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Mise au point

Publié le 30 sep 2016Lecture 5 min

Les modes de stimulation : un avant et un après l’étude ANSWER ?

S. BOVEDA, Département de rythmologie, Clinique Pasteur, Toulouse

Il y a 2 ans l’European Heart Journal publiait les résultats principaux de l’étude ANSWER portant sur la réduction de la stimulation ventriculaire au sein d’une population non sélectionnée de patients porteurs d’un stimulateur cardiaque(1).

Alors que la plupart des études déjà publiées portaient essentiellement sur des patients atteints de dysfonction sinusale (DS)(2), ANSWER portait sur l’ensemble des indications éligibles à la pose d’un stimulateur cardiaque et comportait pour moitié des patients atteints de DS et pour l’autre moitié des patients avec blocs atrioventriculaires (BAV).

Cette cohorte de 650 patients inclus et randomisés en 2 bras en fonction du mode de stimulation (SafeR vs DDD) a été suivie pendant 3 ans. Le mode de stimulation SafeR, développé par Sorin/Livanova, permet d’éviter une stimulation ventriculaire droite inutile et potentiellement délétère, en favorisant le plus possible la conduction auriculoventriculaire native (équivalent de stimulation AAI), tout en garantissant l’absence de pause ventriculaire majeure par une commutation immédiate et automatique sur le mode DDD(3). L’un des intérêts de l’étude ANSWER est d’avoir proposé l’utilisation de ce mode SafeR dans une population de patients implantés, pour un certain nombre d’entre eux, en raison de troubles de conduction de haut degré. Nous pouvons, à travers les publications de cette étude(1) tirer quelques enseignements intéressants pour la population tout-venant de patients implantés. L’indication d’implantation… Le mode de diagnostic « SafeR » a permis, dans le groupe des patients programmés sur ce mode, d’une part, de préciser les troubles de la conduction (gravité des BAV) immédiatement après l’implantation, d’autre part, de suivre l’évolution de ces troubles dans le temps. Ainsi, plus de 25 % des patients implantés pour DS ont un espace PR supérieur à 230 ms, tandis que ce pourcentage augmente, logiquement, jusqu’à 50 % pour les BAV. Les intervalles PR longs ne concernent pas seulement les BAV du 1er degré (BAV1), mais une très large partie des patients atteints de BAV (figure 1). Ce mode montre par ailleurs que l’étiologie des troubles de conduction auriculoventriculaire est complexe et évolutive dans le temps, en particulier chez certains patients atteints de DS, pour lesquels le traitement de la fibrillation atriale, par exemple, est susceptible d’allonger l’espace PR. Autre fait remarquable, les BAV diagnostiqués comme permanents ne le sont pas dans la plupart des cas (moins de 6 % des BAV sont effectivement des BAV permanents au sein de la population implantée dans cette étude) (figure 1). Figure 1. Troubles de conduction atrioventriculaires (en pourcentage de temps passé en DDD, suivant les critères de l’algorithme SafeR : BAV1, BAV2, BAV3 et pause) par indications de stimulation. Éviter de stimuler le ventricule… Au sein de cette population de patients stimulés, les études suggèrent de réduire la stimulation ventriculaire pour préserver au mieux la conduction auriculoventriculaire physiologique. L’algorithme SafeR a démontré dans l’étude ANSWER qu’il pouvait le faire chez les patients atteints de DS, mais également qu’il pouvait réaliser cet objectif chez les patients implantés pour BAV, sans entraîner de risque de syncope ou de mauvaise tolérance de ce mode de stimulation(3). Mais pas toujours… L’impact de la réduction de la stimulation ventriculaire sur l’incidence de fibrillation atriale (FA) a été confirmé dans l’ensemble de la population(4) mais surtout, ce qui est nouveau, chez les patients atteints de BAV(5) (figure 2). Les analyses d’ANSWER (tableau)(6) ont aussi permis de souligner une problématique déjà bien identifiée dans le cadre de l’étude DANPACE(2) et confirmée dans l’étude PreFER MVP(7) : les intervalles PR longs sont eux-mêmes susceptibles de favoriser la FA. Une conduction auriculo-ventriculaire physiologique est par conséquent souhaitable si tant est qu’elle soit encore suffisamment préservée. Il serait donc délétère de la maintenir si elle est trop détériorée. Il s’agit là précisément de l’un des enjeux des algorithmes de prévention de la stimulation ventriculaire que de savoir diagnostiquer des intervalles PR longs et d’autres troubles auriculo-ventriculaires pour adapter au mieux la thérapie. Figure 2. Survenue du premier épisode de FA chez les patients implantés pour BAV. Vers une stimulation ventriculaire raisonnée et adaptable… Une réduction de la stimulation ventriculaire « à la carte » est particulièrement nécessaire chez des patients avec fonction VG réduite mais pas effondrée (35 % < FE < 50 %) qui représentent environ 10 % des patients stimulés(8). En effet, la désynchronisation induite par la stimulation ventriculaire(9) est susceptible de générer ou aggraver l’insuffisance cardiaque(10). L’étude REPLACE(11) a montré que plus de la moitié de ces patients allaient présenter une décompensation cardiaque nécessitant l’implantation d’un stimulateur triple chambre, 3 ans seulement après la mise en place d’un stimulateur conventionnel. On est par conséquent en droit de se demander si ces patients avec fraction d’éjection réduite ne méritent pas plus d’attention en ce qui concerne le type de stimulateur et le mode de stimulation. Les études cliniques peuvent apparaître contradictoires : d’une part, ANSWER nous suggère de réduire la stimulation ventriculaire droite, d’autre part, l’étude BLOCK HF(12) nous incite à envisager plus tôt l’implantation d’un stimulateur triple chambre. Les patients ayant une FE < 50 % avec un bloc de branche gauche ne bénéficieront que modérément d’un algorithme destiné à éviter la stimulation ventriculaire : le bloc de branche de gauche induit par la stimulation ventriculaire droite est déjà préexistant. Dans ce contexte, l’implantation d’un stimulateur triple chambre paraît logique et en ligne avec les études qui montrent bien que les blocs de branche gauche sont les meilleurs répondeurs. Pour les autres patients, porteurs d’un QRS fin ou d’un trouble conductif ventriculaire autre qu’un bloc de branche gauche (ils sont nombreux dans l’étude BLOCK HF), les conclusions sont plus difficiles. Il faut faire appel à une étude ancillaire de MADIT-CRT(13) pour comprendre que l’intervalle PR joue là aussi un rôle clé : la resynchronisation est potentiellement délétère chez les patients hors bloc de branche gauche avec un intervalle PR court tandis qu’elle est bénéficiaire chez ce même groupe de patients dotés d’un intervalle PR long. Pour les premiers, il paraîtrait raisonnable de réduire la stimulation ventriculaire et, pour les seconds, il pourrait être préférable d’envisager une resynchronisation. Nos notions sur la stimulation cardiaque se sont singulièrement complexifiées depuis la publication des études les plus récentes. La durée de l’espace PR se révèle importante dans plusieurs études, suggérant que nos thérapies de stimulation s’y adaptent au mieux. Nous devrions donc y être attentifs pour certains de nos patients : « One size does not fit all »… Conflits d’intérêts : S. Boveda est consultant pour Medtronic, Boston Scientific et LivaNova. 

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