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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 10 juin 2008Lecture 7 min

Quand l'hypertendu a-t-il besoin d'un rythmologue ?

J.-Y. LE HEUZEY, K. CHACHOUA, F. MONSEL, A. LEPILLIER, X. WAINTRAUB, T. LAVERGNE et M. PORNIN, hôpital européen Georges Pompidou, Paris

La rythmologie est devenue un domaine en prise directe sur de multiples aspects de la cardiologie quotidienne. L’évolution du traitement de l’insuffisance cardiaque avec les systèmes de resynchronisation l’a bien montré. La plupart du temps, le rythmologue prend en charge des patients qui ont une longue évolution de leur cardiopathie et qui se trouvent au stade séquellaire, que ce soit dans le cadre de l’insuffisance cardiaque ou de la pathologie coronaire. Il est également un domaine où lequel les troubles du rythme ont toute leur place, c’est celui de l’hypertension artérielle car l’hypertendu peut être victime de troubles du rythme, qui passent d’ailleurs inaperçus dans un certain nombre de cas. Il y a actuellement de plus en plus d’arguments faisant penser que le traitement précoce de l’hypertension artérielle doit pouvoir avoir un effet préventif sur la survenue ultérieure des troubles du rythme.

Certaines notions sont bien connues, comme le fait que l’hypertension artérielle peut se compliquer d’hypertrophie ventriculaire gauche ; la survenue de troubles du rythme ventriculaire chez ces patients hypertendus avec hypertrophie ventriculaire gauche est fréquente. Même si un certain nombre d’hypertendus vont présenter une extrasystolie ventriculaire en rapport avec l’hypertrophie cardiaque, il est toujours important de savoir si ces extrasystoles ventriculaires ne traduisent pas l’existence d’une ischémie myocardique. C’est ici qu’ont toute leur place les épreuves de stress comme la simple épreuve d’effort avec scintigraphie au thallium. La présence d’extrasystoles ventriculaires chez un hypertendu doit de toute évidence faire vérifier qu’il n’existe pas d’ischémie myocardique mais la seule hypertrophie ventriculaire peut être en cause. Par ailleurs, certains de ces patients hypertendus ont un hyperaldostéronisme qui s’accompagne d’une hypokaliémie et chacun sait que l’hypokaliémie est un facteur arythmogène, source de troubles du rythme aussi bien auriculaire que ventriculaire. Dans certains cas, les extrasystoles peuvent donc être révélatrices de l’hypertension artérielle qui s’accompagne d’hypokaliémie et d’hyperaldostéronisme. Dans d’autres cas, la survenue d’extrasystoles chez un patient par exemple traité par les diurétiques pour une hypertension artérielle doit, bien sûr, inciter à un meilleur contrôle de la kaliémie qui peut être en cause comme facteur arythmogène. On peut considérer par ailleurs que, même si la kaliémie est normale, dans un certain nombre de cas il va exister un déficit intracellulaire en potassium qui parfois ne peut être corrigé que par l’emploi de diurétiques épargneurs du potassium, qui ont de toute évidence une activité antiarythmique. En fait le sujet principal de cet interface entre hypertension artérielle et troubles du rythme est celui de la fibrillation atriale. Il existe indiscutablement un lien physiopathologique entre hypertension artérielle et fibrillation atriale passant par la dysfonction diastolique et la dilatation auriculaire. Nous envisagerons successivement ici les épidémiologies comparées de la fibrillation atriale et de l’hypertension artérielle, les mécanismes et liens physiopathologiques qui les unissent, le problème des traitements antihypertenseurs et de la fibrillation atriale, du traitement de la fibrillation atriale chez l’hypertendu et du traitement antihypertenseur qui doit être choisi chez l’hypertendu qui fibrille.   Épidémiologie de l’HTA et de la FA Sur le plan épidémiologique, on se trouve en présence de deux larges ensembles. La prévalence de l’hypertension artérielle dépasse les 10 % dans la population adulte des pays occidentaux. La fréquence des arythmies supraventriculaires chez les hypertendus est bien connue ainsi que la fréquence de l’hypertension artérielle chez des patients avec arythmie auriculaire allant jusqu’à 70 % selon les séries, sachant que les populations sont souvent variables en âge et en matière de caractère de l’hypertension artérielle. Dans l’étude AFFIRM, 71 % des patients étaient hypertendus ou avaient été considérés comme tels. En termes d’épidémiologie de la fibrillation atriale, on sait actuellement que l’incidence augmente très rapidement avec l’âge, les projections donnant des chiffres impressionnants dans les prochaines années. Les données hospitalières montrent que le diagnostic de fibrillation auriculaire est de plus en plus souvent posé comme cause d’hospitalisation en cardiologie. Le poids en termes de santé publique est croissant d’après l’étude COCAF que nous avons réalisée il y a quelques années. Le coût du traitement de la fibrillation atriale peut être considéré comme étant d’environ 2,5 milliards d’euros par an actuellement en France.   HTA, facteur de risque de FA L’hypertension artérielle est indiscutablement un facteur de risque de fibrillation atriale, par le biais de la dilatation auriculaire gauche, éventuellement d’une coronaropathie ou de l’insuffisance cardiaque. Hypertension artérielle et fibrillation atriale sont des pathologies interdépendantes comorbides. L’association hypertension artérielle et fibrillation atriale augmente les risques d’accident thromboemboliques et de survenue d’effet proarythmogène ventriculaire au cours des traitements antiarythmiques. Les facteurs prédictifs de fibrillation atriale chez l’hypertendu sont l’âge, le niveau de pression artérielle, la taille de l’oreillette gauche, la masse ventriculaire gauche et la durée de l’onde P à l’électrocardiogramme. La fibrillation atriale a des conséquences hémodynamiques non négligeables chez l’hypertendu. On sait qu’il existe une dysfonction diastolique ventriculaire gauche chez les patients ayant une fibrillation atriale isolée. La perte de la systole auriculaire est d’autant plus délétère qu’il existe une hypertrophie ventriculaire gauche et qu’elle survient chez un sujet âgé, avec un risque majoré d’évolution vers l’insuffisance cardiaque. Du fait de l’étirement auriculaire il existe une augmentation du travail de vidange de l’oreillette en cas d’hypertrophie ventriculaire gauche. Enfin, on observe habituellement une augmentation de la pression intracavitaire auriculaire et une élévation de la tension pariétale, conséquences de l’altération de la relaxation et de la compliance du ventricule gauche. À l’inverse, il existe des conséquences électrophysiologiques de l’hypertension artérielle : augmentation du temps de conduction dans l’oreillette gauche, raccourcissement des périodes réfractaires, hyperexcitabilité atriale et augmentation de la vulnérabilité atriale. La comorbidité constituée par la fibrillation atriale et l’hypertension artérielle s’observe clairement dans le cadre des accidents vasculaire cérébraux. Chez les patients ayant présenté un accident vasculaire cérébral, le risque relatif attribué à la fibrillation atriale est supérieur à 10, suivi de près de 4 pour l’hypertension artérielle traitée mais non contrôlée et de 3,5 pour l’hypertension artérielle non traitée. Le risque d’accident vasculaire cérébral est corrélé avec la présence de fibrillation atriale ou d’extrasystoles auriculaires fréquentes mais ces deux facteurs sont aussi corrélés eux-mêmes avec la présence d’une hypertension artérielle. L’hypertension artérielle est considérée comme un facteur de risque thromboembolique. Il fait partie des facteurs de risque dits modérés. Lorsqu’il existe plus d’un facteur de risque modéré, la recommandation est l’utilisation d’antivitamine K. Quel traitement antihypertenseur peut-on utiliser en cas de fibrillation atriale associée ? Il convient en tout état de cause d’éviter les diurétiques hypokaliémiants seuls ou en association avec des antiarythmiques de classe III ou de classe Ic. Les choix possibles sont les bêtabloquants, les inhibiteurs calciques, les bloqueurs du système rénine-angiotensine-aldostérone qu’il s’agisse des inhibiteurs de l’enzyme de conversion, des antagonistes de l’angiotensine II ou des antialdostérone. Des analyses a posteriori faites à partir de grandes études ont montré que l’utilisation des bloqueurs du système rénine-angiotensine est capable d’avoir un effet favorable sur la survenue de fibrillation atriale (étude TRACE, étude LIFE, étude SOLVD). Dans une métaanalyse, l’équipe d’Hamilton au Canada a clairement retrouvé cet effet favorable, qu’il s’agisse d’un effet sur la survenue de nouveaux cas de fibrillation atriale ou sur les récidives d’épisodes de fibrillation atriale paroxystique. On manque cependant encore d’argument décisif pour considérer que les bloqueurs du système rénine-angiotensine-aldostérone sont indiqués dans le traitement de la fibrillation atriale. Peut-être l’étude ACTIVE qui est en cours de réalisation avec l’irbésartan, sera-t-elle capable de le montrer et de permettre l’octroi d’une autorisation de mise sur le marché en bonne et due forme. Ceci dit, lorsque l’on traite un hypertendu qui fibrille, il y a toujours intérêt à utiliser un bloqueur du système rénine angiotensine pour avoir un effet favorable non seulement sur l’hypertension artérielle mais également sur la fibrillation atriale. Les mécanismes par lesquels ces médicaments peuvent être efficaces sont nombreux : – effet sur la pression artérielle elle-même, effet sur la kaliémie, – effet sur l’hypertrophie ventriculaire gauche, – effet sur la taille de l’oreillette gauche et sa pression, – effet éventuel sur l’athérothrombose et la coagulation, – effet sur le remodelage atrial. Le remodelage atrial Cette notion s’est imposé ces dernières années par la constatation que « la fibrillation atriale engendre la fibrillation atriale », le simple fait de fibriller entraînant une diminution des périodes réfractaires qui elle-même va favoriser le retour de la fibrillation. Les bloqueurs du système rénine-angiotensine sont capables de s’opposer à ce remodelage et donc d’avoir un effet favorable. Au remodelage électrique qui s’accompagne donc d’une diminution des périodes réfractaires et de la longueur d’onde s’associe un remodelage contractile avec une diminution de contractilité et de dilatation puis un remodelage structural entraînant finalement une fibrose et des troubles conductifs. C’est à ce niveau que les bloqueurs du système rénine-angiotensine-aldostérone peuvent être efficaces.   En pratique   L’essentiel des problèmes rythmiques rencontrés chez l’hypertendu concerne actuellement la fibrillation atriale. Hypertension artérielle et fibrillation atriale sont deux pathologies intimement liées. Le vieillissement de la population implique que l’hypertension artérielle est de plus en plus prévalente chez les patients fibrillants. Le risque évolutif de la fibrillation atriale est accru s’il existe également une hypertension artérielle. Les bloqueurs du système rénine-angiotensine-aldostérone semblent être une alternative thérapeutique parfaitement intéressante chez ces patients.

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