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Polémique

Publié le 15 mar 2018Lecture 7 min

Jusqu’à quel âge proposer une ablation de fibrillation atriale ?

Nicolas CLEMENTY, Dominique BABUTY, Hôpital Trousseau, CHU de TOURS

La fibrillation atriale (FA) a une incidence croissante avec l’âge pour atteindre environ 10 % de la population au-delà de 80 ans. Ses conséquences sont désastreuses : augmentation des accidents vasculaires cérébraux (AVC), des hospitalisations et de la mortalité globale, et dégradation de la qualité de vie. Chez le sujet âgé, la fibrillation atriale est l’un des principaux facteurs déclenchants d’insuffisance cardiaque (IC). Elle est même mise en cause dans le développement de la démence.

En dehors de la problématique spécifique de l’anticoagulation curative, selon le caractère symptomatique ou non de la FA deux stratégies thérapeutiques sont possibles : le contrôle de la fréquence si l’arythmie est peu symptomatique, ou le contrôle du rythme si au contraire l’arythmie est très symptomatique. Avant d’opter pour une stratégie de maintien du rythme sinusal, il est nécessaire d’évaluer le bénéfice d’une telle intervention en termes de qualité de vie. Chez les patients âgés, la présence d’une cardiopathie sous-jacente, de comorbidités comme l’HTA, le diabète, l’insuffisance rénale ou les troubles cognitifs, peuvent à eux seuls diminuer la qualité de vie et limiter la prescription de certains agents antiarythmiques. Comment maintenir le rythme sinusal chez le sujet âgé ? Maintenir le rythme sinusal n’est pas toujours facile car les moyens à notre disposition sont peu nombreux. Les antiarythmiques de classe I doivent être prescrits avec précaution en présence d’une insuffisance rénale, fréquente chez le sujet âgé (une demi-dose est recommandée au-delà de 75 ans, la flécaïnide étant contre-indiquée en cas d’insuffisance rénale sévère). Ils sont contre-indiqués en cas de cardiopathie ischémique ou d’antécédents d’insuffisance cardiaque avec fonction systolique ventriculaire gauche altérée ou non. Parmi les antiarythmiques de classe III, l’amiodarone est l’antiarythmique le plus efficace et le mieux toléré, avec un faible risque de complication en cas de mauvaise observance (fréquente chez les patients non institutionalisés avec des troubles cognitifs). Son utilisation peut être difficile en cas d’antécédent d’hyperthyroïdie. Quand et comment envisager l’ablation ? En présence d’une FA paroxystique ou persistante très symptomatique avec échec (ou contre-indication) d’un traitement antiarythmique, l’ablation doit être discutée avant d’envisager une ablation – définitive – du nœud atrioventriculaire associée à la mise en place d’un stimulateur cardiaque. Il s’agit d’une recommandation de classe IA ou IIA puisqu’aucune limite d’âge n’est précisée et aucune option thérapeutique n’est exclue même en fonction de l’âge(1). Ceci est d’autant plus vrai que le patient a une insuffisance cardiaque à fonction systolique ventriculaire gauche altérée qui pourrait se dégrader en cas de stimulation ventriculaire permanente, même si l’on a pris la précaution d’implanter un stimulateur biventriculaire. Avant d’envisager une déconnexion des veines pulmonaires chez le sujet âgé, il faut impérativement : • Évaluer la présence et la nature de la cardiopathie sous-jacente.  Ce n’est pas tant l’âge ou la taille de l’oreillette gauche que la quantité de substrat fibrotique atrial – éventuellement l’infiltration amyloïde du tissu qui augmente avec l’âge – qui va influencer les chances de succès. Ce risque de cardiomyopathie fibrotique atriale est multiplié par 3 au-delà de 75 ans (étude DECAAF). L’échocardiographie et l’IRM sont utiles à ce stade de la réflexion. • Évaluer les comorbidités  qui pourraient empêcher la réalisation de l’intervention et/ou de l’anesthésie locale voire générale (insuffisance respiratoire, déformation thoracique, cachexie, etc.). • Évaluer l’âge physiologique du patient  ainsi que la présence ou non de troubles cognitifs qui pourraient rendre obsolètes les bénéfices fonctionnels cardiaques de l’ablation. Quelles informations donner au patient ? Il est impératif de discuter du rapport bénéfices/risques de l’ablation (et plus précisément de la méthode utilisée) avec le patient, si possible en présence d’un autre membre de la famille. Une information claire doit être délivrée et l’éventualité d’une deuxième procédure doit être évoquée. Il sera bien précisé au patient que l’anticoagulation sera poursuivie au long cours, même en l’absence de récidive de fibrillation atriale documentée, le score de CHADS2DS2 VASc étant toujours ≥  2 chez les patients de plus de 75 ans. Dans le but de raccourcir la procédure et d’éviter une anesthésie générale ou une forte sédation, la cryoablation peut être préférée à la radiofréquence du fait de son caractère peu algique et d’un temps de procédure court. La cryoablation a l’avantage de créer une zone d’exclusion large, en particulier avec la dernière génération de ballon (28 mm de diamètre). La durée de la procédure est relativement standardisée (1 h environ) quel que soit le type de fibrillation. En cas de récidive plus de 2 mois après la première procédure, une nouvelle intervention pourra être proposée, cette fois par radiofréquence couplée à un système de navigation électroanatomique, afin de détruire sélectivement les zones de reconnexion périveineuses ou les zones de conduction lente (potentiels tardifs en rythme sinusal). Une carte couleur du substrat sera réalisée afin d’évaluer le degré de cardiopathie fibrotique selon l’étendue des zones de bas voltage. Les résultats de la cryoablation de la FA paroxystique sont comparables à ceux de la radiofréquence dans un essai randomisé en termes d’efficacité et de sécurité : plus de 70 % de maintien en rythme sinusal à 1 an (études FREEZE, FIRE AND ICE), au prix de deux séances dans 20 % des cas environ. Pour la FA persistante, les résultats sont autour de 65 % dans les études les plus récentes avec la cryoablation. Quels facteurs influencent le succès de l’ablation ? Les deux études réalisées avec des patients de plus de 75 ans rapportent des résultats comparables à ceux obtenus chez des patients plus jeunes pour la FA paroxystique : 81 % de maintien en rythme sinusal à 1 an versus 84 % pour des sujets plus jeunes(2) et 75 % de succès à 1 an dans la série de Pott(3) en 2016 incluant fibrillations atriales paroxystiques et persistantes. L’évaluation de la fibrose de l’oreillette gauche peut se faire par certaines techniques d’imagerie : strain de l’oreillette gauche, IRM (quantification du rehaussement tardif de l’oreillette gauche, etc.). Ces techniques ne sont pas toutes validées et l’analyse de la fibrose par l’IRM reste encore confidentielle, les logiciels d’analyse étant peu diffusés et coûteux. L’apparition de biomarqueurs de la fibrose comme la galectine-3 pourrait être utile dans la sélection des candidats à l’ablation de la FA. En peropératoire, la fibrose peut être quantifiée par l’analyse de l’amplitude du signal électrique atrial, traduction indirecte du degré d’envahissement fibrotique du tissu sous-jacent. Cependant, cette analyse n’est pas disponible avec la cryoablation. Elle sera utile et réalisée dans le cas d’une deuxième procédure pour récidive, une fibrose excessive nous orientant plus vraisemblablement vers une stratégie de contrôle de la fréquence. Un contrôle strict des comorbidités comme le poids, l’HTA, la glycémie et le bilan lipidique est un élément important dans le succès de l’ablation. Une réduction des comorbidités s’accompagne d’un bénéfice net en termes de maintien du rythme sinusal à 1 an (étude ARREST). Il a été suggéré initialement que le score CHADS2 DS2 VASc pouvait prédire les mauvais candidats à l’ablation, les résultats étant d’autant moins bons que le score était élevé. Des études plus récentes ont contredit cette observation et d’autres scores ont été proposés. Certains scores complexes ont été abandonnés ou non diffusés (ALAR-Rec, BASE-AF2), d’autres semblent plus pertinents et faciles d’utilisation tel que le score APPLE publié en 2017. Il faut noter que dans ces différents scores, l’âge apparaît toujours. L’obésité, le diabète, l’insuffisance rénale, la fraction d’éjection ventriculaire gauche, l’HTA et l’apnée du sommeil sont autant de comorbidités à évaluer. Un contrôle de ces différentes pathologies doit être effectué en pré- et postopératoire afin d’optimiser les résultats. L’étude ARREST-AF publiée en 2014 avait montré un net bénéfice dans le groupe de patients recevant une éducation visant à corriger les comorbidités. L’ablation peut-elle être proposée en cas d’insuffisance cardiaque ? Chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque, l’ablation présente deux avantages : supprimer un facteur déclenchant fréquent de décompensation en cas de FA paroxystique et améliorer la fraction d’éjection ventriculaire gauche en cas de fibrillation atriale persistante. En effet, des études récentes de 2017 (études CAMERA, CASTLE-AF) ont montré que la fraction d’éjection pouvait nettement augmenter après ablation, jusqu’à 18 % dans l’étude CAMERA, en particulier chez les patients avec cardiomyopathie dilatée isolée indemne de fibrose. L’ablation peut être ainsi une première étape efficace chez les patients âgés, avant d’envisager une solution radicale et surtout irréversible telle que l’ablation du nœud atrioventriculaire. Conclusion L’âge n’est pas une contre-indication à l’ablation de la fibrillation atriale lorsque celle-ci est très symptomatique, résistante aux antiarythmiques, le taux de maintien en rythme sinusal à 1 an étant comparable avant et au-delà de 75 ans. Cette option thérapeutique est à discuter en particulier lorsque la fibrillation atriale est intriquée à de l’insuffisance cardiaque. Une information rigoureuse sera donnée au patient et à son entourage sur les risques et bénéfices. La cryoablation semble plus facile à mettre en œuvre en première intention. Une évaluation globale du patient en termes de bénéfices, de comorbidités, de cardiopathie sous-jacente est nécessaire avant l’intervention pour optimiser les résultats chez ces patients âgés. Pour en savoir plus Calkins H et al. 2017HRS/EHRA/ECAS/APHRS/ SOLAECE Expert consensus statement on catheter and surgical ablation of atrial fibrillation. Journal of Arrhythmia 2017 ; 33 : 369-409.

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