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Cardiomyopathies

Publié le 04 avr 2006Lecture 6 min

Myopéricardite aiguë simulant un IDM : à propos de 2 cas

M. SRAIRI, A. BENNIS, L. AZZOUZI, A. TAHIRI et N. CHRAIBI, Service de Cardiologie, CHU Ibn Rochd - Casablanca

La myocardite peut revêtir des tableaux cliniques très divers. Si les formes avec insuffisance cardiaque congestive, troubles du rythme ou cardiopathies dilatées sont fréquentes, les formes pseudo nécrotiques sont plus rares et surtout plus trompeuses. Elles posent un problème de diagnostic majeur, dans la mesure où elles simulent un infarctus du myocarde (IDM) en phase aiguë.
Nous rapportons dans ce travail deux observations de myocardites prises au préalable pour un IDM et caractérisées par leur gravité clinique initiale et leur évolution secondaire favorable.

Observation n°1 Monsieur M. J., 46 ans, s’est présenté aux urgences avec une douleur thoracique constrictive évoluant depuis 24 h, persistante malgré l’administration de trinitrine sublinguale par le médecin de garde. Ce patient était non fumeur, sans facteur de risque vasculaire connu ni antécédent notable. À l’admission   L’examen clinique a retrouvé un rythme régulier, sans souffle ni frottement. La tension artérielle était de 130/80 mmHg. L’électrocardiogramme a montré un sus-décalage de ST concave englobant l’onde T en DII, DIII, AVF (figure 1). L’échocardiographie a retrouvé une cinétique segmentaire normale, avec absence d’épanchement péricardique. Figure 1. Sus-décalage du segment ST concave englobant l’onde T en DII, DIII, AVF. Au plan biologique : VS accélérée à 120 mm à la 1e heure ; taux de fibrinogène élevé à 5,6 g/l ; CPK élevées à 727 UI/l avec une fraction MB à 11 % ; troponine négative. Le traitement initial   Il s’est résumé à une anticoagulation par l’héparine et une administration de bêtabloquants et de dérivés nitrés en raison du délai d’hospitalisation tardif. L’évolution a été simple sur le plan hémodynamique et rythmique sans récidive douloureuse. L’évolution électrique   Elle a montré la régression du sus-décalage ST et la normalisation de l’ECG le 6e J (figure 2). Le bilan angio-coronarographique a retrouvé une cinétique normale, avec une fraction d’éjection globale à 65 %. Le réseau coronaire était normal. Les sérologies virales sont négatives (échovirus, entérovirus, EBV, HBV, HIV). Le patient est sorti sous traitement. Il a été revu 3 mois après avec un ECG et une échocardiographie normaux. Figure 2. Normalisation du tracé. Le bilan inflammatoire s’est normalisé permettant a posteriori de retenir le diagnostic de myopéricardite sèche à agent non identifié, d’autant plus que l’interrogatoire orienté a retrouvé les jours précédant son hospitalisation un syndrome pseudo-grippal. Observation n° 2 Madame K. D., 42 ans, a été réveillée à 4 h du matin par une douleur thoracique constrictive. Cette patiente n’avait pas de facteurs de risque vasculaire connus, ni d’autre antécédent pathologique particulier. Elle a été admise à H17 de la douleur. À l’admission   L’examen clinique a retrouvé une pression artérielle à 120/70 mmHg, avec un rythme régulier, sans frottement. L’électrocardiogramme a montré un sus-décalage ST concave englobant l’onde T en V1, V2, V3 et V4. L’échocardiographie a retrouvé une fonction ventriculaire gauche conservée (FE : 70 %) et une cinétique segmentaire normale. Il n’y avait pas d’épanchement péricardique. Biologiquement : VS accélérée à 90 mm à la 1e heure ; taux de fibrinogène élevé à 5 g/l ; CRP > 20 ; CPK élevées à 966 UI/l avec une fraction MB à 7 % ; troponines négatives. Le traitement initial   Celui-ci a comporté de l’héparine, de l’acide acétyl salicylique, des bêtabloquants et des dérivés nitrés, l’évolution a été marquée par la persistance de la douleur thoracique sans modification électrique. Une coronarographie a été réalisée, objectivant l’intégralité du réseau coronaire. La sérologie virale était positive (coxsackie virus), à un taux > à 1/8. Une antibiothérapie par macrolides a été instaurée pendant 10 jours. L’évolution a été marquée par une sédation de la douleur et une normalisation de l’ECG et du bilan inflammatoire, permettant de retenir le diagnostic a priori de myopéricardite sèche à Mycoplasma pneumonia. La patiente a été revue 2 mois plus tard avec examen clinique, électrocardiogramme et échocardiographie normaux. Discussion   Les arguments en faveur du diagnostic de myopéricardite dans nos observations sont l’âge jeune, l’absence de facteurs de risque vasculaire, l’évolution électrique avec absence d’onde Q de nécrose, l’évolution enzymatique élevée dès l’admission diminuant progressivement, la cinétique segmentaire normale à l’échographie. Aspects cliniques   Les myopéricardites aiguës peuvent revêtir des aspects divers. Parmi ceux-ci, les formes simulant un IDM sont rares. Leur fréquence est difficile à estimer : sur une série de 1 149 biopsies endomyocardiques chez des patients transplantés, Dec a retrouvé des lésions de myocardite chez 50 patients (4 %), 34 parmi les 1 149 se présentaient comme un IDM à coronaires normales, dont 11 avaient des lésions histologiques de myocardite. En dehors du contexte infectieux, les particularités cliniques sont rarement une aide au diagnostic. Il s’agit souvent de sujets jeunes, sans facteur de risque vasculaire. Certains cas ont été décrits chez l’enfant. La localisation des modifications électriques serait sans valeur, puisqu’elle serait plutôt antérieure pour Dec et inférieure pour Païllard. La faible élévation des CPK est souvent prise en défaut. L’altération plutôt globale que segmentaire de la fonction ventriculaire gauche n’est pas une règle puisque les lésions peuvent avoir une répartition focale ou multifocale. Si la biopsie myocardique reste l’examen de référence, il s’agit d’une méthode diagnostique invasive qui peut être également prise en défaut. La scintigraphie myocardique aux anticorps anti-myosine marqués à l’indium 111 a été proposée. Sa sensibilité et sa spécificité sont de 83 et 53 % respectivement. Étiologies virales   Miklozek a répertorié 10 observations se présentant comme un IDM en phase aiguë. Le diagnostic de myocardite a été retenu si l’un au moins des critères suivants était présent : isolement d’un virus dans le sang ou dans les liquides biologiques, élévation significative de taux d’anticorps sériques, présence d’un infiltrat inflammatoire associé à une nécrose sur les prélèvements biologiques, scintigraphiques, myocardiques au pyrophosphate de gallium positive. Parmi ces 10 patients, une étiologie virale a été mise en évidence dans 4 cas (2 cas à échovirus et 2 cas à EBV). Les modifications électriques d’allure nécrotique siégeaient en territoire antérieur dans 5 cas, et en territoire inférieur dans les 5 autres cas. D’un point de vue anatomique, il est établi que ces myocardites d’allure pseudonécrotique sont constituées par de véritables foyers de nécrose localisés, responsables d’anomalies locales de la cinétique du ventricule gauche avec présence d’infiltrats composés de polynucléaires ou de lymphocytes entre les plages de nécrose. Le mécanisme des lésions de myocardite aiguë semble en partie dû à l’effet direct des virus ayant un tropisme cardiaque bien connu, mais surtout à une réponse immunitaire excessive par le biais des cellules NK, puis des lymphocytes T, mais le rôle d’une endartérite inflammatoire coronaire a également été soulevé. L’origine virale de l’inflammation est rarement authentifiée, sauf pour les virus cardiotropes (coxsackies, MNI, myxovirus). Les virus coxsackies B sont les plus fréquemment incriminés, mais le virus d’Epstein-Barr l’est également. Outre le CMV et les échovirus, il faut signaler le virus HIV, plus récemment mis en cause. Une nouvelle Chlamydia type TWAR a été retrouvée chez 60 % des patients ayant présenté un IDM, contre 7,7 % dans une population témoin. L’évolution est classiquement bénigne avec restitution totale et viendra appuyer le diagnostic évoqué de myocardite aiguë. Le pronostic de ces myopéricardites pseudo-infarctus est en général très bon à longue échéance. Le risque de passage à la cardiomyopathie est quasi nul. La récidive est possible mais reste rare (15 % environ) sous couvert d’un traitement par l’aspirine à raison de 2 à 3 g/j, poursuivi pendant au moins 6 semaines. Conclusion   Dans les deux cas de myocardite aiguë à début pseudo-infarctoïde rapportés, l’intégrité angiologique du réseau a été prouvée par la coronarographie. Le jeune âge, l’absence de facteur de risque vasculaire, les aspects électriques, la cinétique segmentaire normale en échographie ont fait retenir le diagnostic d’une myopéricardite aiguë. L’évolution a été favorable, sans séquelles. Ces deux observations, comme d’autres rapportées dans la littérature, montrent que les myopéricardites aiguës peuvent donner un tableau initial simulant un IDM. Ces formes doivent être reconnues d’après leurs caractéristiques cliniques et biologiques ; le bilan doit être éventuellement complété par une scintigraphie ou par l’histologie. Le pronostic de ces myopéricardites est en général très bon à longue échéance. Le traitement repose sur un traitement anti-inflammatoire par l’aspirine à raison de 2 à 3 g pendant au moins 6 semaines.

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