publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Vasculaire

Publié le 27 juin 2006Lecture 6 min

Anomalies embryologiques artérielles

C. CARDON et J.-L. SABLAYROLLES, Centre Cardiologique du Nord, Saint Denis

Les progrès récents en imagerie médicale permettent d’appréhender les pathologies vasculaires ayant une origine embryologique sous un jour nouveau. On peut opposer les anomalies constitutionnelles de l’arbre vasculaire ayant un retentissement clinique aux particularités anatomiques pouvant compliquer des gestes diagnostiques ou thérapeutiques. L’arbre vasculaire que nous retrouvons chez l’adulte se constitue embryologiquement avant la fin du deuxième mois.
Les principales malformations concernent l’aorte thoracique, responsables d’une morbi-mortalité importante. À l’opposé, les troncs supraaortiques, s’ils présentent de nombreuses variations, sont rarement symptomatiques.

  Embryologie La vasculogenèse débute rapidement. Héritées des cordes neurales et des cellules mésenchymateuses, les structures vasculaires vont s’organiser à partir des cellules endothéliales, des cellules musculaires lisses et péricytes dès les deux premières semaines. L’architecture multicouche tubulaire du vaisseau sanguin prend forme sous l’influence principalement du VEGF (vascular endothélial growth factor). Au 23e jour, on note la présence de deux artères aortes dorsales de part et autre de la ligne médiane de l’embryon qui mesure à ce stade moins de 2 millimètres.   Crosse aortique et troncs supraaortiques À partir du 29e jour, entre ces deux aortes dorsales, les arcs aortiques vont progressivement permettre la formation des différents troncs supraaortiques, de la crosse aortique, du tronc de l’artère pulmonaire et du canal artériel. Si les deux premiers arcs involuent avant le 33e jour, ils laissent en position médiane le sac aortique, origine de l’aorte ascendante. Du sac aortique partent les cornes embryologiques des artères carotides communes (schéma 1a). Les 3e arcs aortiques, par leur migration secondaire, vont former les artères carotides internes. Des 4e arcs se formeront, après involution de l’aorte dorsale droite, l’ostium de la sous-clavière droite et l’aorte horizontale (schéma 1 b,c). Enfin, les 6e arcs constituent le plan pulmonaire avec les veines pulmonaires, le tronc artériel pulmonaire et, à gauche, le canal artériel. Pour finir naissent, latérales aux aortes dorsales, des artères intersegmentaires qui donnent naissance aux artères sous-clavières droite et gauche (schéma 1d). Parallèlement à l’apparition de ces différents arcs aortiques, des segmentations vont s’opérer, le massif cardiaque va descendre de sa position cervicale au niveau thoracique en effectuant une rotation de la droite vers la gauche, ce qui conduit au schéma classique de l’aorte ascendante, crosse, aorte descendante thoracique et de l’artère pulmonaire avant le 56e jour de l’embryon. Schéma 1. Formation aorte thoracique. Aorte abdominale et vascularisation pelvienne Avant le 36e jour, dans leur segment abdominal, les aortes dorsales vont fusionner (schéma 2). Des branches viscérales vont se former soit latéralement (= branches latérales segmentaires), soit médianes (= branches ventrales segmentaires) (tableau). À un stade plus tardif, les branches ventrales basses vont former les troncs iliaques à partir des artères ombilicales (schéma 3). 7 => Branches dorsolatérales intersegmentaires 2 => Branches ventrales segmentaires 10 => Branches latérales segmentaires Schéma 2. Formation aorte abdominale à 30 et 36 jours. 1 . Aorte dorsale 2. Tronc cœliaque 3. A. mésentérique supérieure4. A. mésentérique inférieure 5. A. Ombilicale (Lig.omb.mes.) 6. A. ischiatique 7. A. sacrale médiane 7. A. sacrale médiane 8. A. fémorale 9. A. ombilicale (partie de la future artère iliaque interne) 10. A. ombilicale (partie de la future artère iliaque commune gauche) 11. A. iliaque externe 12 A. illiaque commune droite Schéma 3. Vue latérale de l’aorte abdominale et des branches ventrales (46e jour, et stade adulte). Implications cliniques   Aorte thoracique Canal artériel. Développé à partir du 6e arc, le canal artériel est nécessaire pendant la vie fœtale (photo 1). Toutefois, le défaut de fermeture du canal artériel est une des cardiopathies congénitales les plus fréquentes (9 %). Certaines formes familiales sont en rapport avec une altération constitutionnelle de la myosine. Photo 1. AngioTDM Canal artériel. Coarctation aortique. Découverte le plus fréquemment dans le cadre de l’exploration d’une hypertension artérielle du sujet jeune, cette sténose de la région de l’isthme aortique représente 6 % des cardiopathies congénitales. On différentie trois formes : pré-ductale, juxta-ductale et post-ductale (photos 2 et 6). Dans les deux premiers cas, outre l’HTA, on retrouve une persistance du canal artériel et une altération de la fonction cardiaque droite. À l’inverse, dans sa forme post-ductale, le canal artériel est fermé mais une importante collatéralité thoracique à partir des artères mammaires, intercostales, etc. est développée, contournant la sténose aortique et assurant la vascularisation de l’hémicorps inférieur. Au stade vieilli, on observe une altération de la fonction cardiaque gauche. Photo 2. AngioTDM Coarctation aortique : importante collatéralité intercostale. A. Reconstruction volumique ; B. Degré sténose, calibration (courbe 2D). Photos 6. AngioTDM. Melle C… 20ans : malformation conplexe = Bicuspidie aortique, anévrisme aorte ascendante, coarctation aortique, artéria lusoria, anomalie naissance vertébrale gauche. A. anévrisme aorte ascendante ; B. bicuspidie aortique ; C. coarctation et arteria lusoria Interruption de l’arc aortique. Beaucoup plus rare que la coarctation (1 %), elle devient très rapidement symptomatique par les conséquences cardiaques rapides qu’elle occasionne dès les premiers mois de vie, avec une lourde mortalité (20-25 %). On lui distingue trois localisations différentes ayant chacune une origine embryologique propre. Pouvant être située en aval de la sous-clavière gauche (forme A, 45 % des cas), elle est liée à une scissure analogue à celle ayant pour conséquence l’involution de l’aorte dorsale droite. Dans la forme B (50 % des cas), l’interruption est située entre le tronc carotidien gauche et la sous-clavière gauche, liée à une anomalie du 4e arc. Enfin, très rarement (5 %), l’interruption est localisée entre les deux axes carotidiens. On définit le syndrome de Di George comme une interruption aortique et une communication interventriculaire.   Les troncs supraaortiques Exceptionnellement symptomatiques, les altérations morphologiques de l’implantation des troncs supraaortiques sont extrêmement variées (schémas 4,5 et photo 3). Schéma 4. Différentes variations anatomiques des troncs supraaortiques. Schéma 5. Variante anatomique de l’aorte à droite. Photo 3. AngioTDM aorte à droite. • La plus connue est le tronc commun bicarotidien retrouvé dans 15-20 % de la population générale. Autre particularité fréquente (8 %), la naissance aortique de l’artère vertébrale gauche. • L’aorte à droite, liée à l’involution anormale de l’aorte dorsale gauche, prend des aspects très divers, mais reste rare (entre 0,02 et 0,06 % de la population). Les troncs supraaortiques, dans les formes les plus classiques, naissent en miroir. • L’aorte cervicale est rare et correspond à un défaut de descente de l’aorte en position thoracique (photo 4). Photo 4. AngioTDM aorte cervicale. En intracrânien, le cercle de Willis par son développement embryologique particulier peut lui aussi présenter des variations anastomotiques, qui n’auront un impact clinique qu’en cas de nécessité de suppléance par l’une ou l’autre branche. Arteria lusoria. Autrement appelée artère sous-clavière droite rétro-œsophagienne (schéma 6, photos 5 et 6), l’arteria lusoria devient symptomatique à l’âge adulte par la dysphagie qu’elle provoque. On a répertorié des formes d’arteria lusoria gauche avec aorte à droite. Schéma 6. Arteria lusoria. Photo 5. TOGD compression oesophagienne par artère sous-clavière droite rétroœsophagienne. Les artères périphériques De nombreuses particularités anatomiques ont été décrites ; citons les plus fréquemment observées : • bifurcation radiale haute (10 % de la population générale), • particularités de naissance du trépied jambier, • naissance haute de la fémorale superficielle, • citons les nombreuses variations de naissance des artères rénales. Sans conséquence clinique, ces diversités de l’arbre artériel sont à connaître et à rechercher, d’autant qu’elles pourront compliquer des gestes diagnostiques (cathétérismes) ou thérapeutiques (revascularisations, créations d’abord vasculaire).   Artère sciatique persistante Bien que très rare, la persistance de l’artère sciatique (photos 7) représente une des uniques formes d’anomalie embryologique vasculaire périphérique à retentissement clinique. En effet, un tiers d’entre elles vont évoluer sur un mode anévrismal avec embolisation progressive du lit d’aval. Photos 7. Artériographie artère sciatique (AS) droite persistante. A. Carrefour aortique ; B. Trépieds fémoraux Trépieds iliaques ILE = iliaque externe AFS = artère fémorale superficielle Pièges vasculaires Il ne s’agit pas à proprement parler d’une pathologie embryologique d’ordre vasculaire mais plutôt d’une compression artérielle par une anomalie d’implantation ostéo-ligamentaire, ou musculaire. Citons : • le ligament arqué comprimant l’artère mésentérique supérieure, • les différentes formes de défilé thoracobrachial atteignant le pédicule axillaire, • les pièges poplités.   Conclusion   Sans être exhaustif, ce bref rappel des différentes anomalies embryologiques soit vasculaires soit extravasculaires, montre la grande diversité des anomalies artérielles congénitales, tant par leur présentation clinique que par leur localisation. Outre l’aorte thoracique, il s’agit le plus fréquemment de simples variations anatomiques qui conduiront éventuellement à des complications dans certaines situations cliniques, thérapeutiques ou diagnostiques. Il est indéniable que pour les formes graves (aorte thoracique), l’imagerie non invasive est à la fois fiable et très utile. À l’avenir, la cartographie chromosomique permettra d’en découvrir l’origine génétique. Nota bene : les malformations artérioveineuses, fistules artérioveineuses et angiomes cutanés ne seront pas présentés.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème