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Innovation

Publié le 15 juin 2021Lecture 5 min

Resynchronisation biventriculaire par stimulation transseptale de la branche gauche

Nicolas CLEMENTY, Arnaud BISSON, Tours, Orléans

Le traitement électrique de l’insuffisance cardiaque est un des piliers de la prise en charge des patients avec dysfonction systolique du ventricule gauche (VG) et élargissement des complexes QRS. Il repose actuellement sur la stimulation épicardique de la paroi latérobasale du VG, le plus souvent par voie endocavitaire via le sinus coronaire. Des difficultés anatomiques peuvent cependant être rencontrées lors de l’implantation et un tiers des patients restent non répondeurs.

L'émergence de nouvelles techniques de stimulation des voies de conduction, et plus particulièrement la stimulation transseptale de la branche gauche du faisceau de His apparaissent très prometteuses. Concept La stimulation transseptale de la branche gauche consiste en la stimulation directe du tissu de conduction spécialisé endocardique. Elle permet une correction directe du trouble conductif initial, le bloc de branche gauche (BBG), par l’activation rapide du VG via le réseau spécialisé de Purkinje et du ventricule droit via une capture septale, alors que la resynchronisation conventionnelle se contente de pallier le retard électrique en stimulant précocement une zone du VG activée trop tardivement. Cette technique a pour intérêt de cumuler certains avantages détaillés dans le tableau. Technique d’implantation Matériel et installation La stimulation transseptale de la branche gauche est réalisée à l’aide d’une sonde de stimulation conventionnelle ou dédiée à la stimulation des voies de conduction délivrée via une gaine préformée. L’ECG 12 dérivations et les électrogrammes intracardiaques en bout de sonde sont affichés simultanément en continu sur une baie d’électrophysiologie ou un programmateur. Positionnement de la sonde La procédure commence par l’enregistrement du potentiel hisien distal. La gaine est ensuite avancée de quelques centimètres vers l’apex du ventricule droit, en contact avec le septum. Une stimulation unipolaire est alors effectuée pour évaluer le site idéal de fixation de la sonde selon des critères électrocardiographiques. On recherchera plus particulièrement un aspect en W, ou « notché », du QRS en V1. Un vissage très progressif est alors réalisé en imprimant une rotation directement sur le corps de sonde sous contrôle ECG de l’évolution de la morphologie du QRS stimulé jusqu’à l’apparition d’un retard droit (qR ou rsR en V1) (figures 1 et 2). L’enregistrement d’un potentiel de branche gauche en bout de sonde ou l’apparition d’extrasystoles ventriculaires à type de retard droit (screw beats) indiquent le contact du bout de la sonde avec la branche gauche. Figure 1. Radiographies postimplantation d’un stimulateur double chambre avec stimulation de la branche gauche en vue oblique antérieure droite (A) et gauche (B). Jaune : silhouette du VG ; vert : anneau tricuspide ; bleu : nœud atrioventriculaire, faisceau de His et branche droite ; rouge : vue schématique de la branche gauche. Figure 2. En haut, stimulation ventriculaire pendant le vissage transseptal : transition en V1 de l’aspect QS (A) vers un aspect qR en V1, d’abord transitoire(B, C) puis permanent (D). Après réglage du délai atrioventriculaire pour fusion entre l’activation spontanée via la branche droite et l’activation stimulée du réseau de Purkinje gauche, le QRS avec BBG (170 ms, au milieu) s’affine très nettement (120 ms, en bas). Preuves cliniques Sécurité Les équipes chinoises sont de loin les plus expérimentées depuis le premier cas décrit par Huang en 2017(1). L’équipe de référence de Huang à Wenzhou a ainsi rapporté 632 cas consécutifs avec un taux de succès d’implantation – selon des critères électriques stricts de capture de la branche gauche – de 98 %(2) ! Les seuils de stimulation étaient de 0,7 V à l’implantation et à 2 ans. En aigu, les seules complications significatives étaient 2 cas de perforation septale (0,3 %) ayant nécessité un repositionnement de la sonde. En chronique, le taux de complications était de 2,2 % incluant 6 élévations de seuil, 2 pertes de capture de la branche gauche (capture seulement septale), et 1 perforation septale. Aucun cas de décès, arrêt cardiaque, hématome septal, perforation coronaire ou thrombose n’était rapporté. Une étude multicentrique non chinoise a récemment rapporté les résultats d’une série de 325 patients avec insuffisance cardiaque et indication de resynchronisation biventriculaire, avec un taux de succès de 85 %, un seuil moyen de 0,6 V, stable au cours du suivi, et un taux de complications de 2,5 % (7 déplacements de sonde)(3). Efficacité Sur le plan électrique, les résultats sont spectaculaires avec un QRS moyen de 113 ms dans la série de Huang, 124 ms pour les patients avec BBG (vs 167 ms avant stimulation). Sur le plan clinique, les résultats du groupe international retrouvaient une classe NYHA passant de 2,7 à 1,8 à 3-6 mois postimplantation, une fraction d’éjection du VG de 33 à 44 %, avec 1% de«super-répondeurs ». Nous n’avons pas pour le moment encore de résultats d’études contrôlées multicentriques versus CRT conventionnelle, ni d’études sur des critères durs de morbi-mortalité. Indications Même si cette technique doit rester pour l’instant de 2e intention en attendant un niveau de preuve plus convaincant, elle nous semble par contre à privilégier par rapport à une chirurgie épicardique en cas d’échec de resynchronisation biventriculaire conventionnelle, que ce soit pour des raisons anatomiques (échec de cannulation du sinus coronaire, dissection, absence de collatérale utilisable, instabilité de la sonde ventriculaire gauche, etc.), ou pour des raisons hémodynamiques chez un patient non répondeur. Une autre bonne indication est la prévention ou le traitement de la cardiopathie induite par la stimulation chronique chez les patients avec dysfonction ventriculaire gauche nécessitant une stimulation ventriculaire permanente, particulièrement en cas de fibrillation atriale permanente mal tolérée avant ablation de la jonction atrioventriculaire. La simplification du système qui ne nécessite plus qu’une sonde et la distance de celle-ci avec les voies nodohisiennes lors de l’ablation nous font préférer cette technique à la CRT classique ou à la stimulation parahisienne. Conclusion ▫ La stimulation transseptale de la branche gauche apparaît extrêmement séduisante dans le traitement électrique de l’insuffisance cardiaque même si le niveau de preuve reste pour l’instant modeste. ▫ Cette technique prometteuse pourrait supplanter la CRT conventionnelle. Nous attendons avec impatience les premières études randomisées pour définitivement conclure et envisager une modification des recommandations actuelles.

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