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Thrombose

Publié le 22 fév 2005Lecture 5 min

Thrombose veineuse jugulaire interne révélant une maladie de Behçet - À propos d’un cas

H. AKOUDAD, T. RHANDOUR, O. BONO, C. MAYOUSSI, S. BENMILOUD et S. ZTOT, CHU Hassan II, Fès, Maroc

La maladie de Behçet est une vascularite qui a la particularité de toucher les veines et les artères. Les manifestations veineuses de la maladie sont essentiellement représentées par les thromboses veineuses qui peuvent atteindre tous les territoires. Nous rapportons le cas d’une thrombose de la veine jugulaire interne qui a été à l’origine de la découverte de la maladie. À l’issue de ce cas, une revue de la littérature analysera l’épidémiologie des thromboses veineuses, dans la maladie de Behçet, ainsi que les mécanismes physiopathologiques évoqués actuellement pour expliquer cet état d’hypercoagulabilité.

Observation Mme A., âgée de 32 ans, célibataire, sans facteurs de risque cardio-vasculaire, est admise au service de cardiologie pour exploration écho-Doppler d’un œdème cervical. La malade a présenté des ulcérations orales récidivantes durant l’année précédente avec des céphalées et une asthénie remontant à 1 mois avant sa consultation. Vingt jours avant son hospitalisation, la malade rapporte la notion de douleurs cervicales avec apparition d’un œdème intéressant la région cervicale gauche. - À son admission, la patiente est en bon état général, fébrile à 38°, les conjonctives sont normocolorées. La pression artérielle est à 120/80 mmHg, le pouls est à 85 battements par minute. - L’examen somatique met en évidence une aphtose buccale, des lésions de pseudo-folliculite au niveau du dos (figure 1). La région cervicale gauche est œdématiée, le membre supérieur gauche est légèrement augmenté de volume avec des pouls présents. L’examen cardiaque est normal. Figure 1. Lésions de pseudofolliculite au niveau du dos. - Les examens biologiques mettent en évidence un syndrome inflammatoire non spécifique : VS : 70 à la première heure, leucocytes : 10 000/mm3, hémoglobine : 11,2 g/dl, fibrinogène : 5 g/l, CRP : 18 mg/l. Par ailleurs, la recherche des anticorps anti-ADN natifs et des anticorps antiantigènes nucléaires solubles est négative. Le pathergy test est positif. - L’écho-Doppler cervical met en évidence une thrombose extensive de la veine jugulaire interne gauche qui est occlusive (figures 2 et 3). - Il n’y a pas de flux enregistrable au Doppler pulsé ou au Doppler couleur. - Une tomodensitométrie thoracique met en évidence une extension de la thrombose au tronc veineux innominé gauche. Figure 2. Échographie cervicale en coupe transversale montrant la présence d’un thrombus tapissant la paroi externe de la veine jugulaire interne gauche (flèche). VJI : veine jugulaire interne ; ACPG : artère carotide primitive gauche. Figure 3. Échographie cervicale en coupe longitudinale confirmant la présence d’un thrombus occlusif de la veine jugulaire interne. VJI : veine jugulaire interne ; THR : thrombus. Le diagnostic de la maladie de Behçet est retenu devant l’association de l’aphtose buccale récidivante, la pseudo-folliculite et la positivité du pathergy test. La malade est mise sous corticothérapie en association avec un traitement anticoagulant. L’évolution est marquée par une bonne amélioration clinique.   Discussion Décrite pour la première fois en 1946 par Adamantiades, l’atteinte vasculaire de la maladie de Behçet a la particularité de toucher les veines et les artères. Cette vascularite doit être évoquée systématiquement devant une atteinte cardio-vasculaire inexpliquée qui peut constituer le mode d’entrée dans la maladie. L’atteinte artérielle peut intéresser tous les troncs artériels avec une nette prédominance pour l’aorte abdominale et les artères pulmonaires. Les lésions peuvent être à type de thrombose ou d’anévrisme et constituent un facteur pronostique péjoratif.   Caractéristiques de l’atteinte veineuse L’atteinte veineuse, essentiellement représentée par les thromboses veineuses, s’observe dans environ 30 % des cas. Elle représente 90 % des atteintes vasculaires rapportées par Kuzu et al. En effet, dans cette série de 1 200 patients porteurs d’une maladie de Behçet, 192 avaient une atteinte vasculaire, dont 173 thromboses veineuses et 19 atteintes artérielles. Le siège de la thrombose veineuse est variable dans la littérature. Tous les territoires veineux peuvent être atteints avec une localisation particulière au niveau des gros troncs veineux. Les thromboses veineuses des membres inférieurs sont les localisations les plus fréquentes rapportées par les auteurs. La thrombose de la veine cave inférieure peut faire suite à une localisation des membres inférieurs ou survenir isolément. Elle est rapportée 17 fois sur les 173 patients porteurs d’une thrombose veineuse dans la série de Kuzu. Le tableau 1 résume les différentes localisations des thromboses veineuses. La thrombose veineuse jugulaire interne est rarement rapportée au cours de la maladie de Behçet. Dans notre cas, la thrombose veineuse jugulaire a été diagnostiquée en même temps que la vascularite. Danaci et al ont rapporté le cas d’une patiente âgée de 21 ans ayant eu des thromboses veineuses profondes des membres inférieurs et qui a présenté 1 an plus tard une thrombose veineuse jugulaire révélée par un œdème cervical droit. Dans la série de Kuzu, 1 cas de thrombose jugulaire a été retrouvé.   Diagnostic de thrombose jugulaire En dehors du contexte de cathétérisme veineux, le diagnostic de la thrombose veineuse jugulaire peut être difficile. Certains signes cliniques sont évocateurs comme les douleurs ou un œdème cervical unilatéral. L’écho-Doppler cervical constitue actuellement l’examen de référence. Il pose le diagnostic de la thrombose et analyse l’échogénicité du thrombus. La sensibilité de cette exploration est plus faible dans l’analyse de l’extension de la thrombose vers la veine cave supérieure. Le scanner et, mieux, l’IRM peuvent aider au diagnostic, notamment en ce qui concerne l’extension des lésions vers les veines intrathoraciques qui ne sont pas accessibles à l’échographie.   Physiopathologie de l’hypercoagulabilité L’état d’hypercoagulabilité au cours de la maladie de Behçet a été largement analysé ces dernières années. Différents facteurs de risque de thrombose ont été étudiés dans cette pathologie avec des résultats controversés. - Un déficit en protéine S a été évoqué par certains auteurs, mais non retrouvé par d’autres. - Une augmentation de l’antithrombine III a été rapportée par Sengul et al et serait une réponse à cet état de thrombophilie. - Des anomalies de la coagulation, de la fibrinolyse et des fonctions endothéliales sont actuellement incriminées dans la genèse des thromboses lors de la maladie de Behçet. Ces différentes anomalies sont résumées dans le tableau 2. Conclusion La thrombose veineuse jugulaire est une complication rare de la maladie de Behçet. Cette vascularite est considérée actuellement comme un état d’hypercoagulabilité dont le mécanisme intime n’est pas encore élucidé. Les rôles respectifs des anomalies de la coagulation, de la fibrinolyse et de la fonction endothéliale font actuellement l’objet de plusieurs travaux scientifiques qui tentent d’apporter une explication à la tendance thrombogène de la maladie de Behçet. Une bibliograpie sera adressée aux abonnés sur demande au journal.

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