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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 01 mar 2020Lecture 4 min

Quel traitement médical après ablation de fibrillation atriale ?

Jérôme TAÏEB, Aix-en-Provence

JESFC

L’ablation de fibrillation atriale (FA) a pour but de maintenir le rythme sinusal. Cette thérapie s’adresse à des patients hétérogènes tant par leur cardiopathie, que par le type de FA et du fait des comorbidités associées. Ajoutons que les techniques d’ablation sont elles-mêmes hétérogènes par leurs stratégies (encerclement, lignes, défragmentation, alcoolisation de la veine de Marshall) et l’énergie utilisée (radiofréquence, cryothérapie, laser, électroporation, etc.). La question du traitement médical post-ablation se pose en considérant les traitements interrompus et ceux qui pourraient être instaurés pour renforcer les taux de succès ou prévenir les complications.

Antiarythmiques L’ablation de FA est une technique interventionnelle destructrice. Elle crée des lésions tissulaires pas toujours homogènes qui peuvent générer des arythmies pendant la phase inflammatoire. Les récidives de FA sont fréquentes pendant les 3 premiers mois (45 % d’après Dong). Ces récidives précoces sont un facteur prédictif de récidive de FA à long terme mais 30 % disparaissent après 3 mois (O’Donnell et Oral). D’où la notion de blanking period de 3 mois, pendant laquelle il est recommandé de ne pas réaliser de nouvelle ablation. Les cardioversions seront répétées si nécessaire pendant cette période avant de considérer une nouvelle ablation. L’étude EAST-AF randomisée sur 2 000 patients a montré une efficacité du traitement antiarythmique de classe I ou III poursuivi pendant 3 mois sur les récidives de FA. L’efficacité est effective seulement pendant cette période. Il n’y a pas d’effet de ce traitement sur la survenue de FA après ces 3 mois. Le consensus américain a conclu à l’absence de preuve pour poursuivre les antiarythmiques au long cours après une ablation de FA (recommandation de niveau IIb). Anti-inflammatoires La corticothérapie a été proposée pour limiter les effets proarythmiques liés à l’inflammation générée par l’ablation. Koyama et coll. a rapporté les résultats d’un traitement corticoïde postopératoire chez 125 patients : 2 mg/kg IV d’hydrocortisone puis prednisolone 0,5 mg/kg per os pendant 3 jours. Le taux de succès (absence de FA) à 14 mois était significativement supérieur dans le groupe corticoïde (85 % vs 72 % ; p = 0,032). Anticoagulants C’est une question majeure car le contrôle du risque thromboembolique contrôlé par les anticoagulants expose bien sûr à un risque hémorragique sur la durée d’une vie de traitement. Si l’ablation pouvait permettre l’arrêt des anticoagulants, ce serait un succès majeur pour la technique et la consécration pour les ablateurs qui rêvent de rendre ce service à leurs patients. Un registre multicentrique international publié par Hunter et coll. a montré que l’absence de récidive de FA après ablation était un facteur prédictif indépendant de diminution de survenue d’AVC en comparaison avec une cohorte appareillée. Saad a publié en 2011 une série de 327 patients ablatés avec succès chez qui il avait interrompu les anticoagulants lorsque le score CHADSVASC était ≤ 3 (2/3 des patients). Chez les autres, il avait poursuivi 6 à 12 mois l’anticoagulation et switché avec des antiagrégants plaquettaires 6 à 12 mois après l’ablation si le rythme était sinusal. Il ne rapportait aucun AVC ischémique à 46 mois. Ces études non randomisées n’ont pas convaincu les experts qui ont publié les recommandations européennes en 2016 et un consensus d’experts américains en 2017. Les deux sociétés savantes préconisent de poursuivre les anticoagulants pendant 2 mois après une ablation de FA, puis de se référer au score CHADSVASC comme pour les patients non ablatés. Ces recommandations ne prennent en compte ni le type de FA, ni des critères de succès de la procédure. Le débat n’est pas pour autant clos puisque 23 % des cosignataires du consensus d’experts ont répondu lors d’une enquête qu’ils évoquaient régulièrement la possibilité d’un arrêt des anticoagulants en cas de succès de l’ablation en exposant à leur patient le rapport bénéfice risque de la stratégie. On peut penser que des examens complémentaires pourront mieux cerner le risque thromboembolique dans le futur. Il a par exemple été montré que le taux de fibrose de l’oreillette mesurée par l’IRM était corrélé au risque d’AVC après ablation. Gastroparésie Il a été proposé dans certains cas réfractaires l’injection de toxine botulique. Anti-ulcéreux De nombreuses équipes prescrivent un anti-H2 ou inhibiteur de la pompe (IPP) à protons pendant 1 à 4 semaines en postablation. Le but recherché est de limiter l’agression acide de l’œsophage et ainsi de protéger le patient contre le risque de fistule atrio-œsophagienne. Cet événement est très redouté en raison de sa gravité mais il n’a jamais pu être démontré l’intérêt de cette stratégie en l’absence d’étude randomisée et en raison, heureusement, de la rareté de cet événement. Cela reste donc une attitude empirique. Upstream therapie Le contrôle du système rénineangiotensine-aldostérone a été évalué mais il n’a pas pu être démontré un effet sur la diminution des récidives de FA. Contrôle des facteurs de risque de FA Tous les facteurs de risque de récidive doivent être contrôlés. L’hypertension est la seule à relever d’un traitement médical qui doit donc être soigneusement évalué après une ablation. En pratique Les antiarythmiques ont un intérêt pour « traverser » la période de blanking mais après 3 mois, les taux de succès et d’échec de l’ablation ne seront plus modifiés par ces traitements médicaux. Les anticoagulants doivent être poursuivis 2 mois puis la stratégie est guidée par le score CHADSVASC indépendamment du succès. Les anti-ulcéreux n’ont pas d’intérêt démontré pour prévenir les fistules œsophagiennes. L’upstream therapie n’a pas démontré son efficacité. L’hypertension doit être contrôlée. Les recommandations européennes et le consensus américain préconisent de poursuivre les anticoagulants pendant 2 mois après une ablation de FA puis de se référer au score CHADSVASC comme pour les patients non ablatés. La poursuite d’antiarythmiques de classe I ou II peut être utile pendant les 3 premiers mois mais il n’existe pas de preuve à long terme.

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