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Histoires légales

Publié le 15 oct 2018Lecture 5 min

L’information, un gros défaut

Laurent CASBAS, Expert près le Cour d'Appel de Toulouse - Chirurgien vasculaire, Centre de chirurgie thoracique, vasculaire et endocrinien, Clinique Rive Gauche

La plupart des recours médicaux s’initient sur le sentiment que le praticien a mal fait son travail, or aujourd’hui, l’excellence de la formation, les nombreuses séances de formation continue, les processus d’accréditation, les recommandations des sociétés savantes font que les indications, les techniques et la pratique sont quasiment toujours conformes aux règles de l’art. Cependant, il y a un biais d’entrée, au cours des procédures de recours contre les praticiens, c’est celui de la délivrance de l’information relative à l’acte prévu, dans son indication, ses modalités, et ses complications éventuelles. La faute se qualifie comme un défaut d’information.

L'évolution sociétale et le législateur ont fait changer les règles de la pratique médicale, en passant d’un modèle « paternaliste », où le praticien décide seul pour son patient, à un modèle d’autonomie, où le patient est acteur de la décision et donne librement son consentement à l’acte médical. Mais pour consentir librement, le patient qui n’est pas, le plus souvent, un spécialiste de la médecine, doit bénéficier d’une information claire, loyale et adaptée. La délivrance de l’information est une obligation déontologique et légale En effet, depuis 1995, le code de déontologie, l’inscrit dans son article 35 : Article 35 (article r.4127-35 du CSP) : « Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. Toutefois, lorsqu’une personne demande à être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic, sa volonté doit être respectée, sauf si des tiers sont exposés à un risque de contamination. Un pronostic fatal ne doit être révélé qu’avec circonspection, mais les proches doivent en être prévenus, sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite ». C’est également, une obligation légale, puisque le précédent article est repris, in extenso, dans le code de santé publique (article r.4127-35 du CSP), mais surtout la loi du 4 mars 2002 (loi « Kouchner »), dans son article L-1111-2 du CSP, sanctifie le devoir d’information de la part du praticien, à qui il appartient de prouver la délivrance de cette fameuse information. L’article L1111-2, dans ses dispositions principales : « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (…) Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser. Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel. (…) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. » Il s’agit d’un changement de paradigme, l’information devient un droit, et c’est au praticien de prouver qu’il a correctement informé le patient. Un exemple concret de recours Monsieur M., âgé de 53 ans, tabagique actif, présente une artériopathie oblitérante des membres inférieurs de stade IIb de la classification Leriche et Fontaine et III de la classification Rutherford. Le périmètre de marche est à moins de 100 mètres. L’angioscanner aortique met en évidence des lésions diffuses, avec une sténose serrée de l’artère iliaque externe. Monsieur M. bénéficie d’une consultation auprès d’un chirurgien vasculaire. Ce dernier, lors de la consultation, propose la réalisation d’une angioplastie percutanée iliaque externe. Il explique les indications, le déroulement et les complications qui pourraient survenir, une fiche d’information écrite est également remise au patient, un consentement éclairé, signé est recueilli. L’intervention se déroule, sans problème particulier, les suites sont marquées par la survenue d’un hématome du triangle fémoral, au point de ponction. Une indication d’évacuation chirurgicale est posée. L’hémostase est faite, la cicatrisation de l’abord ne pose pas de problème particulier. À moyen et à long terme, persiste une irritation du nerf fémorocutané invalidante, qui occasionne le recours et la demande d’indemnisation. Cette chirurgie de revascularisation, tant dans sa phase diagnostique que thérapeutique et son suivi, n’appelle pas de commentaires et est tout à fait conforme aux recommandations et règles de bonne pratique. L’irritation du nerf fémorocutané est habituelle dans les suites postopératoires de la chirurgie du pli inguinal. Le praticien a pu par les documents produits, lettre de consultation, fiche d’information préopératoire, consentement éclairé, démontrer qu’il avait rempli son devoir d’information, notamment en termes de survenue d’un hématome et de troubles neurologiques possibles, le patient avait donc consenti à l’acte, en toute connaissance de cause. La conclusion de ce recours est qu’il n’y avait aucune faute de la part du praticien, l’hématome et les troubles neurologiques consécutifs représentent un accident médical non fautif. La délivrance de l’information est fondamentale, il s’agit d’une règle déontologique et d’une obligation légale. La traçabilité de cette délivrance d’information l’est tout autant. Si c’est de façon orale, que le praticien explique au patient, en cas de recours, seules les preuves écrites seront valables. C’est donc extrêmement important de tracer le fait que les explications ont été fournies. Il convient donc de faire une lettre de consultation, où apparaissent des formules, telles que : « J’ai expliqué à Monsieur M. les indications, les modalités de… », « je lui ai expliqué également les risque de … », « Il a parfaitement compris ces différents éléments et il est d’accord pour… », « nous convenons ensemble d’un rendez-vous d’hospitalisation pour le… ». Autant de phrases qui démontrent a posteriori que le devoir d’information a été rempli. Les fiches d’information écrites fournies par les assureurs et les sociétés savantes sont également très utiles, car elles complètent la consultation et fournissent des détails supplémentaires, comme des complications rares. Enfin, le consentement éclairé signé, témoigne du souci d’informer et que le patient a reçu les données nécessaires. Il ne faut pas vivre dans l’obsession du recours juridique, mais remplir ses devoirs déontologiques et légaux envers nos patients. La délivrance de l’information est un de ces devoirs principaux.

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