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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 15 nov 2017Lecture 6 min

Ablation de la fibrillation atriale dans l’insuffisance cardiaque : pour qui ?

Nicolas LELLOUCHE, service de cardiologie, rythmologie, Hôpital Henri Mondor, Créteil

Journées françaises de l'insuffisance cardiaque

Épidémiologie et physiopathologie   La fibrillation atriale (FA) est le trouble du rythme cardiaque le plus fréquent. On estime sa prévalence à 1 % de la population générale. Cette prévalence augmente fortement avec l’âge et on estime qu’elle doublera dans les 20 ans à venir. L’autre épidémie en cardiologie est l’insuffisance cardiaque (IC). On estime que 500 000 personnes actuellement en souffrent en France avec, aussi, une augmentation de la prévalence liée à l’âge. La mortalité de cette pathologie reste élevée et elle est responsable de 150 000 hospitalisations par an. Par ailleurs, ces deux pathologies (FA et IC) sont liées sur le plan épidémiologique et physiopathologique. En effet, on estime qu’un patient présentant une insuffisance cardiaque a 6 fois plus de chances de développer une FA par rapport à une population sans IC. De plus, les patients en FA ont aussi plus de chance de développer une insuffisance cardiaque. Ainsi, la proportion d’IC est de 33 % chez les patients présentant une FA paroxystique, 44 % pour la FA persistante et 56 % pour la FA permanente(1,2). Sur le plan physiopathologique, ces deux maladies sont interdépendantes et constituent un véritable cercle vicieux. Schématiquement, la FA va entraîner une perte de la systole atriale, des cycles cardiaques irréguliers et une accélération de la fréquence ventriculaire. Ceci aboutit à une augmentation des pressions de remplissage atrial et ventriculaire et à l’activation du système neurohormonal, ce qui peut aboutir à une insuffisance cardiaque.   Traitement de la FA et de l’IC   Chez des patients présentant une FA et une IC, il convient d’abord de traiter l’IC systolique avec les traitements classiques (IEC, ARA2, bêtabloquants, antialdostérone, etc.) ainsi que sa cause (ischémie, valvulaire, hypertensive, etc.). Pour le traitement de la FA, les deux options sont soit le contrôle de la fréquence ventriculaire en respectant la FA, soit la tentative de retour en rythme sinusal (RS). Il est parfois difficile de savoir si c’est la FA qui induit l’IC ou l’inverse, introduisant le concept de cardiomyopathie rythmique. De nombreuses études ont ainsi évalué l’évolution de la fonction ventriculaire gauche (VG) chez des patients en FA persistante avec retour en RS, notamment par ablation. Toutes ces études ont retrouvé une augmentation franche de la FEVG, après retour en RS, d’environ 10 %, même s’il existe une cardiopathie sous-jacente, dans cette population(3). Il semble donc important de se donner tous les moyens disponibles pour remettre ces patients en RS et de n’opter pour la stratégie de ralentissement de fréquence ventriculaire qu’en dernier recours. Comme cela est énoncé dans les recommandations ESC 2016 sur la FA, les deux options thérapeutiques pour rester en RS chez un patient IC systolique (FEVG ≤ 40 %) sont soit l’utilisation de l’amiodarone (les autres antiarythmiques étant contre-indiqués dans cette population), soit l’utilisation de l’ablation de FA(4). Plusieurs études récentes ont montré une supériorité de l’ablation de FA par rapport à l’amiodarone en première intention en termes de charge en FA(5) et même sur des critères durs de morbi-mortalité (étude CASTLE présentée à l’ESC 2017). Cependant cela reste un geste invasif avec des complications potentielles, d’autant plus, que la population avec IC est souvent plus fragile sur le plan général avec des comorbidités associées.   Techniques d’ablation en fonction du type de FA   La difficulté chez les patients présentant une FA avec IC est qu’il s’agit souvent de FA plus sévère, avec un substrat atrial plus important et nécessitant des séances d’ablation plus longues, plus difficiles et un taux de récidives plus élevé que les patients sans dysfonction VG. Différentes techniques d’ablation sont utilisées en fonction du type de FA. Pour la FA paroxystique, qui peut être responsable de dysfonction VG aiguë transitoire ou d’aggravation d’une IC cardiaque connue, mais pas d’une dysfonction VG chronique, la technique de référence reste l’isolation des veines pulmonaires. Dans ce cas, l’intervention est relativement facile et courte, ce qui en fait une excellente indication. Pour la FA persistante, l’indication de l’ablation va dépendre de différents facteurs comme l’âge, l’état général du patient ou la taille de l’oreillette gauche (OG). L’ancienneté de la FA doit aussi être prise en compte car plus la FA est ancienne, plus les résultats de l’ablation sont mauvais avec une nécessité fréquente de plusieurs ablations(6). Dans ce cas, l’ablation consiste en l’isolation des veines pulmonaires, qui peut suffire sur des FA continues de courte durée (jusqu’à 6 à 12 mois), mais il est souvent nécessaire d’avoir recours à des lésions complémentaires type réalisation de lignes dans les oreillettes et/ou d’ablation de complexes fragmentés. Enfin, pour les FA persistantes de longue durée (> 1 an de FA continue), il est possible de tenter une ablation endocavitaire. Mais une autre technique d’ablation est en train de se développer : il s’agit de l’ablation hybride qui consiste à une intervention en deux temps. Le premier temps est chirurgical avec une incision sous-xiphoïdienne, un passage de trocard dans le péricarde et une sonde d’ablation qui permet de brûler toute la paroi postérieure de l’OG (box lesion en anglais). Dans un second temps, on réalise une ablation endocavitaire classique qui consiste à compléter l’isolation des VP, réaliser une ligne de l’isthme cavo-tricuspide dans l’oreillette droite et éventuellement une ablation complémentaire (autres lignes et/ou potentiels fragmentés) dans les oreillettes si le patient n’est toujours pas en RS. Cette intervention, plus lourde qu’une ablation endocavitaire classique, est réservée aux patients avec une FA ancienne symptomatique (donc aussi avec une IC) sans réelle limite de durée en FA avec une taille de l’OG de moins de 55 mm en antéro-postérieur ou 35 cm2 de surface. Les résultats sont assez satisfaisants, de l’ordre de 60 % de maintien en RS à 1 an dans cette population à haut risque de récidive post-procédure(7).   Autres options thérapeutiques   D’une manière générale, il faut donc utiliser le maximum d’options thérapeutiques pour prévenir la FA et maintenir un RS chez les patients en IC. Cependant, comme mentionné précédemment, ces patients ont souvent une FA plus sévère que les patients à fonction VG conservée, ce qui rend l’ablation de FA plus complexe et des récidives souvent plus fréquentes. Chez les patients avec FA persistante (et/ou de longue durée) se pose le problème des récidives des troubles du rythme qui se fait souvent sous la forme de flutter gauche. Ces flutters sont souvent assez faciles à ablater, mais devant des récurrences trop fréquentes, le problème se pose de savoir à partir de combien d’ablations on se résout à laisser le patient en arythmie avec une stratégie de ralentissement de la fréquence cardiaque. La difficulté de cette question tient au fait qu’il a été clairement montré que l’ablation de la FA est plus efficace que l’implantation d’un PM ou DAI triple chambre avec ablation du NAV(8). Cependant, dans la pratique, il est difficile de réaliser et surtout de faire accepter plus de 3-4 séances d’ablation chez un même patient. C’est à ce moment-là que l’ablation du NAV précédée d’une implantation d’une resynchronisation cardiaque est effectuée. Par ailleurs, cette stratégie peut être proposée plus tôt en fonction du terrain du patient : âge, comorbidités associées, cardiopathie sous-jacente, etc. Figure 1. Place de l’ablation dans le traitement de la FA chez le patient insuffisant cardiaque (A) et place de l’ablation de la FA hybride pour le maintien en RS (B) selon les recommandations de l’ESC 2016. Figure 2. Concernant l’ablation de FA hybride. A. Schéma montrant l’abord chirurgical sous-xiphoïdien unique. B. Image montrant la canule de radiofréquence s’appliquant sur la paroi postérieure de l’OG. C. Cartographie montrant les lésions obtenues sur la paroi postérieure de l’OG par l’abord chirurgical avant l’ablation endocavitaire (en gris les lésions de l’ablation chirurgicale). En pratique   Le maintien en rythme sinusal est primordial chez les patients présentant une insuffisance cardiaque systolique. L’ablation de FA est un traitement de choix pour cela. Cependant, l’ablation de la FA chez le patient insuffisant cardiaque est plus difficile avec des récidives plus fréquentes. Pour la FA persistante, notamment de longue durée (> 1 an de FA continue), il peut être utile d’avoir recours à l’ablation de FA hybride. En cas d’échec définitif de l’ablation de FA, l’ablation du NAV précédée d’une resynchronisation cardiaque est proposée.

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