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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 07 nov 2006Lecture 7 min

Le défibrillateur dans les CMD : une indication délicate

A. OTMANI, HEGP, Paris

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), la spironolactone et les bêtabloquants font partie de l’arsenal thérapeutique indispensable chez les patients en insuffisance cardiaque (IC). Malgré les progrès du traitement médicamenteux, le risque de mort subite est non négligeable en cas de cardiomyopathie dilatée (CMD). Le défibrillateur automatique implantable (DAI) a montré son intérêt dans la prévention de la mort subite depuis quelques années surtout en cas de cardiopathie ischémique. Son intérêt en cas de cardiopathie non ischémique reste difficile à évaluer.

En prévention secondaire L’intérêt du défibrillateur automatique implantable (DAI) n’est plus à démontrer en prévention secondaire. Les études AVID (Antiarrhythmics Versus Implantable Defibrillator), CIDS (Canadian Implantable Defibrillator Study) et CASH (Cardiac Arrest Study Hamburg) ont montré que le DAI est le traitement de choix chez les patients ayant eu une mort subite récupérée, par trouble du rythme ventriculaire. Dans ces études, le DAI était comparé à l’amiodarone ou à un bêtabloquant et les patients randomisés avaient une cardiopathie ischémique ou non (figure 1). Figure 1. Études de prévention secondaire de mort subite en cas de cardiopathie dilatée non ischémique : intérêt du DAI. Ces études ont permis d’élaborer les recommandations de classe I avec un niveau de preuve A (situation dans laquelle il y a une preuve et/ou un accord général pour dire que le traitement est bénéfique, utile et efficace ; fondé sur des données concordantes de plusieurs études randomisées comprenant un grand nombre de patients) pour la mise en place d’un DAI en cas d’arrêt cardiaque par fibrillation ventriculaire ou tachycardie ventriculaire sans cause aiguë ou réversible, sans préjuger de l’étiologie de la cardiopathie. L’analyse en sous-groupe dans les études AVID et CIDS n’a pas permis de mettre en évidence de bénéfice du DAI en cas de cardiopathie dilatée non ischémique. Cependant, en regroupant ces trois études de prévention secondaire de mort subite, seulement 14 % de patients avaient une cardiopathie non ischémique, ce qui rend difficile l’interprétation de ce résultat. Quoiqu’il en soit, il est difficile éthiquement de proposer une nouvelle étude de prévention secondaire dans ce sous-groupe de patients.   En prévention primaire Cinq études ont tenté de mettre en évidence l’apport du DAI en cas de cardiomyopathie dilatée non ischémique (figure 2). Figure 2. Études de prévention primaire de mort subite en cas de cardiomyopathie dilatée non ischémique. L’étude CAT (CArdiomyopathy Trial) a concerné 104 patients ayant une cardiopathie dilatée non ischémique diagnostiquée au cours des neuf mois précédents. Les patients étaient en classe II ou III de la NYHA et la fraction d’éjection (FE) était < 30 %. Les patients avaient soit un traitement médical conventionnel soit un traitement médical conventionnel associé à un DAI. Cette étude a permis de mettre en évidence une très faible mortalité (< 10 %) dans les deux groupes. Le DAI ne permet pas de réduire la mortalité sur une durée de suivi de 66 mois. À noter que la FE était basse (24 % en moyenne). AMIOVIRT (Amiodarone vs implantable cardiovecter-defibrillator) est également une étude dont l’effectif est peu important (103 patients), et qui n’a pas mis en évidence de bénéfice en faveur du DAI sur un suivi de 24 mois. DEFINITE (DEFIbrillator in non-ischaemic cardiomyopathy Treatment Evaluation) a porté sur 458 patients ayant une CMD non ischémique avec FE < 35 % et des antécédents d’IC symptomatique. Ils avaient en outre des épisodes de tachycardie ventriculaire spontanée ou des extrasystoles ventriculaires fréquentes. Les patients ont été randomisés afin de recevoir soit un traitement conventionnel soit un traitement conventionnel associé à un défibrillateur implantable. La différence en termes de survie n’est pas statistiquement significative dans les deux groupes bien qu’il y ait une différence ; en effet, la mortalité à deux ans dans le groupe témoin est de 14 vs 7,9 % dans le groupe de patients avec un DAI. On note simplement une diminution significative des morts subites par événement rythmique dans le groupe de patients ayant un DAI. L’étude SCD-HEFT (sudden cardiac death in heart failure trial) a inclus un nombre important de patients : 2 521 patients atteints d’insuffisance cardiaque secondaire à une maladie coronaire ou non et qui avaient des symptômes d’insuffisance cardiaque (classe II ou III de la NYHA). La FE était < 35 %. Trois groupes de patients étaient randomisés : un groupe de patients avec placebo, un groupe avec amiodarone et un troisième groupe avec DAI. Il y avait dans cette étude autant de patients coronariens que de patients non coronariens et la FE moyenne était de 25 %. La mortalité à deux ans dans le groupe témoin est de 14 % mais le DAI a permis une diminution de la mortalité de 23 % par rapport au groupe placebo. Le DAI apporte un bénéfice équivalent que la cardiopathie soit d’origine ischémique ou non ischémique. Dans l’étude COMPANION, le défibrillateur était associé ou non à une stimulation biventriculaire chez des patients qui avaient une FE > 35 % et un diamètre télédiastolique > 60 mm. Les résultats principaux sont les suivants : il n’y a pas de différence significative en termes de survie dans le groupe de patients avec stimulateur cardiaque biventriculaire seul comparativement au groupe de patients traités médicalement ; la diminution de la mortalité n’est observée que dans le groupe de patients qui ont un DAI. À noter que l’étude n’était pas réalisée pour comparer le DAI au DAI associé à une stimulation biventriculaire.   Discussion • La mortalité des patients ayant une CMD est un problème de santé publique. Malgré sa diminution grâce aux IEC, aux bêtabloquants et à la spironolactone, un certain nombre de décès peuvent survenir subitement chez cette population à risque. • Peu d’études randomisées ont évalué l’intérêt du DAI spécifiquement en cas de CMD. La plupart des études de prévention primaire de mort subite ont le plus souvent concerné les patients ayant une cardiopathie d’origine ischémique ou d’étiologie mixte (ischémique et non ischémique). • Ces résultats doivent néanmoins toujours être confrontés aux réalités cliniques, notamment en cas de comorbidité qui pourrait réduire l’espérance de vie. Chez des patients âgés et/ou avec une comorbidité importante, la mise en place d’un DAI doit encore plus se discuter ce, d’autant que les principales analyses d’essais cliniques ont porté sur des intervalles de temps relativement courts. • Actuellement il existe une controverse pour savoir s’il faut envisager la mise en place d’un DAI chez tous les patients ayant une FE abaissée (que la cardiopathie soit d’origine ischémique ou non). En effet, hormis le coût, la morbidité du DAI peut poser problème (chocs inappropriés, altération de la qualité de vie, dépression, sepsis…). Ainsi, certains auteurs sont plutôt partisans de rechercher d’autres facteurs de risque de mort subite. Une durée de QRS importante est corrélée à une mortalité accrue : dans l’étude COMPANION (Comparison of Medical Therapy, Pacing, and Defibrillation in Chronic Heart Failure) l’effet bénéfique du DAI n’est démontré que lorsque les QRS ont une durée > 150 ms. La présence d’arythmie ventriculaire inductible ou de symptômes de classe fonctionnelle III ou IV de la NYHA est corrélée à une mortalité plus importante. • La réduction de la mortalité absolue est relativement faible dans les études de prévention primaire ; elle est par exemple de 1,6 % dans l’étude SCD-HeFT (Sudden Cardiac Death - Heart Failure Trial). • On ne sait pas actuellement définir le groupe de patients à faible risque chez qui la mortalité est si réduite que l’implantation d’un défibrillateur est peu susceptible d’améliorer la survie dans un délai raisonnable.   Les recommandations de la SFC Toutes ces réserves ont incité la Société française de cardiologie (SFC) à mettre en place des recommandations de classe IIa avec un niveau de preuve B (poids des preuves plutôt en faveur de la technique ; fondé sur des données provenant d’un nombre limité d’études randomisées comprenant un faible nombre de patients) pour la mise en place d’un DAI chez les patients qui ont une cardiomyopathie dilatée en apparence primitive avec FE < 30 % qui sont en classe II ou III de la NYHA. À noter d’ailleurs que l’analyse en sous-groupe dans l’étude SCD-HeFT a permis de mettre en évidence que la diminution de la mortalité n’est retrouvée que lorsque la FE est < 30 % (alors que la FE devait être < 35 % comme critère d’inclusion). Les recommandations sont de classe IIb avec un niveau de preuve C (le poids des preuves est insuffisant pour avoir une opinion ; niveau de preuves fondé sur un consensus d’experts consultés) chez les patients ayant une CMD en apparence primitive avec FE ventriculaire gauche entre 31 et 35 % et en classe II et III de la NYHA.   Conclusion   La question principale est de savoir comment évaluer le risque de mort subite individuel en cas de cardiomyopathie dilatée non ischémique. Les différentes études sus-citées n’ont pas été conçues pour déterminer comment utiliser au mieux le DAI et aucune place n’est accordée aux facteurs de risque de mort subite par trouble du rythme ventriculaire. Le rapport coût/bénéfice doit être élaboré au cas par cas en attendant de pouvoir sélectionner plus précisément les patients à haut risque de mort subite. Les prochains essais cliniques ou les études de cohortes observationnelles nous permettront peut-être d’élaborer une meilleure stratégie pour ce type de patients.

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