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Training

Publié le 30 nov 2010Lecture 9 min

La décision de revascularisation

R. CADOR, Clinique Bizet, Paris

Maîtriser techniquement l’angioplastie est légitimement l’objectif du cardiologue interventionnel en formation. Les paliers sont les mêmes pour tous : réussir les cathétérismes difficiles, choisir le bon cathéter qui permettra le meilleur appui, franchir avec le guide une sténose complexe ou mieux une occlusion chronique, réussir les premières bifurcations, dompter le Rotablator®… Or, si cette maîtrise est une condition nécessaire pour être un « bon » angioplasticien, elle n’est pas, loin s’en faut, suffisante. Avec l’expérience on s’aperçoit que, plus que le geste technique lui-même, le plus difficile est de savoir à la fois anticiper les complications mais surtout poser la bonne indication. Un beau résultat angiographique ne garantit pas rétrospectivement que le choix de l’angioplastie était le bon !  

Plaidoyer pour une lecture des recommandations de l’ESC/EACTS  Je ne saurais que trop conseiller à un cardiologue interventionnel en formation de se plonger dans les dernières recommandations concernant la revascularisation coronaire en général de l’ESC/EACTS, parues cette année.  Tout d’abord parce que cette analyse exhaustive et résumée de la littérature à usage pratique réalisée par un comité volontairement issu des deux sociétés savantes (la Société européenne de cardiologie et l’Association européenne pour la chirurgie cardiothoracique) est d’une grande richesse scientifique et pédagogique.  Ensuite, parce que ces recommandations ont le mérite de mettre en perspective chacune des deux alternatives, chirurgie et angioplastie entre elles mais aussi avec le traitement médical, exercice que ni l’angioplasticien ni le chirurgien n’est enclin spontanément à réaliser. En effet, si ces deux modes de revascularisation ont fait des progrès techniques considérables ces 30 dernières années, ces derniers ne doivent pas faire oublier les progrès au moins aussi déterminants du traitement médical optimal (OMT), notamment dans le traitement de la maladie coronaire stable.  Enfin parce qu’elles ne se prétendent pas, comme cela a parfois été affirmé, être un référentiel médico-legal mais se veulent une assistance au médecin pour sélectionner la meilleure stratégie diagnostique ou thérapeutique pour un patient donné.    Légitimement, le cardiologue interventionnel les trouvera probablement frileuses ou péjoratives pour l’angioplastie et les polémiques ne tarderont pas de naître de ce pavé de 50 pages. Il est vrai que l’angioplastie souffre classiquement de deux injustices :  - c’est la méthode qui est arrivée le plus tardivement à maturité et dont les preuves scientifiques sont de ce fait les moins fournies ;  - conceptuellement, si l’angioplastie se concentre sur la sténose, la chirurgie offre une protection supplémentaire contre une éventuelle évolution des segments d’amont.  Les angioplasticiens affirmeront aisément que la lourdeur du geste et la longueur de l’immobilisation en cas de chirurgie n’ont rien de conceptuelles pour le patient mais sont bien réelles.    Sans se focaliser sur ce débat, je suggère au lecteur de lire attentivement la première partie concernant l’évaluation du risque et le processus d’information et de décision.  En effet, la faisabilité technique de l’angioplastie n’est qu’un élément de ce processus de décision qui doit intégrer le contexte socio-culturel du patient. Cela est d’autant plus vrai aujourd’hui que les améliorations techniques permettent de dilater presque toutes les lésions.  Score et stratification du risque  Une certitude : la revascularisation est appropriée si le bénéfice observé en termes de survie ou d’amélioration des symptômes et de la qualité de la vie est supérieur au risque évalué de la procédure.  Il semble opportun de répéter ce dogme notamment lorsqu’on évoque une technique qui dans certaines situations cliniques a du mal à faire mieux que le traitement médical optimal.  L’évaluation du bénéfice dépend de la présentation clinique, de la sévérité de l’angor, de l’étendue de l’ischémie, de la réponse au traitement médical et de l’étendue de la maladie coronaire. La situation clinique reste l’élément probablement prépondérant avec un bénéfice maximal en cas de SCA ST+ ou SCA ST- à haut risque.  L’évaluation du risque de la revascularisation est plus difficile. Certes, l’expérience de l’opérateur compte dans l’appréciation du risque propre de chacune des lésions à traiter mais cette étape fondamentale peut être aidée par le recours à des scores statistiques.  Plusieurs scores de risque sont évalués. Il convient d’en distinguer deux types. Score évaluant le risque de la revascularisation en général Seul l’EuroScore (www.euroscore. org/calc.htlm) se prétend être un outil d’évaluation du risque de la revascularisation en général.  En effet, s’il a été initialement validé pour prédire un risque chirurgical, des études ont récemment montré qu’il était un facteur indépendant de MACE dans des études évaluant le traitement chirurgical mais aussi l’angioplastie. Ainsi, dans une série monocentrique comparant l’angioplastie et la chirurgie du tronc commun chez l’octogénaire, ce score est en analyse multivariée le plus puissant élément prédictif de décès ou de MACE quel que soit le mode de revascularisation choisi avec une valeur seuil à 9.  Cependant ces recommandations lui octroient une classe de recommandation de niveau I pour la chirurgie et seulement de niveau IIb pour l’angioplastie. Score évaluant le risque d’un mode de revascularisation en particulier Pour la chirurgie, seul le Society Thoracic Surgeons score (STS) (http://209.220. 160.181/STSWebRisk- Calc261/) trouve grâce aux yeux des experts à côté de l’EuroScore. Le Parsonnet score ne doit plus être utilisé de même que l’Age, Creatinine and Ejection Fraction (ACEF) score (respectivement classes III et IIb).  Concernant l’angioplastie, le Syntax Score (www.syntaxscore. com) est à privilégier (classe IIa) par rapport au National Cardiovascular Database Registry (NCDR CathPCI risk score) et au Mayo Clinic Risk score (classe IIb).  Là encore, cette stratification statistique ne doit être considérée que comme un guide car aucun de ces scores ne peut prédire avec précision un risque chez un patient en particulier. Le jugement clinique et le dialogue multidisciplinaire restent une étape essentielle. Information du patient  Un chapitre important est consacré à cet aspect de la prise en charge des patients, visant à placer l’avis du patient au centre de la décision.  Pour cela, l’information se doit d’être « objective, non biaisée, adaptée au patient, basée sur des preuves et intégrant les évolutions les plus récentes, fiable, compréhensible, accessible, pertinente et conforme aux exigences légales ».  L’information doit intégrer le bénéfice-risque de la procédure à court terme mais aussi le risque à long terme concernant la survie, l’angor résiduel, la qualité de vie ou la nécessité d’une nouvelle intervention.  En dehors des patients instables et des angioplasties ad hoc, le patient doit pouvoir bénéficier de temps (plusieurs jours ?) entre la coronarographie et la prise de décision, lui permettant s’il le souhaite d’obtenir un second avis ou celui de son médecin référent.  Il est même proposé en annexe un formulaire d’information type présentant à la fois l’angioplastie et la chirurgie (figure 1).    Figure 1. Le formulaire dʼinformation proposé est exhaustif. Presque trop ! Je ne suis pas sûr quʼil ne contribue pas à effrayer les patients déjà peu enclins à se faire opérer. Un point important est, selon ces recommandations, le droit du patient à connaître le médecin qui va le traiter mais aussi le niveau dʼexpertise de lʼopérateur et du centre. Sans aller jusquʼà cette dérive extrême, les centres doivent sʼorganiser pour lutter contre une forme dʼanonymat de la prise en charge et pour que lʼopérateur puisse expliquer lui-même au patient le principe et les risques de la procédure. Et pas uniquement alors quʼon est en train de lʼinstaller sur la table dʼexamen…  Heart Team  Cette nouvelle organisation doit au niveau de chaque centre organiser la collégialité et la multidisciplinarité de la prise en charge. Elle regroupe des cardiologues non interventionnels, des angioplasticiens, des chirurgiens cardiaques et si possible des anesthésistes, des réanimateurs, des gériatres… Elle élabore des protocoles de prise en charge type de patients.  Elle analyse de façon transparente toute situation clinique pouvant prêter à discussion, par exemple les patients stables ou ayant une atteinte tritronculaire ou du tronc commun.  Cette procédure ne doit pas être considérée comme une contrainte médico-légale mais comme un moyen d’optimiser l’objectivité de la décision.  Et en pratique….  Ces déclarations de bonnes intentions ne sont pas pour autant un frein à un certain bon sens.  L’angioplastie ad hoc, c'est-à-dire réalisée dans le même temps que la coronarographie garde sa légitimité. Le comité reconnaît qu’elle est pratique pour les patients, associée à moins de complications locales et probablement économique. Cependant, si elle est raisonnable pour beaucoup de patients, elle ne doit pas être appliquée par défaut. Ainsi sur une série de 38 000 patients ayant eu une angioplastie ad hoc, 30 % étaient des candidats potentiels pour la chirurgie et non pas été discutés de façon collégiale.    Certaines indications paraissent légitimes :  - les patients instables hémodynamiquement (incluant ceux en état de choc) ;  - les SCA ST+ ou SCA ST- sur la lésion coupable ; - les patients stables à faible risque, mono- ou bitronculaires (à l’exception de la sténose de l’IVA proximale) et avec des lésions à bas risque (coronaire droite, circonflexe non ostiale, IVA moyenne ou distale) ;  - la resténose.    Lʼangioplastie doit être réalisée dans un second temps en cas de :  • lésions « morphologiquement » à haut risque ;  • insuffisance cardiaque ;  • insuffisance rénale avec des valeurs seuil bien sévères (clairance de la créatinine < 60 ml/min) si le volume de contraste > 4 ml/kg ;  • patient stable multitronculaire avec atteinte de lʼIVA ;  • patient stable avec atteinte ostiale de lʼIVA ou avec sténose complexe de lʼIVA proximale ;  • toute procédure à` haut risque.    Cependant, ces recommandations se gardent bien de généraliser en précisant que c’est à la « Heart Team » du centre de réfléchir en amont à ces indications sur des critères anatomiques et cliniques.    Cette première partie des recommandations dʼallure peu polémique est pourtant très importante. Elle explique la nécessaire évolution de la prise en charge du patient coronarien. Elle repose sur quelques messages forts. Elle vise à désenclaver la décision de la salle de coronarographie et à sortir lʼangioplasticien dʼun exercice solitaire et partisan. Lʼéchange avec des chirurgiens, des cardiologues, des gériatres et bien entendu avec le patient lui-même est la seule garantie dʼune prise en charge optimale.  Chaque centre doit se doter dʼune « Heart Team » veillant à cette collégialité et définissant des protocoles consensuels de prise en charge.  Enfin, lʼinformation du patient est placée au premier plan, selon des règles très précises avec une traçabilité de cette dernière.   

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