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Vasculaire

Publié le 20 avr 2010Lecture 6 min

Le point sur l’artérite radique

P. AMABILE, S. COHEN, P. PIQUET Service de Chirurgie Vasculaire, Hôpital de la Timone, Marseille

La radiothérapie fait partie du traitement de nombreux cancers. Elle a pour inconvénient majeur d’exposer aux radiations ionisantes (RI), les tissus sains péri-tumoraux. L’irradiation involontaire des artères est une complication classique du traitement des cancers du sein, de la région cervicale, ou du pelvis mais en pratique toutes les artères peuvent être atteintes en fonction du territoire irradié. L’irradiation artérielle peut se compliquer précocement de thrombose ou exceptionnellement de rupture artérielle mais c’est habituellement de façon retardée que se manifestent les complications de la radiothérapie par une athérosclérose accélérée responsable de lésions occlusives.

Physiopathologie Les lésions d’artérite radique surviennent quand la dose de RI est supérieure à 50 Gy. L’endothélium est très sensible aux RI et une « désquamation » s’observe dans les jours qui suivent le début du traitement en association avec des dépôts de fibrine en nappe sur l’intima. La cicatrisation des lésions se fait en 4 mois après l’arrêt de la radiothérapie. Ce phénomène qui s’accompagne d’une dysfonction endothéliale est responsable de la thrombose aiguë. La média et l’adventice sont moins sensibles aux RI. On observe dans les semaines qui suivent l’irradiation des hémorragies adventitielles. Il apparaît ensuite dans la média une fibrose dont l’origine semble liée à une thrombose des vasa vasorum. Cette fibrose de la média, associée à un épaississement de l’endothélium peut au bout du compte entraîner un rétrécissement de la lumière pouvant aller jusqu’à l’occlusion. L’association de ces lésions à des facteurs de risque vasculaire (diabète, HTA, etc.) est responsable de lésions athéroscléreuses précoces et évolutives.(1) Présentation clinique Les manifestations cliniques de l’artérite radique se font selon 3 modalités en fonction du délai par rapport à l’irradiation. Les lésions précoces avec la formation de thrombus mural se manifestent dans les 5 ans suivant l’irradiation. Les lésions intermédiaires se présentent au cours des 10 ans suivant la radiothérapie avec des symptômes liés à la fibrose pariétale, l’occlusion et l’absence de collatérales. Les lésions tardives sont liées à une fibrose péri artérielle et une athérosclérose accélérée. Le diagnostic d’artérite radique est posé devant un antécédent d’irradiation dans le territoire artériel lésé. La localisation des lésions est atypique avec des zones artérielles d’amont et d’aval habituellement saines. Les artères les plus fréquemment atteintes sont la carotide, l’artère sous-clavière et les axes iliaques. Artère carotide La situation anatomique de la carotide fait que celle-ci est très exposée lors du traitement des cancers cervicaux et de l’extrémité céphalique. Le risque de sténose carotidienne hémodynamiquement significative est multiplié par 5 chez les patients irradiés par rapport à une population appariée à l’âge et aux facteurs de risque. Un curage cervical accroît encore ce risque. Dans cette population, le risque d’accident neurologique est multiplié par deux.(2) Les lésions apparaissent en moyenne 5 à 10 ans après l’irradiation cervicale et sont évolutives. L’aspect des lésions est évocateur, avec deux types d’atteinte : celle étendue de la carotide commune et une absence de lésion au niveau de la CI ou celle diffuse de la CI pouvant s’étendre jusqu’à la base du crâne (figure 1 A et B).   Figure 1 A : Irradiation cervicale pour lymphome. Noter l’aspect cicatriciel de la peau. Figure 1 B : Même malade. Multiples sténoses de la carotide commune gauche. Artère sous-clavière L’atteinte de cette artère est de plus en plus rare en raison de l’amélioration des techniques d’irradiation très focalisées. Historiquement cette atteinte se rencontre après le traitement d’un cancer du sein ou plus rarement d’une maladie de Hodgkin. Le délai d’apparition des symptômes par rapport à l’irradiation est long, compris entre 14 et 26 ans. Cliniquement, ces symptômes sont invalidants car on observe de façon caractéristique des occlusions étendues avec une absence d’artères collatérales.(3) Ce tableau s’oppose aux lésions observées dans la maladie athéromateuse où les sténoses sont courtes et typiquement situées à l’origine de l’artère. Aorte et artères iliaques Cette atteinte s’observe typiquement après le traitement de cancers gynécologiques, urologiques et rectaux. Les lésions apparaissent 10 ans après l’irradiation mais peuvent apparaître plus précocement chez les malades porteurs de lésions athéromateuses.(1) Là encore l’absence de sténose dans les territoires adjacents non irradiés est évocatrice de lésion radique. Chez le malade âgé les lésions sont souvent impossibles à distinguer de la maladie athéromateuse classique (figure 2). Point particulier dans cette localisation, la présence d’un anévrysme doit faire éliminer un faux anévrysme ou un anévrysme mycotique conséquence d’une rupture radique, d’un envahissement malin ou d’une fistule impliquant l’uretère, la vessie, l’intestin.(4)   Figure 2. Thrombose iliaque externe droite chez une patiente traitée pour un cancer du col utérin par une pelvectomie antérieure et une irradiation. Noter l’atteinte diffuse de l’aorte terminale et de l’axe iliaque gauche. Traitement et résultats La prise en charge des malades ayant une artérite radique doit s’adapter à l’espérance de vie, aux symptômes et à l’anatomie des lésions. L’indication de traitement, en dehors d’une espérance de vie très limitée ne diffère pas de celle de l’athérome. La difficulté du traitement réside dans l’abord chirurgical de la zone irradiée au niveau de laquelle les tissus sont fibreux et dont la dissection est mal aisée. Les interventions percutanées et les pontages extra-anatomiques ont donc une place prépondérante d’autant plus que les troubles de la cicatrisation cutanée sont fréquents dans une zone irradiée. Artère carotide Les sténoses radiques carotidiennes sont plus volontiers symptomatiques et évolutives que les autres lésions carotidiennes.(5) Il est donc habituel de les traiter. Le choix de la technique de revascularisation dépend de l’étendue des lésions. Les lésions isolées du bulbe carotidien sont classiquement traitées par une endartériectomie. Il est possible que les lésions soient plus étendues que ne le laissent prévoir les examens préopératoires et pour cette raison il est recommandé d’inclure dans le champ opératoire la veine saphène interne pour réaliser un pontage. Il est également recommandé en pré-opératoire de vérifier la mobilité des cordes vocales, la dissection de la carotide en milieu radique s’accompagnant d’un taux de lésion des nerfs crâniens plus élevé que lors d’une chirurgie standard. Si les lésions sont très étendues comme cela est souvent le cas, l’endartériectomie n’est pas possible et un pontage doit être réalisé. Il faut éviter d’utiliser un matériel de remplacement prothétique en raison du risque accru d’infection de prothèse sur ce terrain, surtout si le malade a subi un curage ganglionnaire étendu. Elle permet de traiter avec un taux de complication neurologiques faible des lésions situées à la base de crâne, d’éviter les lésions des nerfs périphériques, mais le taux de resténose et d’occlusion au cours du suivi semble plus élevé qu’après un traitement chirurgical.(6) Artère sous-clavière Les lésions sous-clavières radiques sont étendues et peuvent donc rarement être traitées par une angioplastie percutanée. Le risque de lésion des nerfs vague et phrénique, du canal thoracique, rend la revascularisation directe moins attractive que la revascularisation extra-anatomique. La technique de revascularisation de choix est le pontage carotido-axillaire ou huméral avec l’utilisation préférentielle d’un greffon veineux saphène. Aorte et artères iliaques Un grand nombre de techniques endovasculaires et chirurgicales peuvent être utilisées pour traiter les lésions occlusives aorto-iliaques d’origine radique. Pour les lésions focales, l’angioplastie est la technique préférée car elle permet d’éviter la dissection du pelvis irradié. Les lésions étendues sont traitées par des pontages, au mieux par un pontage extra-anatomique pour éviter un traumatisme urétéral lors de la tunnelisation de la prothèse vers l’artère fémorale. Les résultats à long terme semblent proches de ceux de la chirurgie pour les lésions athéromateuses. Dépistage Les malades irradiés doivent être suivis pour dépister la survenue d’une complication vasculaire. Pour les carotides, il y a suffisamment de données qui justifient un dépistage des lésions par écho-Doppler.(2, 7) Pour les autres localisations, l’examen clinique est suffisant en gardant à l’esprit que toutes les lésions symptomatiques doivent être explorées selon les recommandations habituelles. En pratique On suspecte une artérite radique devant des lésions artérielles atypiques survenant dans les années qui suivent une radiothérapie. L’indication d’intervention est identique à celle des lésions athéromateuses. La chirurgie est parfois complexe, elle privilégie la revascularisation extra-anatomique et l’utilisation de matériel autologue. Les résultats en sont habituellement bons. En présence de lésions courtes, surtout si les lésions sont difficiles d’accès, le traitement endovasculaire doit être envisagé.

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