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Publié le 15 mar 2019Lecture 6 min

Paclitaxel innocent et actif, malgré une accusation à charge ?

Bahaa NASR, service de chirurgie vasculaire, CHU de La Cavale Blanche, Brest

La pathologie athéromateuse est la première cause de mortalité dans les pays occidentaux et son incidence est en croissance constante en rapport avec le vieillissement de la population. Au niveau des artères des membres inférieurs, le traitement endovasculaire a progressivement remplacé la chirurgie conventionnelle et est devenu le traitement de première intention de l’artériopathie oblitérante du membre inférieur.

Cette technique mini-invasive a permis de réduire les durées d’hospitalisation et les taux de complications locale et générale chez des patients fragiles tout en maintenant des résultats acceptables à court et moyen termes. L’angioplastie au ballon complétée par un stent nu a longtemps été considérée comme la meilleure stratégie thérapeutique. Le stent a permis de diminuer le risque de rappel élastique de la plaque lors d’une angioplastie, mais ne permet pas d’empêcher l’hyperplasie myo-intimale induite par la prolifération des cellules musculaires lisses. Cette prolifération survient dans les 6 à 12 mois suivant l’implantation du stent et est à l’origine d’une resténose intrastent. Des résultats très satisfaisants sont rapportés avec les nouveaux dispositifs imprégnés de paclitaxel. Le paclitaxel est une substance cytotoxique, elle est administrée à une dose de 175 mg/m2 dans le traitement du cancer de sein et de l’ovaire. Cette substance est utilisée à une dose beaucoup plus faible (elle varie entre 2et 3,5 μg/mm2 en fonction du dispositif) dans le traitement de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs. Plusieurs études randomisées ont montré que l’utilisation des ballons et stents imprégnés de paclitaxel permet de diminuer le taux de resténose et de réintervention. L’étude IN.PACT SFA(1) a montré un taux de réintervention plus faible à 5 ans dans le groupe ballon actif (74,5 % vs 65,3 % ; p = 0,01). Dans l’essai THUNDER(2), le taux de resténose à 5 ans était plus faible dans le groupe ballon actif (17 % vs 54 % ; p = 0,04). Les études Une métaanalyse récente conduite par K. Katsanos et al.(3) a conclu à une augmentation de la mortalité suite à l’utilisation de ballons et stents imprégnés de paclitaxel dans le traitement des lésions athéromateuses fémoropoplitées. Dans cette étude, les auteurs ont analysé 28 essais randomisés incluant 4 663 patients dont la majorité était des claudicants. Le critère de jugement principal était la mortalité toute cause confondue. À 1 an, la mortalité était identique entre les patients traités par un dispositif imprégné de paclitaxel et ceux qui n’avaient pas été exposés au paclitaxel (2,3 % vs 2,3 %). À 2 et 5 ans, la mortalité était supérieure dans le groupe paclitaxel (7,2 % vs 3,8 % à 2 ans, et 14,7 % vs 8,1 % à 5 ans). Bien que les calculs statistiques aient été très rigoureux, il est important de signaler quelques limites liées à l’acquisition incomplète des données originales des patients. Toutes les études incluses dans cette métaanalyse ont été conçues pour évaluer la perméabilité plutôt que la mortalité. Les caractéristiques cliniques et radiologiques des patients inclus dans ces études étaient identiques pour le risque de resténose, mais il n’est pas certain que ces groupes aient des caractéristiques identiques en ce qui concerne les facteurs de risque de la mortalité. La mortalité accrue dans le groupe paclitaxel n’est donc pas seulement due à l’exposition à cette molécule. Cette métaanalyse est limitée du fait du manque de données directes. En effet, une grande partie des données a été déduite des articles publiés, plutôt que rapportée à partir d’événements réels. Discussion L’objectif était d’étudier la mortalité liée au paclitaxel, mais il existait une hétérogénéité dans les dispositifs. L’étude a combiné les ballons et les stents actifs, ce qui a introduit un biais important. En effet, la préparation, la dose et le mécanisme de délivrance divergent selon les différents ballons et stents. Il est intéressant de savoir si les auteurs ont pu analyser la différence de mortalité dans le groupe stents par rapport à la mortalité dans le groupe ballons. Il est surprenant que l’étude FINN-PTX(4) ait été incluse dans cette métaanalyse, alors qu’elle compare un stent actif à un pontage en polytétrafluoroéthylène (PTFE). Ce nouveau biais peut avoir un impact sur la mortalité du groupe non traité par paclitaxel. Les auteurs signalent que dans l’étude IN.PACT SFA, la mortalité à 2 ans était supérieure dans le groupe ballon actif (10,7 % vs 1,9 %). C’est d’autant plus surprenant qu’un comité indépendant a revu tous les événements cliniques et notamment la mortalité dans l’étude IN.PACT SFA et a conclu à l’absence de lien entre la mortalité et l’utilisation du ballon actif. À noter que les résultats de l’étude IN.PACT SFA à 4 et 5 ans ne retrouvent aucune différence significative sur la mortalité (figure 1). Figure 1 : La mortalité à 5 ans dans l’étude IN.PACT SFA (d’après Peter Schneider, The Leipzic Interventional Course, LINC, novembre 2018). Seules deux études parmi celles incluses dans cette métaanalyse ont un suivi à 5 ans. Les résultats à 5 ans de l’étude IN.PACT n’avaient pas encore été communiqués au moment de la publication de cette métaanalyse. Toutes les études ont été conçues pour évaluer la perméabilité et non la mortalité. En effet, dans ces études, les patients du groupe paclitaxel ont atteint plus rapidement le critère de jugement principal (la perméabilité primaire), ce qui explique un grand nombre de perdus de vue dans ce groupe (46 % dans THUNDER) et un suivi moins rigoureux vis-à-vis de la mortalité. Enfin, selon M. Takahara et al.(5), la mortalité a été évaluée par le risk ratio (RR) calculé à partir du nombre d’événements observés et de l’ensemble de sujets. Dans ce calcul, les cas censurés n’ont pas été considérés car cela entraînerait une estimation inexacte de la mortalité. Les auteurs donnent un exemple à partir de l’étude ZILVER-PTX où le RR calculé est de 2,19. Ce risque est en faveur d’une mortalité supérieure dans le groupe stent actif. Cependant, ces résultats ne sont pas concordants avec les résultats de l’étude ZILVER-PTX qui montre une mortalité de 10,2 % dans le groupe stent actif et de 16,9 % dans le groupe angioplastie au ballon simple (p = 0,03). Les résultats de la métaanalyse de Katsanos et al. n’ont pas été confirmés par d’autres études. Ces résultats pourraient être biaisés en raison des patients en retrait de l’étude et des perdus de vue. En raison de la controverse suscitée par ce travail, une cohorte rétrospective, multicentrique a été réalisée par E. Secemsky et al.(6). Cette étude a inclus 16 560 patients traités pour des lésions fémoropoplitées dans 1 883 centres hospitaliers. Les dispositifs imprégnés de paclitaxel ont été utilisés chez 5 989 malades (36,2 %). À 2 ans, cette étude a montré un taux de mortalité plus faible dans le groupe des patients traités par paclitaxel (32,5 % vs 34,3 % ; p = 0,007) (figure 2). Figure 2 : La mortalité globale des patients traités par des dispositifs actifs comparée à celle des patients traités par des dispositifs non actifs (D’après E. Secemsky et al (6)). Cette analyse était suffisamment puissante pour analyser des sous-groupes, notamment pour étudier la mortalité en fonction du type de dispositif. Il n’y avait pas de différence significative entre les ballons actifs versus non actifs (p = 0,06) (figure 3), et stents actifs versus nus (p = 0,56) (figure 4). Figure 3 : La mortalité globale des patients traités par des ballons actifs (DCB) comparée à celle des patients traités par des ballons non actifs (PTA) (D’après E. Secemsky et al (6)). Figure 4 : La mortalité globale des patients traités par des stents actifs (DES) comparée à celle des patients traités par des stents non actifs (BMS) (D’après E. Secemsky et al (6)). Conclusion La métaanalyse de Katsanos est une observation statistique basée sur des données hétérogènes qui soulève de nombreuses questions mais ne répond à aucune. Les résultats à long terme de tous les essais avec paclitaxel doivent être publiés, et des analyses réplicatives doivent être envisagées.

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