publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Congrès et symposiums

Publié le 29 fév 2016Lecture 4 min

Quelles perspectives après SERVE-HF ?

M. DEKER

JESFC

L’étude SERVE-HF portait l’espoir de disposer d’un traitement, la ventilation auto-asservie (SAV) qui améliorerait le pronostic de l’insuffisance cardiaque sévère à fraction d’éjection (FE) réduite associée à des troubles du sommeil à type d’apnées centrales. Or, si le traitement par SAV a effectivement permis de corriger les apnées centrales, aucun bénéfice n’a été observé sur le critère combiné (mortalité toutes causes, ou hospitalisation pour aggravation de l’insuffisance cardiaque) ni sur les critères fonctionnels. Une augmentation de la mortalité toutes causes (+28 %) et de la mortalité cardiovasculaire (+34 %) a même été observée dans le groupe SAV comparativement au groupe contrôle. Pourquoi ? Quelles stratégies thérapeutiques dans l’insuffisance cardiaque selon son type et son association aux troubles du sommeil ? 

Comment expliquer ces résultats paradoxaux ?   La principale question consiste à comprendre pourquoi le traitement effectif des apnées centrales par SAV chez l’insuffisant cardiaque à FE réduite se traduit par un surcroît de mortalité, d’autant plus élevé que la FE était basse et que les patients avaient une respiration de Cheyne-Stokes. L’analyse des données de l’étude montre une augmentation précoce des décès par mort subite, contrastant avec l’absence d’augmentation des hospitalisations pour aggravation de l’insuffisance cardiaque, ce qui exclut un impact de la pression positive. La SAV corrige très bien les événements centraux. Une première hypothèse est avancée, qui considère la respiration de Cheyne-Stokes comme un mécanisme adaptatif que l’on rapproche des phénomènes d’hyperventilation, protecteurs vis-à-vis du mal aigu des montagnes. La respiration de Cheyne-Stokes entraîne, via l’hyperventilation, une augmentation des volumes pulmonaires, surtout en fin d’expiration, et pourrait augmenter les réserves d’oxygène, sa diffusion et sa saturation. Toutefois ce mécanisme n’intervient pas ici malgré une amélioration des événements respiratoires, de la SaO2 et du temps passé à une SaO2 < 90 %. Il a été constaté dans une sous-étude de SERVEHF que le sommeil est peu modifié dans le groupe SAV. Une autre hypothèse fait intervenir l’activation du système sympathique par les microéveils. En fait, il n’a pas été retrouvé de différences entre les groupes en termes de microéveils, mais il faudra différencier les microéveils liés à la maladie respiratoire de ceux liés à l’intervention de la machine. Globalement le traitement SAV ne modifie pas notablement la structure du sommeil. L’hyperventilation modifie l’activité du système nerveux autonome en l’atténuant. Dans la sous-étude, aucune évolution favorable de l’activité sympathique n’a été retrouvée dans le groupe SAV. Un effet de la pression de ventilation est aussi invoqué. L’application d’une pression positive supérieure à 10 cmH2O sur les voies aériennes induit presque systématiquement une baisse du débit cardiaque. L’hypothèse d’un effet lié à la pression est cependant peu probable dans la mesure où la majorité des décès ne sont pas dus à une aggravation de l’insuffisance cardiaque.   Quelle prise en charge ?   La situation est donc paradoxale : si les apnées centrales augmentent le risque de mortalité chez l’insuffisant cardiaque, ce qui incite à les traiter, leur correction par SAV se traduit par une augmentation de la mortalité. En pratique toutefois, la situation est moins tranchée que dans les essais cliniques car le phénotypage des patients est assez difficile. De nombreux patients présentent des troubles du sommeil mixtes avec des apnées centrales et des apnées obstructives, et une majorité d’insuffisants cardiaques souffrent de troubles obstructifs. Il faudra donc identifier les patients avec des apnées à prédominance obstructive, qui pourront être traités par ventilation en pression positive continue (CPAP) qui améliore les symptômes et ce, malgré le faible niveau de preuve de son efficacité. Ce traitement doit être initié en milieu hospitalier en raison des variations tensionnelles qu’il induit. La prise en charge des insuffisants cardiaques avec apnées centrales ne devrait plus faire appel à la SAV. Il reste à évaluer l’oxygénothérapie nocturne et la stimulation phrénique, qui ont néanmoins peu de chances de bénéficier d’une évaluation par des études randomisées sur de grands effectifs. En outre, si ces traitements étaient capables de contrôler les apnées centrales, ils risqueraient d’avoir les mêmes effets délétères que la SAV. L’insuffisance cardiaque à FE préservée s’accompagne fréquemment de troubles du sommeil (55 % des cas) avec apnées centrales ou obstructives (63 %). Des études sur de petits effectifs ont montré un bénéfice de la SAV en cas de troubles centraux. Le registre FACE aura pour objectif d’analyser les résultats des patients insuffisants cardiaques à FE préservée et ayant des apnées centrales, selon qu’ils sont ou non ventilés.   Quel rôle pour le cardiologue ?   Dépister les troubles du sommeil chez les patients à haut risque d’insuffisance cardiaque (hypertendus, obèses, avec une fibrillation atriale, coronariens) et les traiter. Deux grandes études sont en cours chez les patients coronariens pour évaluer l’incidence des apnées obstructives et l’impact pronostique du traitement des troubles du sommeil avec apnées obstructives. Rechercher, chez les patients insuffisants cardiaques, un trouble du sommeil et traiter les apnées obstructives (sans utiliser de trop fortes pressions) qui aggravent le pronostic de la maladie. Rechercher chez les patients insuffisants cardiaques sévères des apnées centrales. Le diagnostic doit être évoqué devant une hypertension artérielle résistante, en présence d’une FA, d’une arythmie ventriculaire nocturne, d’une insuffisance cardiaque instable. Ces patients n’ont pas de somnolence diurne en raison de l’hyperstimulation adrénergique. L’application de la CPAP n’aura d’effet que si elle corrige les apnées ; si elle ne les contrôle pas, il faudra l’interrompre. D’après un symposium organisé avec le concours de Resmed et la participation de J.-M. Davy, F. Zannad, M. Cowie, P. Levy, T. Damy et M. Galinier JESFC, Paris, janvier 2016

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème