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Focus

Publié le 05 oct 2021Lecture 6 min

Santé mobile et arythmies

Cyril ZAKINE, Saint-Cyr-sur-Loire

Le terme santé mobile (mHealth) a été inventé par Robert Istepanian en 2005 pour désigner « l’utilisation des communications mobiles émergentes en santé publique ». La santé mobile fait référence à des applications et des capteurs dédiés, intégrés ou complémentaires aux appareils de communication mobiles, qui permettent aux utilisateurs de surveiller, de collecter ou encore partager des données physiologiques et de santé. Les applications sont nombreuses : diagnostic, aide à la décision, gestion de la maladie, observance médicamenteuse et recherche clinique.

En rythmologie, le développement de la santé mobile, avec l’émergence et la généralisation des outils connectés, est source d’opportunités dans la prise en charge de nos patients et de défis à relever. Technologies de santé mobile en rythmologie L’atout majeur est l’élargissement de la fenêtre temporelle dans laquelle les informations peuvent être recueillies par rapport aux enregistrements Holter classiques. Il existe deux modes opératoires : l’enregistrement direct de tracés ECG et les techniques indirectes sans utilisation de l’ECG. La majorité des algorithmes sont orientés vers le dépistage de la fibrillation atriale (FA). Dépistage basé sur l’ECG Il s’agit en particulier de solutions non portables couplées au smartphone qui permettent d’effectuer un « contrôle ponctuel » d’une bande ECG mono ou multidérivations généralement d’une durée maximale de 30 secondes (figure). Les électrodes sont situées sur le boîtier d’une montre connectée (Apple Watch, Samsung Watch3 ou Withings ECG), un bracelet (Kardia Band) ou sur un boîtier (Kardia Mobile). Figure. Tracé de tachycardie jonctionnelle résolutive mais symptomatique enregistré par le patient. L’ECG est analysé par une solution d’intelligence artificielle (IA), la reconnaissance de la FA étant généralement basée sur l’irrégularité de l’intervalle RR, l’enregistrement étant ensuite classé en « FA possible », « normal » ou « illisible » s’il y a trop d’artéfacts. La sensibilité et la spécificité dépendent du logiciel, de la population étudiée, et de la prévalence de la FA dans la population. Pour exemple, dans l’étude de Bumgartner et al.(1), sur 169 ECG et tracés Kardia Band simultanés réalisés, la sensibilité et la spécificité étaient de 93 % et 84 % respectivement. Il existe d’autres applications de ces outils telles que la mesure du QT, la surveillance du segment ST en cas d’ischémie… mais non validés à ce jour. Dépistage non basé sur l’ECG La photopléthysmographie (PPG) est une technologie déjà très répandue sur de nombreux appareils grand public. Elle repose sur l’analyse de l’onde de pouls à l’aide d’une source lumineuse et d’un photodétecteur. Il est ainsi possible grâce à un algorithme automatisé de détecter des épisodes de FA en cas d’irrégularité du rythme. Les avantages de la PPG sont notamment d’éviter les artéfacts de mouvement des capteurs ECG et la possibilité de réaliser une surveillance de manière passive, via des montres connectées notamment. Il existe également des applications sur smartphone faisant appel à cette technologie pour mesurer la fréquence cardiaque à partir de l’onde de pouls au bout du doigt. Il a été prouvé que les performances des algorithmes interprétant ces signaux PPG sont concordantes avec les bandes de rythme ECG(2). Plus récemment, la PPG vidéo sans contact a fait l’objet d’études préliminaires et pourrait, à partir d’une vidéo, devenir un outil intéressant de dépistage basé sur l’irrégularité de la perfusion faciale pulsatile. Un tel système qui utilise des appareils mobiles avec des caméras déployées pourrait changer l’approche du dépistage de la FA avec une démarche à grande échelle, sur plusieurs individus à la fois. Applications Dépistage de FA dans la population générale Sachant qu’il a été démontré que l’identification précoce de la FA peut réduire la morbidité et éventuellement la mortalité, la santé mobile devient dès lors un outil précieux dans le dépistage de la fibrillation atriale. On dénombre près de 500 études évaluant la précision des dispositifs mHealth pour la détection de la FA, parmi lesquelles deux études de dépistage à grande échelle : Apple(3) et Huawei Heart Study(4). Cependant, l’effet de ce dépistage de FA sur des critères d’évaluation stricts (AVC/décès) reste encore inconnu. Concernant l’AVC ischémique, jusqu’à un tiers de ceux-ci pourraient être attribués à une FA emboligène(5). Dans le cadre du dépistage, les enregistreurs ECG mHealth peuvent faciliter des relevés brefs et fréquents sur des périodes prolongées grâce à l’omniprésence des objets ou montres connectés. Cependant, il faut savoir qu’un contrôle ECG quotidien avec des technologies portables peut manquer la moitié des épisodes de FA(6). L’utilisation de montres intelligentes avec surveillance intermittente passive utilisant la PPG associée à une confirmation ECG pourrait alors être un outil de dépistage plus efficace et est en cours d’évaluation. Traitement de la FA La santé mobile va permettre de diagnostiquer précocement des épisodes d’arythmie chez des patients asymptomatiques. Toutefois, bien qu’un diagnostic accidentel de FA semble être associé à un risque accru d’AVC(7), le rapport bénéfice/risque d’une anticoagulation pour FA détectée par dépistage à grande échelle nécessite une évaluation. Des essais cliniques sont toujours en cours (HEARTLINE), mais pour le moment, il n’existe pas encore de consensus sur la façon de traiter ces arythmies, même en cas de score CHA2DS2VASc élevé. De la même manière, après une ablation de FA, l’interruption d’une anticoagulation encadrée par une surveillance du rythme cardiaque via les objets connectés semble séduisante mais n’est pas validée. En cas de stratégie de contrôle de fréquence, la santé mobile est un outil intéressant pour surveiller de manière prolongée la cadence ventriculaire en FA et apprécier les effets des thérapies. Défis futurs à relever Les solutions de santé numérique ne sont pas encore reconnues comme faisant naturellement partie de la gestion quotidienne des problèmes de santé. Ainsi, les appareils mHealth sont disponibles sans ordonnance, commercialisés directement auprès des consommateurs, sans permettre aux soignants d’intervenir. Il est nécessaire d’encadrer l’émergence des technologies de santé mobile, validées, intégrées dans un parcours de soin identifié avec une mise en œuvre précisée, et une définition de l’autogestion par le patient et de la place du fabricant(8). Pour le praticien, un enjeu majeur est la gestion de ce flux de données : de la quantité d’informations, chez des patients parfois asymptomatiques, et de leurs implications thérapeutiques. À ce jour, les données recueillies sont considérées en « prédiagnostic » et impliquent une analyse ou un examen par un clinicien. La popularité croissante des montres intelligentes peut aussi augmenter les diagnostics faussement positifs d’arythmies, en particulier chez les utilisateurs ayant une faible prévalence de maladies cardiovasculaires, avec pour conséquence une multiplication de consultations, possiblement génératrices d’examens inutiles ou de mise en route de traitements inappropriés. Il faut enfin être sensible aux risques liés à la cybersécurité. L’interconnexion des dispositifs médicaux et des données cliniques promet de faciliter les soins cliniques mais crée également des opportunités d’intrusions par des acteurs malveillants. Conclusion ▫ Les technologies de santé mobile sont très prometteuses pour la détection des arythmies, notamment en cas de palpitations. Les restrictions d'accès aux soins pendant la pandémie de SARS-Cov-2 ont accéléré l'adoption de solutions mHealth dont la place en pratique clinique reste à valider et préciser à partir des nombreux essais en cours.

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