gauche, angioplasties carotidiennes. Afin de répondre aux besoins à venir, dans son dernier rapport de 2018, la HAS propose d’élargir la TM aux radiologues non NRI et à d’autres spécialités médicales (neurologues, neurochirurgiens puis, en cas de besoins insuffisamment couverts, aux cardiologues interventionnels), en passant par une formation spécialisée transversale (FST) dédiée(3). Cette activité devra évidement se faire en coopération avec les neuro-radiologues et neurologues interventionnels. Plusieurs pays (Allemagne, Pologne, États-Unis) ont déjà évalué la pratique de la TM par les cardiologues.   L’angioplastie pulmonaire au ballon pour le traitement de l’HTP-TEC   En France, environ 35 000 cas d’embolie pulmonaire (EP) sont traités chaque année. Dans la majorité des cas la régression du thrombus de l’artère pulmonaire est complète sans séquelle mais dans de rares cas (< 1 %) des patients gardent une obstruction fibrotique qui se complique d’une hypertension pulmonaire thromboembolique chronique (HTP-TEC). La prévalence de cette forme d’hypertension pulmonaire est de l’ordre de 38 cas par million d’habitants mais semble largement sous-estimée. Par ailleurs, la moitié des HTP-TEC n’ont pas d’antécédent d’EP cliniquement symptomatique. L’HTP-TEC est définie par une pression artérielle pulmonaire moyenne supérieure à 20 mmHg avec des résistances vasculaires pulmonaires élevées, une scintigraphie pulmonaire anormale avec la présence d’au moins un défaut de perfusion et une occlusion artérielle pulmonaire objectivée sur une angiographie pulmonaire et/ou un angioscanner thoracique. La présentation clinique est une dyspnée d’effort puis au stade plus évolué l’apparition de signes d’insuffisance ventriculaire droite. Il existe trois options thérapeutiques pour les patients dont le choix se fait à l’issue d’une réunion pluridisciplinaire : • l’endartériectomie pulmonaire chirurgicale ; • l’angioplastie pulmonaire au ballon ; • le traitement médical seul par riociguat (stimulateur de la guanylate cyclase). Les nouvelles recommandations conjointes des Sociétés européennes de cardiologie et de pneumologie (ESC/ERS) publiées en 2022 placent l’endartériectomie chirurgicale comme le traitement de choix (classe I) de l’HTP-TEC dès que les artères pulmonaires sont accessibles à une chirurgie(4). Néanmoins, l’évolution notable est surtout représentée par l’élévation du niveau de recommandation du traitement interventionnel par angioplastie pulmonaire au ballon qui devient également classe I. Cette technique est maintenant recommandée en cas de patients inopérables, d’HTP résiduelle après endartériectomie ou d’obstruction pulmonaire distale (figures 2 et 3).   Une autre entité clinique, apparue dans ces recommandations, est la maladie pulmonaire thromboembolique chronique mais sans HTP pour laquelle l’endartériectomie chirurgicale ou l’angioplastie pulmonaire peuvent être considérées (classe IIa). Cette forme clinique sans HTP concerne près d’un tiers des patients après une EP et doit être recherchée en cas de symptômes persistants à distance. Plusieurs données ont montré l’efficacité de l’angioplastie pulmonaire comparée au traitement médical seul par riociguat, notamment une étude randomisée récente parue dans le journal The Lancet Respiratory Medicine(5). Bien que le gold standard reste actuellement l’endartériectomie pulmonaire chirurgicale pour le traitement de l’HTP-TEC, l’angioplastie pulmonaire au ballon prend donc une place de plus en plus importante dans l’algorithme thérapeutique (figure 4).   Actuellement, elle est indiquée surtout en technique de recours pour les échecs chirurgicaux mais au Japon elle est déjà devenue la technique privilégiée en première intention. Une étude randomisée comparant directement l’angioplastie pulmonaire à l’endartériectomie est en cours (NCT05110066). Bien que l’HTP-TEC soit une maladie plutôt rare, elle est probablement sous-estimée, la maladie pulmonaire thromboembolique chronique sans HTP est en revanche plutôt fréquente après une EP. L’angioplastie pulmonaire pratiquée par quelques cardiologues interventionnels en France dans seulement 3 centres, n’offre qu’une couverture du territoire très insuffisante. Par conséquent, l’ouverture de nouveaux centres et la formation de nouveaux praticiens est incontournable. En raison de sa connaissance de la maladie thromboembolique, de son expertise en cathétérisme cardiaque et en angioplastie artérielle, le cardiologue interventionnel a les compétences pour répondre à ce besoin.

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