publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Polémique

Publié le 20 déc 2017Lecture 6 min

La CTO…

Elodie BLICQ, Jean-Louis GEORGES, Centre hospitalier de Versailles-Le Chesnay

La CTO… Certes ça fait rêver, ça fait progresser le matériel et la technique des cardiologues interventionnels, ça peut améliorer la qualité de vie, mais ça n’augmente pas l’espérance de vie et ça peut tuer.

L’occlusion coronaire chronique (CTO) est définie comme l’obstruction complète (flux TIMI 0) d’un segment coronaire datant d’au moins 3 mois. Ces occlusions ne sont pas rares et représentent 20 % des lésions constatées lors des coronarographies(1). La prise en charge des patients porteurs de ces occlusions est un sujet très discuté actuellement. Il est important de respecter les règles dites « classiques » : faire le diagnostic de la maladie coronaire avec mise en évidence d’une CTO ; évaluer la sévérité de la maladie coronaire en tenant compte de la fraction d’éjection, du mode d’entrée dans la maladie (angor stable ou syndrome coronaire aigu) ; avoir une preuve d’ischémie significative (> 10 % dans le territoire de la lésion en scintigraphie myocardique ou > 3/17 segments en échocardiographie de stress ou > 4/32 segments en IRM de perfusion), et/ou la présence de symptômes (classe IIaB) ; évaluer la possibilité de revasculariser ou non, et si oui par quels moyens (chirurgie, angioplastie) (J-CTO score, Euroscore, score SYNTAX). Le bénéfice attendu : les hypothèses En théorie, la CTO devrait : – diminuer la mortalité ; – améliorer les symptômes ; – diminuer l’ischémie myocardique ; – augmenter la fraction d’éjection du ventricule gauche ; – promouvoir une revascularisation complète ; – améliorer la qualité de vie. En pratique Les données cliniques actuelles sont controversées. Aucune étude n’a montré d’amélioration de la morbi-mortalité. • CTO et angor stable La métaanalyse de Stergiopoulos(2) reprenant 5 études et plus de 5 286 patients qui ont bénéficié d’une angioplastie pour CTO dans le cadre d’un angor stable avec une ischémie prouvée sur un suivi à 5 ans ne montre pas de supériorité de la CTO par rapport au traitement médical (tableau 1). D’après K. Stergiopoulos et coll. JAMA Intern Med 2014 ; 174 : 232-40. • Angioplastie de CTO versus optimisation du traitement médical L’étude randomisée « Evaluate the Utilization of Revascularization or Optimal medical therapy for the treatment of Chronic Total coronary Occlusions » (EUROCTO)(3) comparant la revascularisation par angioplastie (PCI) des CTO versus un traitement médical optimal (OMT) avec un paramètre clinique comme la mortalité toutes causes à 3 ans n’a pas montré de supériorité de l’angioplastie versus l’OMT. L’autre étude randomisée très attendue « DES Implantation Versus Optimal Medical Treatment in Patients with Chronic Total Occlusion » (DECISION-CTO)(4) comparant la revascularisation par PCI versus traitement médical optimal est une étude de supériorité de la revascularisation avec un critère primaire composite (mortalité toutes causes, infarctus du myocarde, AVC non fatal et toute revascularisation sur 3 ans). Cette étude a été arrêtée prématurément pour difficultés de recrutement (815 patients au lieu de 1 284) et seule une non-infériorité a été montrée entre les deux groupes. De plus, l’existence d’une CTO associée à une occlusion récente dans le cadre d’un STEMI est un facteur péjoratif. À ce jour, la revascularisation systématique par angioplastie de ces CTO n’a pas montré d’amélioration du pronostic(5). • Succès versus échec d’angioplastie On parle d’échec car contrairement à l’angioplastie des non-CTO (lésion de novo, resténose intra-stent), il y a un pourcentage d’échecs et de complications non négligeables. Une métaanalyse de 65 études(6), 2000-2011, 18 061 patients, 18 941 vaisseaux CTO comparant le succès versus l’échec après angioplastie ne semble pas en faveur de la revascularisation des CTO avec un taux de complications (tamponnade [2 %], perforation [10 %], décès [1,5 % de mortalité opératoire per-procédurale]) plus important dans le groupe angioplastie (tableau 2). Il est important d’avoir à l’esprit ces données et ces chiffres de complication lorsque l’on explique à un patient la procédure. * ECVM : Événement cardio-vasculaire majeur D’après V.S. Patel et coll. JACC Cardiovasc Interv 2013 ; 6(2) : 128-36. D’autres données ne sont pas plus enthousiasmantes : lorsque le taux de troponine post-procédure(7) est augmenté (même si aucun événement clinique n’a été constaté), il s’avère que plus ce taux est élevé, plus le risque de complications, (y compris tardives) est important (figure 1). Figure 1. Valeur pronostique du taux de troponine post-procédure, d’après LO. Nathan et Coll. JACC Intv 2014 ; 7(1) ; 47-54. Il n’y a pas de différence significative concernant les événements à long terme chez les patients n’ayant pas eu de complications hospitalières. En effet, le taux de mortalité est équivalent, qu’il y ait échec ou succès d’angioplastie lors d’une CTO(8) (figure 2). De plus, les nouvelles techniques, notamment la voie rétrograde, augmentent de 10 % le taux d’IDM périprocédural. La technique de réentrée est associée à un taux de réocclusion plus élevé. Les critères prédictifs de mortalité après tentative d’angioplastie de CTO sont une insuffisance rénale, une altération de la FEVG, un diabète, les patients asymptomatiques et les échecs de revascularisation. Dans la littérature, les patients « non angineux » ont un taux de mortalité supérieur aux patients « angineux »(9). Figure 2. Résultats à long terme chez les patients sans complications hospitalières, d’après A. de Labriolle et coll. Am J Cardiol 2008 ; 102 : 1175-81. • Risques liés à l’irradiation et à la néphrotoxicité Les angioplasties de CTO sont des procédures longues (souvent 4 h), complexes, délivrant des doses moyennes de rayons importantes au patient et aux équipes de cardiologie interventionnelle en salle, en premier lieu à l’opérateur. Dans un centre de référence à haut volume, avec les moyens d’optimisation coordonnés par un radiophysicien(10), les angioplasties de CTO délivraient une dose d’irradiation triple par rapport aux angioplasties habituelles réalisées en France (produit dose surface médian de 172 Gy.cm2 pour les PCI de CTO, et de 45 Gy.cm2 pour l’ensemble des PCI dans l’enquête nationale RAY’ACT-2(11). De plus, les doses sont 5 à 6 fois supérieures pour les angioplasties de CTO réalisées par voie rétrograde par rapport à la voie antérograde. Le risque de radiodermite ou de radionécrose gravissime pour les patients traités par angioplastie de CTO est réel (photo)(12). Dans l’étude de Maccia et coll., 25 % des angioplasties de CTO ont délivré un air kerma total > 5 900 mGy(10). Rappelons que l’air kerma total calculé au point de référence interventionnel est un reflet assez fidèle de la dose reçue à la peau par le patient, et que selon les recommandations HAS/ASN, les patients qui ont reçu un air kerma total > 5 000 mGy doivent être informés, sensibilisés à la possible survenue de lésions cutanées dorsales, et surveillés médicalement dans les 3 mois suivant la ou les procédures(12). Ces procédures nécessitent souvent une quantité d’iode importante avec un risque de néphrotoxicité élevé. Une équipe formée avec un matériel dédié est indispensable. Photo. Radionécrose post-angioplastie de CTO répétée(12). A : radionécrose chronique à 3 ans d’évolution après radiologie interventionnelle cardiaque. B : couverture par lambeau musculo-cutané de grand dorsal. Quelques données positives… Les patients ayant bénéficié d’une revascularisation d’une CTO ont une amélioration de leur qualité de vie(13) (figure 3). Le coût d’une angioplastie de CTO serait moins important qu’un traitement médical optimal au long cours ou qu’une revascularisation chirurgicale(14). Figure 3. Effet d’une recanalisation de CTO réussie vs en échec sur l’angor résiduel/récurrent dans le suivi, d’après D. Joyal et coll.Am Heart J 2010 ; 160(1) : 179-87. Conclusion L’angioplastie de CTO, pourquoi pas mais en respectant les règles suivantes : • évaluer honnêtement les chances réelles de succès par voie antérograde, il faut évaluer les risques d’échec ; si ceux-ci sont trop élevés, il ne faut pas tenter… ; • évaluer les risques de complications : néphrotoxicité, dose de rayons X, risques liés au geste de revascularisation : perforation… ; • ne pas aborder une angioplastie de CTO ad hoc… ; • aborder une angioplastie de CTO uniquement si : – le patient est symptomatique sous traitement médical optimal, – le patient est asymptomatique mais présente une large zone d’ischémie, – les « CTO paraissent angiographiquement faisables » par voie antérograde avec très grande chance de succès (90 %).

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  •  
  • 1 sur 10