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Échocardiographie

Publié le 19 avr 2005Lecture 9 min

Détection de la viabilité myocardique par échographie de stress

Les Journées européennes de la SFC

La définition de la viabilité myocardique n’est pas univoque. En effet, elle concerne des situations cliniques différentes : on distingue schématiquement les zones myocardiques sidérées (après une ischémie aiguë sévère) et les zones myocardiques hibernantes (dans la dysfonction ventriculaire gauche ischémique chronique). Ces notions théoriques sont en réalité trop schématiques et des études physiopathologiques ont montré que les deux phénomènes sont bien souvent intriqués, des phénomènes de « sidération » répétés pouvant induire une dysfonction VG chronique (avec un flux coronaire normal au repos mais un défaut très marqué de réserve coronaire lors des efforts, par exemple).

La définition de la viabilité myocardique varie également selon la technique utilisée pour la mettre en évidence. Ainsi, pour un scintigraphiste, il s’agit de la persistance d’une activité membranaire permettant la capture du marqueur isotopique par la cellule alors qu’en tomographie par émission de positron, c’est la persistance d’un métabolisme du glucose qui définit une zone myocardique comme viable. En IRM, c’est la structure même du myocarde qui est analysée, la présence d’un hypersignal tardif signalant la présence d’une viabilité.   Définition échographique Pour l’échographiste, la viabilité se définit par la présence, au sein d’une zone myocardique qui dysfonctionne au repos, d’une réserve contractile. Il s’agit, en effet, de démontrer qu’une région hypo- ou akinétique au repos est capable, lors d’une stimulation, d’améliorer sa contractilité. La présence de cette réserve contractile doit permettre de prédire que la zone myocardique est susceptible de récupérer une meilleure fonction soit de façon spontanée (à la suite d’un syndrome coronarien aigu, soit après une revascularisation (chirurgie coronarienne dans une dysfonction VG ischémique chronique). C’est essentiellement dans cette dernière situation clinique que l’étude de la viabilité prend tout son intérêt puisqu’elle peut influer sur la décision thérapeutique. Dans les syndromes coronariens aigus, l’attitude thérapeutique est le plus souvent une revascularisation immédiate de l’artère coupable et l’étude de la viabilité n’apporte que rarement d’élément décisionnel. La présence de cette réserve contractile traduit des modifications histologiques moins sévères qu’en l’absence de viabilité et comporte des informations pronostiques importantes comme l’ont montré de nombreux travaux cliniques. L’apparition d’une dégradation de la cinétique dans le territoire, signant une ischémie, est également un signe de viabilité de cette zone, qu’elle survienne après une amélioration transitoire ou d’emblée. Cela a été rappelé récemment dans une mise au point d’un groupe d’experts européens pour qui la meilleure définition du myocarde hibernant est « une zone myocardique dysfonctionnante et viable dans laquelle un défaut de réserve de perfusion déclenche une ischémie ».   Méthodes de stress Deux méthodes de « stress » sont à la disposition de l’échographiste en routine pour mettre en évidence cette réserve contractile : un agent pharmacologique ou l’effort physique.   Pharmacologie La dobutamine à faible dose, grâce à son effet inotrope positif, a certainement été la plus étudiée dans cette indication. Le protocole consiste à administrer, en perfusion continue, des doses progressivement croissantes de dobutamine par paliers de 2 à 3 min : 5 µg/kg/min, puis 7,5, 10, voire 20 µg/kg/min. Le protocole varie légèrement d’un centre à l’autre (figure 1), l’important étant de prolonger l’analyse de la cinétique à faible dose. On sait, en effet, que certains segments myocardiques très mal vascularisés peuvent présenter une ischémie précocement au cours du test, la réserve contractile pouvant passer inaperçue si le test est trop brutal. Le critère qui permet de savoir que la dose maximale pour l’étude de la viabilité est atteinte est une augmentation de la FC de plus de 10 bpm. Figure 1. Protocoles de dobutamine faibles doses pour l’étude de la viabilité. A : protocole classique, B : on introduit une dose de 15 µg/kg/mn, C : protocole de notre centre avec des paliers plus courts mais une dose de 7,5 µg/kg/mn permettant une bonne progressivité de l’effet inotrope, D : certaines équipes commencent à 2,5 µg/kg/mn. De nombreux travaux ont validé l’échographie dobutamine pour prédire la récupération fonctionnelle de la zone étudiée soit dans le postinfarctus, soit dans la dysfonction VG ischémique chronique. Les chiffres de spécificité sont bons (proches de 90 %) alors que la sensibilité est imparfaite (75 à 85 %).   Effort physique L’effort physique peut se substituer au test à la dobutamine pour rechercher une réserve contractile dans le postinfarctus comme l’ont montré deux équipes. Un faible niveau d’effort permet de mettre en évidence une amélioration de la cinétique segmentaire dans certaines régions. Aucune donnée n’est actuellement disponible dans la dysfonction VG chronique mais des équipes travaillent sur ce sujet.   Tolérance à des tests La tolérance aux faibles doses est excellente, aucun effet secondaire grave n’ayant été rapporté pour des variations de FC < 10 bpm. Par contre, il en va différemment si le test est poursuivi jusqu’à la FC maximale. On sait, en effet, que ce sont les patients porteurs d’une dysfonction VG qui présentent le plus de complications rythmiques graves. Il convient donc d’être particulièrement prudent et d’interrompre le test dès l’apparition d’une hyperexcitabilité ventriculaire. D’autres protocoles ont été proposés utilisant le dipyridamole ou une combinaison d’agents pharmacologiques mais ils ne sont pas d’utilisation courante.   Interprétation de l’échographie de stress   Analyse au repos La première étape consiste à décrire l’aspect de la paroi au repos. Des travaux menés avec l’IRM notamment ont bien montré qu’une paroi dont l’épaisseur diastolique est inférieure ou égale à 5,5 mm a très peu de chances de présenter une réserve contractile. L’aspect échogène de la paroi doit également être décrit ; il peut être localisé à l’endocarde (nécrose non-transmurale) ou concerner toute l’épaisseur pariétale.   Analyse de la cinétique segmentaire Pour l’échographiste, l’étape suivante est l’analyse de la cinétique segmentaire. Elle repose en routine sur l’étude de l’épaississement de la paroi myocardique en systole, qui est effectuée de façon subjective segment par segment. Cet épaississement doit bien être distingué du simple mouvement de la paroi qui ne traduit pas une contraction active. Cette analyse permet de classer chaque segment en normo-, hypo-, a- ou dyskinétique (on utilise le plus souvent la segmentation américaine qui comprend 17 segments). Le passage d’un grade vers le grade supérieur au cours de la stimulation inotrope (exemple : akinésie devant hypokinésie) signe une réserve contractile dans la zone concernée. L’étude de la cinétique segmentaire est également effectuée durant la suite du test si celui-ci a été poursuivi jusqu’à de plus fortes doses (effet chronotrope). En effet, après une amélioration précoce de la cinétique segmentaire, on peut assister dans certains segments à une dégradation de cette même cinétique au pic du test. Cette réponse « biphasique », témoin à la fois d’une viabilité myocardique mais également d’une ischémie, est la mieux corrélée avec la récupération à distance de la cinétique (figure 2). Figure 2. Échographie dobutamine (incidence apicale des 2 cavités). On note une akinésie inférieure avec aspect échogène, témoin d’une séquelle fibreuse non viable (petites flèches grises). La paroi antérieure nettement hypokinétique au repos, s’améliore à faibles doses (flèche blanche) avec une FC inchangée (87 et 88 bpm) pour devenir akinétique au pic à 126 bpm (flèche jaune). Il s’agit donc d’une réponse biphasique avec réserve contractile puis ischémie aux fortes doses. La zone viable doit concerner un minimum de segments pour avoir un impact clinique. Des auteurs ont montré que, chez des patients porteurs d’une dysfonction VG chronique sévère (FE moyenne = 28 %), pour obtenir une amélioration de la FE d’au moins 7 % après revascularisation, il faut une réserve contractile dans au moins 4 segments. D’autres travaux ont montré qu’il faut 5 à 6 segments viables pour que la survie des patients soit améliorée après revascularisation. Une équipe a récemment attiré l’attention sur les zones dites « modérément hypokinétiques » au repos. En effet, ces régions présentent fréquemment une réserve contractile sous dobutamine mais ne récupèrent une cinétique normale que dans 40 % des cas environ. Ces zones correspondent probablement à des nécroses sous-endocardiques avec une contractilité préservée de la région sous-épicardique qui répond à la dobutamine. Cependant, la fonction de ces régions au repos est peu influencée par une revascularisation. L’analyse de la contractilité au repos après revascularisation est toutefois probablement insuffisante et la même équipe a refait une échographie dobutamine après revascularisation montrant une différence significative de la FE sous dobutamine après revascularisation en cas de viabilité alors que la FE au repos était inchangée.   Interrompre le traitement bêtabloquant Dans la plupart des cas, le traitement bêtabloquant est interrompu dans les 48 heures précédant l’examen. Cela permet d’obtenir une réponse inotrope dès les faibles doses de dobutamine. En présence d’un traitement bêtabloquant, il est beaucoup plus difficile d’étudier la réserve contractile car l’effet inotrope survient à des doses plus élevées, variables et non prévisibles d’un patient à l’autre. Une équipe néerlandaise a ainsi réalisé un examen avec et sans bêtabloquant dans un ordre aléatoire chez 21 patients. Les auteurs ont montré que 2 réponses ischémiques, 7 réponses biphasiques et 4 améliorations soutenues n’étaient pas détectées sous bêtabloquants. L’arrêt des bêtabloquants peut parfois poser problème lorsque son introduction a été longue et difficile chez des patients avec FE très basse. Il est alors préférable de proposer une autre méthode de recherche d’une viabilité chez ces patients.   Avantages et limites de l’échographie de stress   Son principal avantage réside dans sa disponibilité et donc sa rapidité de réalisation. Cela en fait un outil de première intention dans de nombreux centres. Son second atout est sa bonne spécificité, lui conférant une bonne valeur lorsque qu’une réserve contractile est mise en évidence. Deux limites sont importantes à connaître : • le caractère purement subjectif de l’analyse de l’examen qui nécessite un apprentissage long et un entraînement régulier à la lecture pour être performant ; • la sensibilité imparfaite du test qui peut conduire à tort à une décision d’abstention de revascularisation alors que le patient en bénéficierait. Cela incite donc à compléter la recherche de viabilité par une autre méthode en cas de résultat négatif, surtout lorsqu’il s’agit d’un sujet jeune.   Autres méthodes   La scintigraphie myocardique Elle est également utilisée en routine pour la recherche de viabilité. Elle a l’avantage d’être très sensible mais l’inconvénient d’être peu spécifique (50 % dans plusieurs séries importantes), ce qui la rend plus difficile d’utilisation en termes de décision thérapeutique. De nouveaux traceurs devraient permettre de pallier cette difficulté. Enfin, sa disponibilité et son coût plus élevé la rendent moins maniable que l’échographie.   L’IRM L’IRM est incontestablement l’examen de référence pour la recherche de la viabilité myocardique aujourd’hui. En effet, sa valeur diagnostique et pronostique est maintenant bien établie et elle combine une excellente sensibilité et spécificité. La structure de la paroi peut être étudiée au repos. On définit ainsi l’épaisseur de la paroi touchée par la nécrose (une atteinte de plus de 75 % rendant une récupération après revascularisation peu probable). Il est aussi possible, comme en échographie, d’étudier la contractilité segmentaire au repos et sous dobutamine. La technique est ici très fiable car d’excellente qualité chez pratiquement tous les patients, contrairement à certains patients peu échogènes en échographie. De plus, on peut aisément quantifier le pourcentage de raccourcissement, ce qui rend la méthode plus reproductible. Un travail récent a étudié l’impact des deux paramètres disponibles — extension de la nécrose dans la paroi et réserve contractile — sur la récupération contractile de patients porteurs d’une dysfonction VG revascularisés. L’étude de la réserve contractile sous dobutamine est supérieure à l’extension transmurale de la nécrose quel que soit le seuil utilisé pour prédire la récupération. Cela assoit un peu plus le concept de réserve contractile comme élément de viabilité clinique.   En conclusion   L’évaluation d’un patient porteur d’une dysfonction VG ischémique chronique doit faire l’objet d’une étude de la viabilité myocardique afin de préciser au mieux le bénéfice potentiel d’une revascularisation. L’échographie de stress sous dobutamine est très utile en première intention pour détecter une réserve contractile et préciser son étendue. En cas de doute ou de test négatif chez un patient ayant une anatomie coronaire favorable pour une revascularisation, il est indispensable de compléter l’évaluation par une IRM avec test à la dobutamine. L’étude du métabolisme cellulaire et du flux coronaire représente l’étape ultérieure dans l’étude du tissu myocardique dysfonctionnant. Elle est déjà possible en recherche et sera probablement disponible en routine assez rapidement grâce à l’IRM. Sa valeur pronostique devra faire l’objet d’études, en particulier pour évaluer son importance par rapport à la réserve contractile, outil quotidien d’évaluation de la viabilité myocardique aujourd’hui.

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