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Cardiologie interventionnelle

Publié le 15 jan 2017Lecture 8 min

Devons-nous arrêter de dilater les sténoses athéromateuses de l’artère rénale ?

Abdelmajid BOUZERDA* et coll., Maroc

La sténose de l’artère rénale (SAR) occupe une place prépondérante parmi les causes secondaires d’hypertension artérielle (HTA). Elle s’oppose classiquement à la sténose liée à une dysplasie fibromusculaire touchant l’adulte jeune et dont le traitement de choix est la revascularisation.
La SAR est le plus souvent associée à une maladie athéromateuse diffuse : artériopathie des membres inférieurs, coronaropathie, sténose carotidienne(1) et elle est associée à une morbi-mortalité cardiovasculaire accrue(2).
Les résultats de nombreuses études après une revascularisation de la sténose mettent en évidence un faible bénéfice, tant sur la progression de l’insuffisance rénale que sur le contrôle de l’HTA, alors que le nombre de revascularisations est en augmentation constante. Nous tenterons ici de définir les stratégies permettant d’évaluer le potentiel bénéfice d’une revascularisation d’une SAR athérosclérotique.

Cas clinique Le cas proposé est celui d’une femme de 71 ans présentant comme facteurs de risque cardiovasculaires une hypertension artérielle sous une quadrithérapie antihypertensive, une dyslipidémie mixte et une obésité abdominale. Ses antécédents sont marqués par une coronaropathie revascularisée par angioplastie de l’artère interventriculaire antérieure proximale au décours d’un syndrome coronarien aigu 6 mois auparavant. Elle est hospitalisée pour HTA sévère et résistante au traitement à la recherche d’une cause secondaire. Le bilan biologique montre une kaliémie et une fonction rénale normales, la protéinurie est à 130 mg/24 heures. Le bilan hormonal note une cortisolémie à 8 heures et une cortisolurie des 24 heures normales, le dosage des métanéphrines urinaires négatif, la TSHus est normale. L’échographie Doppler de l’aorte abdominale complétée par un scanner montrent une sténose serrée ostiale de l’artère rénale gauche s’étendant sur 15 mm avec des surrénales de structure normale. Après une discussion multidisciplinaire, l’indication d’une revascularisation percutanée est retenue devant ce contexte d’hypertension réfractaire à un traitement bien conduit et le terrain polyvasculaire de la patiente. La procédure est effectuée par une approche fémorale droite 6F avec utilisation d’un cathéter guide JR3,5 en 6F, une prédilatation par un ballon 3,5 x 20 mm puis mise en place d’un stent de 6 x 19 mm (figures 1 à 4). Figure 1. Sténose ostiale préocclusive de l’artère rénale gauche. Figure 2. Prédilatation par ballon 3,5 x 20 mm. Figure 3. Mise en place d’un stent 6 x 19 mm. Figure 4. Contrôle angiographique final. L’évolution est marquée par une amélioration des chiffres tensionnels, l’HTA est contrôlée sous traitement antihypertenseur dont un IEC. Le reste du traitement médical comporte une statine et des antiagrégants plaquettaires. Discussion De nombreuses études mettent en évidence le lien étroit existant entre le développement d’une SAR athéromateuse et le risque cardiovasculaire. La SAR est souvent associée au tabagisme, à l’HTA, au diabète, à une dyslipidémie et à une insuffisance rénale chronique(3). La prévalence de la SAR varie selon les séries et selon la population observée : dans une série portant sur des autopsies, elle s’élevait à 25-35 % chez les plus de 60 ans, et 40-60 % chez les plus de 75 ans. Dans une série de 1 235 patients ayant bénéficié d’une coronarographie, une sténose de l’artère rénale de plus de 50 % était retrouvée chez 15 % des patients(4). Inversement, en cas de SAR, une maladie athérosclérotique touchant d’autres organes était présente dans environ 85 % des cas(5). La découverte d’une SAR peut se faire dans un contexte d’HTA d’apparition tardive ou d’aggravation récente ou de résistance au traitement antihypertenseur. Il peut s’agir d’une découverte fortuite chez un patient polyvasculaire ou lors de l’exploration d’un souffle abdominal. Il s’agit dans d’autres cas d’un contexte d’insuffisance rénale avec atrophie ou asymétrie de la taille des reins, faiblement protéinurique. Plus rarement, la SAR est révélée consécutivement à un OAP flash volontiers récidivant, ou à un angor instable. La présence de facteurs de risque d’athérosclérose : l’âge, le tabagisme, une hypercholestérolémie et l’existence d’autres localisations de l’athérosclérose sont des arguments en faveur de l’existence de SAR. L’échographie Doppler des artères rénales permet, chez un patient à jeun capable de conserver l’apnée, de dépister les SAR, de mesurer la taille des reins, l’épaisseur corticale et de calculer les index de résistance parenchymateux. L’examen peut être non concluant chez les patients obèses, en cas d’interposition gazeuse ou dans le dépistage d’une artère polaire. L’angio-scanner des artères rénales permet, au prix d’une injection de produit de contraste iodé et d’une irradiation, de dépister les SAR avec une sensibilité de 90 %. L’examen permet de visualiser les calcifications et de mesurer la taille des reins. L’angio-IRM dispense d’injection d’iode mais ne détecte pas les calcifications. L’angiographie ne reste indiquée qu’en cas de traitement endoluminal de la lésion. Revascularisation de la sténose athéroscléreuse de l’artère rénale : un réel bénéfice ? La revascularisation chirurgicale a été remplacée par l’angioplastie depuis le début des années 1990 avec également une supériorité du stenting en regard de l’angioplastie au ballon seul. Un engouement important pour cette technique s’est développé entre 1995 et 2000 avec un cer tain nombre d’études dont les résultats étaient plutôt en faveur de la revascularisation concernant l’équilibre tensionnel. Les résultats des études récentes après une revascularisation de la sténose mettent en évidence un faible bénéfice, tant sur la progression de l’insuffisance rénale que sur le contrôle de l’HTA. Trois études prospectives randomisées, EMMA(6), la « Scottisch Study »(7) et DRASTIC(8) ont comparé les bénéfices de l’angioplastie simple associée au traitement médical par rapport au traitement médical seul sur la pression artérielle et la fonction rénale chez des sujets hypertendus avec SAR : aucune n’a démontré d’amélioration significative des chiffres tensionnels ni de la fonction rénale dans le groupe angioplastie. L’étude ASTRAL a inclus 806 patients avec une sténose athéromateuse des artères rénales, dont 60 % avec une sténose supérieure à 70 % et 60 % avec une créatinine plasmatique supérieure à 150 μmol/l(9). Ces patients ont été randomisés pour recevoir soit le traitement médical, soit le traitement médical associé à un stent. Le critère de jugement principal était la variation de fonction rénale. Les critères de jugement secondaires étaient l’évolution de la pression artérielle, le délai de survenue des événements rénaux ou cardiovasculaires ou de la mortalité. Après un suivi moyen de 34 mois, il n’a pas été noté de différence entre les deux groupes sur l’évolution de la fonction rénale, les événements rénaux, la pression artérielle systolique et diastolique, les événements cardiovasculaires majeurs et la mortalité. Les complications liées à la procédure ont été quantifiées à 9 %, ce qui n’est pas négligeable. L’étude CORAL(10) (Cardiovascular Outcomes in Renal Atherosclerotic Lesions), qui s’est fixé des critères de jugement essentiellement cliniques et pronostiques, a clôturé le débat de la revascularisation des sténoses athéromateuses des artères rénales. Les 947 malades de CORAL (âge moyen : 69 ans) sont inclus si leur sténose de l’artère rénale est associée à une HTA (PA systolique) nécessitant un traitement par au moins deux antihypertenseurs ou à une atteinte de la fonction rénale. Le bénéfice du stenting en complément du traitement médical seul (groupe témoin) est évalué sur un critère primaire de jugement composite combinant mortalité de cause cardiovasculaire ou rénale, infarctus du myocarde (IDM), accident vasculaire cérébral (AVC), hospitalisation pour insuffisance cardiaque, insuffisance rénale progressive ou nécessité de transplantation rénale. Au décours d’un suivi de 43 mois (médiane), la fréquence de survenue du critère composite clinique ne diffère pas entre le groupe traitement médical seul et celui avec stenting associé. Mais il faut bien intégrer avec ces conclusions : - que ces essais étaient multicentriques : s’il est relativement simple de standardiser un traitement médicamenteux optimal, le succès technique et la morbidité de l’angioplastie transluminale percutanée des artères rénales sont très dépendants de l’expérience de l’opérateur ; - que ces deux essais concernaient des patients cliniquement stables et affectés dans de nombreux cas de SAR modérées, correspondant en pratique clinique à des indications qui seraient peu ou mal sélectionnées ; - que ces résultats ne peuvent pas être extrapolés aux patients présentant des SAR athéromateuses critiques accompagnant des OAP flash, un angor instable, une HTA maligne, accélérée ou résistant au traitement, une insuffisance rénale aiguë, une détérioration aiguë de la fonction rénale sous IEC, une insuffisance rénale grave évolutive ou terminale inexpliquée. Les premiers résultats de ces essais randomisés ne modifient donc pas significativement à notre sens le consensus interdisciplinaire, reposant sur les recommandations de l’American College of Cardiology/American Heart Association (ACC/AHA)(11) reprises par le TransAtlantic Inter-Society Consensus (TASC) et la Société française d’imagerie cardiovasculaire (SFICV)(12), et qui nous fait distinguer des indications claires d’autres moins claires. Des indications claires L’angioplastie transluminale percutanée des artères rénales est indiquée chez les patients avec SAR hémodynamiquement significative et insuffisance cardiaque congestive récurrente inexpliquée, ou OAP soudain inexpliqué (classe I, niveau B). L’angioplastie transluminale percutanée des artères rénales est raisonnable pour les patients avec SAR hémodynamiquement significative et HTA accélérée, résistante, maligne, avec petit rein unilatéral inexpliqué, avec intolérance au traitement (classe IIa, niveau d’évidence B). L’angioplastie transluminale percutanée des artères rénales est raisonnable pour les patients avec SAR hémodynamiquement significative et angor instable (classe IIa, niveau B). Des indications moins claires L’angioplastie transluminale percutanée des artères rénales peut être envisagée en cas de SAR bilatérales asymptomatiques ou de rein unique viable avec SAR significative (classe IIb, niveau d’évidence C). L’angioplastie transluminale percutanée des artères rénales d’une SAR significative unilatérale asymptomatique avec rein viable n’est pas bien établie et n’est pas actuellement cliniquement prouvée (classe IIb, niveau C). L’angioplastie transluminale percutanée des artères rénales peut être envisagée pour les patients avec SAR unilatérale et insuffisance rénale chronique (classe IIb, niveau C). Surveillance au long cours Dans la quasi-totalité des cas de SAR athéroscléreuse, un traitement antihypertenseur, hypolipidémiant et/ou antiagrégant reste nécessaire à la prévention cardiovasculaire. Une surveillance rénale est également nécessaire. Chez les patients traités médicalement ou ayant été revascularisés, la PA et la créatininémie doivent être mesurées tous les 3 mois. La taille des reins et la perméabilité de l’artère rénale doivent être estimées chaque année, et probablement tous les 6 mois chez les patients traités médicalement qui ont une SAR > 60 % ou une SAR bilatérale. La surveillance échographique est habituellement suffisante, l’angiographie étant requise en cas d’ascension de la PA ou de la créatinine ou d’atrophie rénale progressive. Dans ces cas, on discute de nouveau l’indication d’une revascularisation dans un but de protection rénale. En pratique La publication des études randomisées ASTRAL et CORAL, remettant en cause l’intérêt de l’angioplastie de l’artère rénale, a eu pour conséquence une diminution significative du nombre d’angioplasties rénales, aboutissant à une perte de chance pour certains patients. Des indications existent et il faut savoir y penser devant un patient polyvasculaire présentant une HTA résistante, une aggravation rapide de sa fonction rénale ou des épisodes de décompensation cardiaque inexpliqués.

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