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Thrombose

Publié le 25 avr 2006Lecture 7 min

Thromboses des prothèses valvulaires : y a-t-il une place pour le traitement médical ?

R. ROUDAUT, hôpital cardiologique, CHU de BORDEAUX

Les thromboses des prothèses valvulaires représentent une complication rare, mais redoutable, des remplacements valvulaires. Les thromboses de bioprothèses sont rares mais toujours possibles, en particulier en phase postopératoire précoce lorsque la valve n’est pas encore endothélialisée ; les thromboses sont donc plutôt l’apanage des prothèses valvulaires mécaniques. Les prothèses mécaniques du cœur droit sont cependant les plus à risque et en ce qui concerne les valves du cœur gauche, les thromboses sont plus fréquentes au niveau mitral qu’au niveau aortique.

Sur le plan physiopathologique et clinique, on oppose : • les thromboses obstructives, caractérisées par un blocage d’un des éléments mobiles, qui sont en règle symptomatiques et peuvent à tout moment mettre en jeu le pronostic vital ; • les thromboses non obstructives, dominées par le risque thromboembolique. Le diagnostic de ces dysfonctions de prothèses valvulaires a largement bénéficié des techniques d’imagerie moderne, en particulier l’échocardiographie transthoracique, le radiocinéma de valve et l’échocardiographie transœsophagienne. Quant à la prise en charge, elle reste controversée et délicate car il s’agit de situations relativement rares pour lesquelles nous ne disposons pas, dans la littérature, d’études randomisées. Les recommandations publiées sont habituellement de niveau 1C ou 2 et basées sur l’expérience de quelques grands centres. Nous envisagerons donc successivement les thromboses non obstructives, puis les thromboses obstructives de prothèses valvulaires.   Les thromboses non obstructives Schématiquement, les thromboses non obstructives sont observées dans deux situations : • la phase postopératoire précoce, • à plus long terme, dans le cadre du suivi des prothèses. Le dénominateur commun de ces situations est bien souvent un défaut de l’anticoagulation.   Circonstances de découverte En phase postopératoire précoce, à la suite de M.-C. Malergue, de nombreux travaux en ETO, en particulier des équipes françaises, ont bien montré la fréquence des thromboses non obstructives en phase postopératoire précoce, après remplacement valvulaire mitral par une prothèse mécanique (tableau). Ces thromboses sont retrouvées dans la littérature dans 10 à 20 % des cas. Elles sont en général de petite taille, situées au niveau de l’anneau sur la face auriculaire de la valve (figure 1) ; elles peuvent être localisées ou, au contraire, disposées en anneau, sessiles ou pédiculées mobiles. Figure 1. Prothèse mécanique en position mitrale. Thrombus non obstructif sur la face auriculaire. En dehors de la phase postopératoire précoce, les thromboses non obstructives peuvent survenir à la faveur d’une insuffisance d’anticoagulation, phénomène fréquent du fait de la relative instabilité du traitement par antivitamine K chez certains patients. Cette instabilité peut être favorisée soit par un relais héparine-antivitamine K motivé par une intervention intercurrente, soit par une situation particulière comme la grossesse, une infection intercurrente, une antibiothérapie, etc.   La prise en charge La prise en charge d’une thrombose non obstructive est en première intention médicale et consiste en une optimisation de l’anticoagulation par de l’héparine, à fortiori si le degré d’anticoagulation au moment de la découverte du thrombus est insuffisant. En réalité, il faut opposer deux situations en fonction de la taille du thrombus : Lorsque le thrombus est volumineux et à fortiori pédiculé mobile (plus de 5 à 10 mm), la surveillance doit être étroite et renforcée. Il ne faut pas hésiter à envisager une chirurgie après échec du traitement médical bien conduit si l’ETO met en évidence une extension du thrombus. Si certains auteurs ont proposé la fibrinolyse dans cette situation, il semble difficile de la recommander chez des patients en général peu ou pas symptomatiques, compte tenu du risque emboligène d’un traitement par fibrinolytiques, évalué dans la littérature de l’ordre de 10 à 15 % avec possibilité de séquelles irréversibles. Lorsque le thrombus est de petite taille (< 5 mm), le traitement est médical. Il sera guidé par le niveau de l’anticoagulation. Si elle est insuffisante, on proposera un traitement par héparine et très souvent une association héparine/AVK. L’héparine pourra être interrompue lorsque l’INR cible sera obtenu, mais certains auteurs ont proposé de maintenir l’association héparine/AVK jusqu’à dissolution complète du caillot. Ainsi, cette association a pu être dans la littérature maintenue quelques semaines, voire quelques mois. Si le niveau de l’anticoagulation semble correct lors de la découverte du thrombus, il semble logique d’envisager l’adjonction aux AVK d’aspirine à la posologie de 100 mg. Cette association AVK/aspirine est d’ailleurs habituellement recommandée dans la littérature, en seconde intention, chez les patients ayant présenté un accident embolique malgré le traitement par AVK bien conduit. Ce faisant, il est tout à fait indiscutable que le risque hémorragique est augmenté, il importe donc d’en informer le patient.   Les thromboses obstructives Elles sont également classiquement plus fréquentes durant les premières années postopératoires (figures 2 et 3). Il s’agit d’une complication redoutable avec une mortalité qui peut aller jusqu’à 60 %, ce qui motive une attitude thérapeutique agressive, en règle chirurgicale. Figure 2. Obstruction de prothèse mécanique mitrale avec gradient moyen de 24,7 mmHg. Présence d’échos anormaux sur la face auriculaire de la prothèse dont certains sont hyperéchogènes et évoquent un pannus. Figure 3. Thrombus flottant volumineux sur la face auriculaire d’une prothèse mécanique mitrale. Cependant, dans les années 1970-1980, la chirurgie était considérée comme à très haut risque (mortalité opératoire de 20 à 50 %), si bien que la fibrinolyse a été proposée dans cette situation. Depuis cette période, plusieurs équipes ont fait état de grandes séries de plus de 100 patients traités par fibrinolyse. Ce traitement fibrinolytique est dans l’ensemble efficace, il permet d’améliorer l’hémodynamique chez près de 80 % des patients au prix d’un risque hémorragique de l’ordre de 4 % et surtout d’un risque d’embolie systémique de l’ordre de 15 % avec possible déficit neurologique définitif. L’étude multicentrique internationale publiée par A. Tong a souligné que le risque de complications ou de décès est corrélé à la présence d’un volumineux thrombus > 0,8 cm2 et à des antécédents d’accident vasculaire cérébral. Il semble que l’on puisse donc considérer que, de nos jours, la prise en charge thérapeutique d’une thrombose obstructive d’une prothèse valvulaire est, avant tout, chirurgicale. Les principales indications de la fibrinolyse sont : - les thromboses de prothèses valvulaires du cœur droit (dans cette situation, le risque embolique existe, certes, mais les conséquences sont à priori moins graves) ; - les thromboses de prothèses valvulaires du cœur gauche chez les patients en état hémodynamique très instable, éloignés d’un centre de chirurgie cardiaque (fibrinolyse de sauvetage). Une fibrinolyse peut également être discutée lorsque l’ETO a éliminé un volumineux thrombus et que l’obstruction est donc limitée à une diminution du jeu d’une ailette. Enfin, en cas de contre-indications à la chirurgie et à la fibrinolyse, le traitement héparinique sera proposé à titre palliatif, sans grand espoir de désobstruer complètement la prothèse.   Les recommandations Les recommandations récentes de la Société française de cardiologie pour la prise en charge thérapeutique des thromboses de prothèses valvulaires mécaniques (Arch Mal Cœur 2005 ; 98 : 5-61) sont les suivantes : Indications opératoires formelles – thrombose obstructive, massive, mal tolérée de prothèse du cœur gauche. Indications opératoires admises – thrombose obstructive de prothèse du cœur gauche, – thrombose de prothèse non obstructive, mais volumineuse du cœur gauche, – pannus obstructif. Indications admises de la fibrinolyse – thrombose obstructive de prothèse du cœur droit, – thrombose massive mal tolérée (fibrinolyse de sauvetage) s’il n’y a pas de disponibilité chirurgicale en urgence, – thrombose de prothèse du cœur gauche en l’absence de volumineux thrombus et si thrombose est récente. Indications admises de traitement héparinique (± antiagrégant plaquettaire) – petit thrombus non obstructif du cœur gauche, – thrombose obstructive s’il y a contre-indication à la chirurgie et à la fibrinolyse.   Les recommandations européennes Les recommandations européennes éditées récemment par Butchart sont les suivantes : Lorsqu’une thrombose de valve est suspectée ou prouvée, le patient doit être immédiatement transféré dans un centre médico-chirurgical de cardiologie, après injection de 5 000 U d’héparine par voie IV. Un remplacement valvulaire en urgence représente le traitement de choix d’une thrombose obstructive en position aortique ou mitrale chez les patients en état hémodynamique instable en l’absence de comorbidité sérieuse. Cela permet d’éviter les embolies systémiques et les rethromboses observées fréquemment avec la thrombolyse. La thrombolyse peut être considérée dans les situations suivantes : – patient en état hémodynamique instable et à haut risque chirurgical du fait de comorbidités et d’une altération de la fonction ventriculaire gauche ; – patient éloigné d’un centre de chirurgie cardiaque et qui ne peut être transféré ; – thrombose de prothèse tricuspide ou pulmonaire.   Au total   Les thromboses de prothèses valvulaires représentent une complication rare, mais grave, du remplacement valvulaire. Elles doivent être prévenues par une anticoagulation scrupuleuse et une éducation thérapeutique du patient. Le diagnostic est de nos jours facilité par les nouvelles techniques d’imagerie. La prise en charge reste délicate, au cas par cas, après discussion médicochirurgicale. Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal.

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