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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 15 nov 2011Lecture 8 min

Défibrillateurs et chocs appropriés : « Less is more » - Pourquoi et comment limiter les chocs appropriés ?

O. PIOT, Centre Cardiologique du Nord, Saint-Denis


12es Journées de rythmologie
Le bénéfice du défibrillateur en termes de survie a été clairement établi tant en prévention primaire que secondaire et a conduit à des indications précises d’implantation. Ce bénéfice est lié au traitement approprié de troubles du rythme ventriculaire qui, sinon, auraient menés au décès. L’implantation d’un défibrillateur n’est cependant pas sans effet délétère lié au choc lui-même. Le problème des chocs inappropriés est bien connu et leur prévention est un objectif clair de la prise en charge d’un patient implanté.

Pourquoi vouloir limiter les chocs appropriés ?   Tous les chocs appropriés ne sauvent pas le patient Il faut distinguer deux types de chocs appropriés. Certains sont nécessaires car ils réduisent des troubles du rythme ventriculaires sévères et soutenus, dont la survenue n’a pu être prévenue par d’autres traitements et dont la réduction n‘a pu être effectuée par la stimulation antitachycardique (ATP). À l’inverse, d’autres chocs appropriés ne sont pas nécessaires, soit parce qu’ils réduisent des troubles du rythme dont la survenue aurait pu être prévenue, soit parce qu’ils surviennent de façon intempestive sur des troubles du rythme qui, sans thérapie, se seraient réduits spontanément, ou soit parce que les troubles du rythme auraient pu être réduits par ATP plutôt que par choc.   La survenue de chocs a des effets secondaires bien évalués Retentissement psychologique délétère, altération de la qualité de vie et une usure plus rapide du défibrillateur conduisant à un changement plus rapide de l’appareil, augmentant la morbidité globale subie par le patient et le coût de la thérapie pour la société. Avec le défibrillateur, il est donc maintenant question d’éviter tout choc inutile, c’est-à-dire d’éviter non seulement les chocs inappropriés, mais aussi les chocs appropriés non nécessaires comme définis ci-dessus.   Comment y parvenir ? Il y a trois niveaux d’action : des mesures générales concernant l’atteinte cardiaque sous-jacente, l’utilisation de traitement adjuvant, médicaments ou ablation, et l’optimisation du réglage du défibrillateur.   Réévaluer la cardiopathie sous-jacente Un lien entre mortalité et survenue de chocs a été souligné dans de nombreux travaux. Les études ont bien montré que les patients implantés ont une mortalité plus faible que des patients non implantés, mais parmi ces patients implantés, ceux qui vont recevoir des chocs ont un pronostic plus défavorable que ceux qui ne vont pas recevoir de choc. La raison essentielle est que la survenue de chocs signe une évolutivité de la maladie cardiaque sous-jacente, mais il n’est pas écarté que les chocs puissent avoir un effet délétère direct. Ce lien entre évolutivité de la cardiopathie et chocs doit pousser le cardiologue à une prise en charge agressive de tout événement menant à une hospitalisation : réévaluation de la cardiopathie, renforcement du traitement médicamenteux, discussion d’indication à une revascularisation, une chirurgie, une resynchronisation. L’utilisation du télésuivi peut être intéressante dans ce contexte. La prise en charge psychologique du patient est aussi un élément important de la prise en charge avec des études en cours cherchant à démontrer un effet de la thérapie comportementale sur la survenue de chocs appropriés.   Traitements adjuvants L’intérêt des traitements adjuvants (médicaments et ablation) a été évalué dans plusieurs essais d’envergure. Un « bon » traitement adjuvant doit remplir un cahier des charges précis : preuve d’efficacité, absence d’effet négatif sur la mortalité, absence d’interaction avec le bon fonctionnement du défibrillateur et tolérance acceptable. De nombreux candidats ont été évalués, avec des résultats parfois négatifs ou non publiés (tableau 1). Pour les traitements médicamenteux, le sotalol, l’azimilide et l’association bêtabloquant/amiodarone ont montré un bénéfice soit versus placebo, soit versus bêtabloquant chez des patients ayant le plus souvent une cardiopathie ischémique et implantés en prévention secondaire (tableau 2). Il faut noter que dans l’essai OPTIC, l’association bêtabloquant/amiodarone a diminué de façon significative le taux de chocs appropriés comparativement à un traitement bêtabloquant seul (-70 %) ou au sotalol (-56 %). Dans cet essai, le sotalol a diminué de 31 % le taux de chocs appropriés par rapport au traitement bêtabloquant seul, ce qui n’était pas significatif. En pratique, il faut favoriser l’utilisation d’un traitement bêtabloquant chez un patient implanté, traitement souvent déjà indiqué pour le traitement de la cardiopathie sous-jacente et s’assurer d’un bêtablocage efficace. Ce n’est qu’en cas de survenue de trouble du rythme ventriculaire, qu’au cas par cas, il faudra discuter de l’utilisation du sotalol ou de l’amiodarone. L’azimilide n’est pas disponible, mais un regain d’intérêt récent pour cette molécule pourrait la relancer dans cette indication. L’ablation par radiofréquence ventriculaire a été évaluée dans deux études randomisées publiées récemment et a montré des résultats positifs. Ces deux études ont été réalisées chez des patients ayant une séquelle d’infarctus avec dysfonction ventriculaire gauche et une indication de défibrillateur en prévention secondaire, soit une fibrillation ventriculaire, une tachycardie ventriculaire mal tolérée ou une syncope avec stimulation ventriculaire positive dans l’étude SMASH-VT, soit une tachycardie ventriculaire bien tolérée dans l’étude V-TACH. La diminution du taux de troubles du rythme ventriculaire et de chocs appropriés est nette à l’issue d’un suivi de presque deux ans dans les deux cas. En pratique, l’ablation ventriculaire qui est une ablation complexe à risque de complications non négligeable est proposée en cas de récidive de troubles du rythme mal tolérés ou non réduits par ATP. Des études sont en cours pour évaluer l’ablation en alternative à l’amiodarone. Outre l’information du patient sur ces différentes options thérapeutiques, une discussion entre cardiologue traitant et implanteur est essentielle à la bonne prise de décision sur l’indication de ces traitements adjuvants. Réduction d’une tachycardie ventriculaire par ATP. Dans cet exemple, une tachycardie ventriculaire à un cycle de 290 ms est réduite par ATP par une deuxième séquence (ramp) après une première séquence (burst) inefficace. À noter, le passage en fibrillation atriale avec une bitachycardie transitoire (électrogramme atrial en haut, ventriculaire au milieu et intervalles en bas). L’ATP doit être programmé jusque des cycles de 240 ms. Son réglage est adapté pour chaque patient lors du suivi selon la tolérance et le degré d’efficacité. Réglage du défibrillateur La programmation du défibrillateur a évolué ces dernières années avec le souci constant de limiter les chocs inappropriés et aussi les chocs appropriés non nécessaires. Deux principes orientent la recherche d’une programmation limitant les chocs appropriés qui ne sont pas nécessaires : – augmenter la détection pour limiter le choc intempestif de trouble du rythme non soutenu, – substituer le plus souvent possible le choc par la réduction par ATP. Allonger la détection en « langage défibrillateur », c’est augmenter le nombre d’intervalles de détection qui définit un trouble du rythme soutenu à traiter. Les risques potentiels sont la survenue d’une syncope, puisque l’on va tolérer un temps un peu plus long de tachycardie de l’ordre de quelques secondes, et un doute sur une efficacité comparable des chocs délivrés sur une tachycardie un peu plus prolongée en cas de mauvaise tolérance. Des études sont en cours sur ce sujet. Certains essais préliminaires sont encourageants sur le gain à attendre en termes de diminution du taux de chocs appropriés et sur la sécurité d’un tel réglage qui, de façon schématique, allonge, pour une tachycardie à 220/min, la durée de détection de 5 à 8 secondes. Cet allongement de la durée de détection est déjà souvent utilisé chez des patients ayant des tachycardies ventriculaires non soutenues, particulièrement chez les patients ayant une cardiomyopathie hypertrophique, une dysplasie ventriculaire droite arythmogène, ou aussi dans les syndromes de Brugada et du QT long. L’utilisation de l’ATP pour réduire un trouble du rythme en alternative au choc a été bien évaluée ces dix dernières années. La mise en route est rapide (pas de temps de charge comme pour un choc), la thérapie est indolore et économe contrairement au choc. Les risques sont une accélération de la tachycardie, souvent moins bien tolérée, et la survenue plus fréquente de syncope. Pour les tachycardies peu rapides (< 188/min), l’ATP a une efficacité de l’ordre de 85 % avec un taux d’accélération de 2 à 4 %. Actuellement, 4 à 6 séquences d’ATP sont le plus souvent programmées dans cette zone. Pour les tachycardies plus rapides (188 à 250/min), l’étude randomisée PainFree Rx II réalisée chez 634 patients a démontré l’intérêt de l’ATP efficace à 72 % avec 2 % d’accélération, sans plus de syncope. Un choc au moins a été prévenu chez 40 patients sur 47 ayant eu des troubles du rythme et la qualité de vie était meilleure dans le groupe ATP. Dans cette zone, il est en général programmé une à deux séquences d’ATP avant choc. Pour les tachycardies plus rapides (> 250/min), depuis peu de temps, l’ATP peut être programmable, soit avant, soit pendant la charge des condensateurs avant le choc. Il n’y a pour l’instant aucun résultat d’étude donnant une idée sur l’efficacité et la sécurité de la programmation d’une séquence d’ATP dans cette zone de tachycardie très rapide. En bref, il est conseillé de programmer de l’ATP pour traiter des tachycardies jusque 250/min et de ne réserver un traitement par choc d’emblée que pour des tachycardies à des fréquences supérieures. Concernant le réglage de l’ATP, plusieurs travaux apportent des informations : les « bursts » sont plus efficaces et plus sûrs que les « ramps » en première intention, sans différence entre 8 et 15 stimuli, et la stimulation biventriculaire chez les patients resynchronisés pourrait être plus efficace dans la cardiopathie ischémique. De nombreuses études sont en cours sur l’optimisation de réglage des différents paramètres de programmation du défibrillateur pour limiter les chocs non nécessaires, inappropriés ou non. Le défibrillateur est un moyen thérapeutique palliatif très efficace, mais dont l’acceptabilité est diminuée par son impact négatif sur la qualité de vie, principalement à cause du vécu douloureux et parfois traumatisant des chocs. La maturité de cette thérapeutique passe donc par une évolution d’une simple « boîte à chocs » à un outil de réduction des troubles du rythme ventriculaire, avec le choc comme thérapie de seconde intention réservée à de rares troubles du rythme sévères. « Less is more », la célèbre devise du minimalisme, est maintenant celle de la défibrillation.

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