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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 12 sep 2006Lecture 8 min

Clopidogrel et prévention du risque embolique dans la FA

S. LÉVY, hôpital Nord, Marseille

La fibrillation auriculaire (FA) est un trouble du rythme affectant environ 1 % de la population de sujets âgés > 50 ans. On estime que 2 millions d’Américains et plus de 3 millions d’Européens en sont atteints. Il est bien connu que le risque majeur de la FA est le risque embolique, particulièrement sous la forme d’accident vasculaire cérébral (AVC).

Le risque de survenue Il est en moyenne de 5 % par an, et peut atteindre 23 % chez les patients > 80 ans. La caractéristique de l’AVC lié à la FA est qu’il conduit, dans 71 % des cas, à un décès ou à des séquelles graves. Le risque global pour un patient en FA d’avoir un AVC au cours de sa vie est de 35 %.   AVK Une des leçons des études AFFIRM (Atrial Fibrillation Follow-up Investigation of Rhythm Management) et RACE (Ramipril CardioProtective Evaluation), qui ont comparé deux stratégies, contrôle de la fréquence et contrôle du rythme, est que le rétablissement et le maintien du rythme sinusal ne dispensent pas du traitement anticoagulant par antivitamine K (AVK) chez les patients à risque. Les études contrôlées sur les AVK ont montré une réduction du risque embolique en moyenne de 62 % dans le groupe warfarine comparé au groupe placebo alors que l’aspirine ne diminue ce risque que de 20 % environ. Les AVK sont contre-indiquées chez environ 30 % des patients en FA. Malgré leur efficacité prouvée, leur maniement est difficile du fait que la fenêtre thérapeutique est étroite (INR entre 2 et 3), leur cinétique complexe et les interactions médicamenteuses nombreuses. Le risque hémorragique est de 1 % pour les accidents exigeant une hospitalisation, une transfusion ou une chirurgie, et de 8 % pour les hémorragies mineures. Cela explique que seuls 30 à 40 % des patients chez lesquels ce traitement est indiqué, sont sous AVK. Dès lors, des alternatives sont souhaitables dont l’association clopidogrel + aspirine constitue une alternative possible que l’étude ACTIVE (The Atrial fibrillation Clopidogrel Trial with Irbesartan for prevention of Vascular Events) a essayé d’évaluer.   Clopidogrel Le clopidogrel a un mécanisme d’action différent de celui de l’aspirine (figure 1). L’aspirine inhibe seulement la voie de la cyclooxygénase (COX) et n’affecte pas les récepteurs de l’adénosine biphosphate (ADP). Le clopidogrel inhibe, par un de ses métabolites actifs, l’agrégation plaquettaire dépendante de l’ADP notamment du récepteur P2Y12. Figure 1. Mécanisme d'action du clopidogrel d'après Schafer et al. Am J Med 1996 ; 101 : 199-209. COX, cyclo-oxygenase ; ADP, adénosine diphosphate ; TXA2, thromboxane A2. Dès lors, l’association clopidogrel + aspirine est logique et peut apporter un bénéfice supplémentaire sur l’utilisation de chaque médicament isolement. Cependant, l’étude MATCH (Management of ATherothrombosis with Clopidogrel in High risk patients) qui a inclus des patients ayant fait un AVC ou un accident ischémique transitoire, avec d’autres facteurs de risque, infarctus du myocarde (IDM), diabète, angor, artériopathie périphérique symptomatique, n’a pas montré de différence concernant l’objectif primaire entre clopidogrel seul comparativement à l’association clopidogrel + aspirine. L’objectif primaire était composé de l’AVC ischémique, IDM, mort vasculaire ou réhospitalisation pour ischémie aiguë. En revanche, l’adjonction d’aspirine augmente le risque hémorragique. De grandes études ont bien établi que l’adjonction de clopidogrel à l’aspirine dans les syndromes coronariens aigus (SCA) et dans l’IDM réduit le risque d’événements vasculaires. L’étude CURE (Clopidogrel in Unstable angina to prevent Recurrent Events) a notamment évalué l’efficacité et la tolérance du clopidogrel en plus du traitement standard, incluant l’aspirine chez 12 562 patients avec un syndrome coronarien aigu (sans sus-décalage du segment ST). L’objectif primaire était la survenue d’un des éléments suivants : le décès cardiovasculaire, l’IDM et l’AVC quel qu’en soit le type (ischémique, hémorragique ou indéterminé). Après un suivi de 3 à 12 mois, le clopidogrel a entraîné une réduction très significative (p = 0,00009) du risque relatif de 20 % des éléments de l’objectif principal qui a été atteint chez 11,4 % du groupe placebo et chez 9,3 % du groupe clopidogrel. Cette réduction du risque apparaît dès 30 jours de traitement et se maintient tout au long du suivi de 12 mois. On sait aussi que l’association clopidogrel + aspirine réduit de 77 % le risque de décès ou d’IDM après une intervention coronaire percutanée. Sur les données des études CURE et CAPRIE (Clopidogrel vs Aspirin in Patients at Risk of Ischemic Events), le clopidogrel a été approuvé aux États-Unis et en Europe dans la prévention des complications suivantes de l’athérothrombose : • l’IDM récent, l’AVC récent ou ancien, • l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs, • les syndromes coronariens aigus, que le traitement indiqué soit le traitement médical ou interventionnel, par recanalisation coronaire percutanée ou chirurgicale par pontage, le clopidogrel ayant montré une réduction du risque composé du décès cardiovasculaire, de l’IDM ou d’AVC.   Aspirine Le traitement antiplaquettaire par aspirine est efficace dans la thrombose liée à la stase veineuse. Cela a été confirmé par l’étude PEP (Pulmonary Embolism Prevention trial) menée sur plus de 13 000 patients après une intervention de chirurgie orthopédique, suggérant que le traitement antiplaquettaire pourrait être efficace dans la prévention de la thrombose. Au niveau de l’auricule gauche, siège fréquent des caillots compliquant la FA, la stase sanguine joue possiblement un rôle. Une métaanalyse sur les essais cliniques réalisés avec l’aspirine a montré que l’efficacité est significative pour des doses allant de 75 à 325 mg. L’étude WARIS-II (Warfarin Aspirin Ré-Infarction Study) a randomisé les patients ayant fait un IDM sous warfarine (1 216 patients), sous aspirine 160 mg (1 206 patients), ou sous l’association (aspirine 75 mg ; 1 208 patients). L’objectif primaire était composé de la mortalité totale, de la récidive d’IDM et d’AVC. Il a été atteint chez 24,5 % des patients du groupe aspirine, dans 19,4 % dans le groupe warfarine et 17,4 % dans le groupe warfarine plus aspirine. La warfarine a réduit essentiellement le risque d’AVC et de récidive d’IDM, et l’aspirine a réduit surtout la mortalité et la survenue de syndromes coronariens aigus. Des études sur l’anticoagulation dans la FA, seule l’étude SPAF I (Stroke Prevention in Atrial Fibrillation) a montré une réduction significative du risque d’AVC de 44 %. Dans les études AFASAK (Atrie Flimmer ASpirin AntiKoagulation) et EAFT (European Atrial Fibrillation Trial), la réduction du risque d’AVC est de 18 et 15 % respectivement mais cette amélioration n’est pas statistiquement significative. La réduction moyennée de ces trois études est de 21 % et il n’a pas été possible d’identifier de groupe de patients particulièrement répondeur.   Risque hémorragique et association aspirine + clopidogrel La relation entre la dose d’aspirine et le risque hémorragique majeur a été évaluée dans l’étude CURE : • l’addition du clopidogrel à des doses d’aspirine < 100 mg s’accompagne d’un risque hémorragique accru comparativement au placebo (clopidogrel plus placebo = 1,9 % ; clopidogrel plus aspirine : 3,0 %, p = 0,01) ; • à des doses d’aspirine > 100 mg, la différence en termes de risque hémorragique entre clopidogrel ou placebo en plus de l’aspirine n’est pas statistiquement significative, le bénéfice en termes d’efficacité n’étant pas affecté par la dose d’aspirine associée au clopidogrel.   L’étude ACTIVE Les patients ayant une FA présentent un risque de complications vasculaires. L’anticoagulation orale par les AVK et l’aspirine réduisent ce risque, les AVK étant plus efficaces que l’aspirine mais présentant aussi un risque hémorragique plus élevé. D’après les recommandations internationales, les AVK sont indiquées chez la majorité des patients en FA. L’hypothèse sur laquelle est basée l’étude ACTIVE est que la prévention des événements vasculaires dans la FA, qui survient surtout chez le sujet âgé donc à plus haut risque vasculaire, par le clopidogrel plus l’aspirine est supérieure à l’aspirine seule et comparable à la warfarine mais avec une tolérance et une facilité d’utilisation plus grandes (pas de nécessité de contrôles biologiques de la coagulation). L’étude ACTIVE comporte trois bras : ACTIVE-W, ACTIVE-A et ACTIVE-I (figure 2). Figure 2. Le clopidogrel dans la fibrillation auriculaire : l'étude ACTIVE. L’objectif de l’étude ACTIVE-W a été de montrer que l’association clopidogrel plus aspirine n’est pas inférieure (comparaison en non-infériorité) au traitement antithrombotique par warfarine dans la réduction du risque de complications vasculaires chez les patients en FA. L’objectif primaire était basé sur le critère d’efficacité composé d’AVC, d’embolie périphérique, d’IDM et de mort d’origine vasculaire. L’objectif secondaire de tolérance a évalué les accidents hémorragiques. Les résultats ont été présentés en novembre 2005, au congrès de l’American Heart Association. En effet, le comité de Sécurité a ordonné l’interruption prématurée du bras ACTIVE-W de l’étude en raison de la supériorité de l’anticoagulation orale par warfarine et la poursuite des bras ACTIVE-A (clopidogrel + aspirine versus aspirine seule) et ACTIVE-I (irbesartan versus placebo) Les deux groupes de l’étude ACTIVE-W comprenaient 3 371 patients dans le groupe warfarine et 3 335 patients dans le groupe clopidogrel plus aspirine et étaient comparables. L’objectif primaire (AVC, embolie périphérique, IDM et mort d’origine vasculaire) a été atteint dans 3,93 % dans le groupe warfarine et dans 5,60 % dans le groupe clopidogrel plus aspirine (p < 0,0003). Un saignement majeur est survenu dans 2,21 % des cas dans le groupe warfarine et 2,42 % dans le groupe clopidogrel plus aspirine, une différence non significative (p = 0,53). La warfarine s’est donc montrée supérieure dans la prévention de l’AVC et des embolies périphériques, essentiellement dans le groupe des patients préalablement traités par AVK à l’entrée dans l’essai, en présentant également un risque moindre en termes de saignement majeur. Globalement, les patients traités par AVK ont été maintenus entre 2 et 3 d’INR durant 63,8 % du temps dans l’essai. La mortalité a été identique dans les deux groupes. Il en résulte que l’anticoagulation orale par AVK est supérieure à l’association clopidogrel + aspirine dans la prévention des complications vasculaires et notamment emboliques dans la FA. Le traitement anticoagulant par AVK n’a pour l’instant pas trouvé de concurrent et reste la norme pour les patients en FA avec facteurs de risque embolique (valvulopathie mitrale, âge > 75 ans, insuffisance cardiaque, hypertension, diabète, antécédent embolique, fraction d’éjection diminuée, grosse oreillette gauche);   Conclusion et points forts   Le risque embolique dans la FA est en moyenne de 5 % par an, peut atteindre 23 % pour les patients > 80 ans. Les AVK réduisent le risque embolique de 62 % en moyenne mais leur maniement est difficile : fenêtre thérapeutique étroite (INR entre 2 et 3), cinétique complexe et interactions médicamenteuses nombreuses. Le clopidogrel (Plavix®) est un antiplaquettaire avec un mécanisme d’action différent de celui de l’aspirine. L’aspirine diminue le risque embolique de 20 % environ dans la FA. L’adjonction de clopidogrel à l’aspirine dans les syndromes coronariens aigus et dans l’IDM réduit le risque d’événements vasculaires. L’association clopidogrel + aspirine constitue théoriquement une alternative possible aux AVK mais l’étude ACTIVE-W (clopidogrel plus aspirine versus warfarine) a montré que la warfarine est supérieure dans la prévention du risque embolique, particulièrement dans le groupe des patients préalablement traités par AVK avant leur entrée dans l’essai. Les études ACTIVE-A (clopidogrel plus aspirine versus aspirine seule) et ACTIVE I (irbésartan versus placebo) sont en cours. Le traitement anticoagulant par AVK reste la norme pour les patients en FA avec facteurs de risque embolique.

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