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Gestion du risque

Publié le 28 fév 2013Lecture 6 min

Gestion des anticoagulants lors des ablations de FA : les arrêter ou les maintenir ?

A. SAVOURÉ, service de cardiologie, Hôpital Charles Nicolle, Rouen

Les dernières recommandations internationales mettent en avant l’ablation de la fibrillation auriculaire chez les patients symptomatiques.

Les habitudes opératoires des différents centres varient, en particulier sur l’arrêt ou la poursuite des traitements anticoagulants oraux lors de la procédure. L’arrêt du traitement oral avec relais par une héparine de bas poids moléculaire (HBPM) est probablement actuellement l’attitude la plus répandue en France. Y a-t-il pourtant réellement sujet à polémique ? Faut-il arrêter ou poursuivre les traitements anticoagulants oraux lors d’une ablation de FA ? Faut-il dans tous les cas réaliser un bolus d’héparine lors de l’intervention et, si oui, dans quelles conditions ? L’arrivée des nouveaux traitements anticoagulants oraux doit-elle changer nos habitudes ? Dans toute procédure invasive, l’opérateur se pose la question du rapport bénéfice-risque apporté à son patient à chacune de ses décisions. Ceci est particulièrement vrai sur la gestion du traitement anticoagulant. La volonté d’arrêter le traitement anticoagulant avant l’intervention est essentiellement fondée sur la crainte d’avoir à gérer une complication hémorragique grave chez un patient anticoagulé. Celle-ci peut être en rapport avec un hématome au niveau des points de ponction veineux, ou plus particulièrement avec une tamponnade cardiaque suite au cathétérisme transseptal. En revanche, l’organisation d’une procédure ablative chez un patient anticoagulé de façon optimale sans avoir à recourir à un relais HBPM est plus simple et il peut être tentant de penser qu’il sera mieux protégé du risque thromboembolique de l’intervention. La médecine étant fondée sur les preuves, il est important de s’appuyer sur des données scientifiques pour pouvoir retenir une attitude par rapport à une autre. La « vraie vie » actuelle ? Un registre observationnel européen récent(1) permet de faire le point sur les habitudes et les résultats de 20 centres ayant participé au recueil des données. Dans ce registre, 2 748 patients ont bénéficié d’une ablation de FA paroxystique (n = 2 128) ou persistante (n = 620). Onze centres ont réalisé leurs procédures sans arrêter le traitement anticoagulant oral et 9 ont fait un relais par HBPM. Dans tous les centres, une injection d’héparine était réalisée après la ponction transseptale. La dose d’héparine était adaptée pour un TCA à 300 s dans 18 centres et à 250 s dans 1 centre. Dans le dernier centre, une injection empirique de 10 000 UI a été administrée sans contrôle du TCA. Le taux de complications sur l’ensemble de cette population était de 3,8 %, avec 1,1 % d’accidents neurologiques. Il n’a pas été observé de différence significative sur le taux de complications selon que les antivitamines K (AVK) aient été arrêtées ou non pour la procédure. Un registre français sur 7 centres a récemment été présenté aux Journées européennes de la SFC(2). Il a porté sur 2006 procédures d’ablation de FA réalisées entre 2009 et 2011. Il est intéressant de noter que sur ces 7 centres français, seul un réalisait ses procédures d’ablation sous AVK depuis 2009 et un autre a commencé les procédures sous anticoagulant oral au cours de la période d’inclusion. Comparaison poursuite ou arrêt des AVK avec relais HBPM On retrouve dans la littérature depuis plusieurs années des études comparant l’arrêt des AVK avec relais par HBPM et la poursuite des AVK pour les procédures d’ablation de FA. Les premières études étaient réalisées sous contrôle écho-intracardiaque et ne retrouvaient pas de majoration du risque en cas de procédure sous traitement anticoagulant. En 2011, une étude anglaise(3) a montré que l’ablation de FA peut être réalisée sous traitement par warfarine sans contrôle écho-intracardiaque avec un taux de saignement significativement inférieur dans ce groupe comparé au groupe arrêt de la warfarine et relais HBPM. Une métaanalyse(4) portant sur 9 études (n = 27 042) évalue le risque d’événements hémorragiques majeurs (tamponnade ou saignement nécessitant une intervention ou une transfusion) ou mineurs et d’accidents thromboemboliques (AVC, AIT) lors d’ablation de FA en comparant 6 400 patients chez qui les AVK sont poursuivies pour l’intervention (groupe 1) aux patients chez qui les AVK sont arrêtées avec relais par HBPM (groupe 2). Cette étude retrouve un taux d’hémorragies majeures chez 0,55 % des patients du groupe 1 et 1,25 % des patients du groupe 2 (OR : 0,67 ; p = 0,30) et mineures chez 4,5 % des patients du groupe 1 et 18,6 % des patients du groupe 2 (OR : 0,38 ; p = 0,002). On retrouve 0,06 % d’accidents thromboemboliques dans le groupe 1 vs 0,94 % dans le groupe 2 (OR : 0,10 ; p < 0,001). L’ablation de FA sous traitement par AVK permet donc de réduire le risque d’événements thromboemboliques post-procédure sans majorer le risque de saignement. Faut-il ajuster le bolus d’héparine en cas de poursuite des AVK ? Une étude(5) permet de répondre à cette question. Elle s’est intéressée aux liens entre le taux d’INR et l’efficacité du bolus d’héparine. Les patients ont été répartis en deux groupes selon le résultat de l’INR lors de l’ablation (groupe 1 : INR < 2 ; groupe 2 : INR > 2). Chaque patient recevait ensuite un bolus d’héparine de 60 à 100 U/Kg puis des doses supplémentaires toutes les 30 minutes afin d’obtenir un TCA à 350 s. La dose d’héparine nécessaire pour obtenir le TCA cible était significativement inférieure dans le groupe 2 par rapport au groupe 1 (77,03 vs 106,82 ; p < 0,001). Il est donc important d’adapter les doses d’héparine lors des ablations de fibrillation auriculaire lorsque l’INR est supérieur à 2. Gestion des complications sous AVK R. Latchamsetty(6) s’est intéressé au pronostic de 40 patients ayant présenté des tamponnades cardiaques après ablation de FA, en comparant un groupe chez qui l’ablation était réalisée avec un INR < 2 (groupe 1 ; n = 23) et un groupe avec un INR de départ > 2 (groupe 2 ; n = 17). L’ensemble des patients a bénéficié d’un drainage percutané de l’épanchement péricardique avec neutralisation de l’héparine par de la protamine chez 83 % des patients du groupe 1 et 94 % des patients du groupe 2. La warfarine était neutralisée chez 17 % des patients du groupe 1 et 35 % des patients du groupe 2 (p = 0,27). Il n’a pas été mis en évidence de différence significative entre les deux groupes sur le volume de l’épanchement à évacuer, sur la durée du drainage et le pronostic des patients. La gestion et le pronostic de la tamponnade cardiaque sont donc identiques si le patient est sous AVK ou non. Et les nouveaux anticoagulants oraux ? Plusieurs études ont comparé les traitements par warfarine et dabigatran dans l’ablation de la FA. Les résultats sont parfois discordants. D. Lakkireddy et son équipe ont publié une étude multicentrique prospective comparant les deux thérapeutiques(7). Dans ce travail, la warfarine était poursuivie pour l’ablation et le dabigatran arrêté le jour de l’examen (dernière prise 12 h avant) puis repris 3 heures après la fin de la procédure, 145 patients étant inclus dans chaque groupe. Ils retrouvent un taux de saignement majeur (tamponnade dans tous les cas) significativement plus élevé dans le groupe dabigatran (9 vs 1 patient dans le groupe warfarine). De même, le critère combiné saignements majeurs et complications emboliques est significativement plus important dans le groupe dabigatran (23 vs 9 patients ; p = 0,009). Il faut cependant noter que d’autres études ne confirment pas ce résultat. Une étude publiée par Winkle et al.(8) semble montrer l’intérêt d’un arrêt plus précoce du dabigatran (entre 36 et 60 h avant le geste selon la fonction rénale), d’une cible de TCA plus basse lors de l’ablation (225 s) et d’une reprise plus tardive du traitement (22 h après) pour éviter les risques hémorragiques. Conclusion La gestion du traitement anticoagulant lors d’une ablation de fibrillation est un véritable défi pour l’opérateur qui doit lutter contre les risques emboliques de la procédure sans augmenter le risque hémorragique. La question de la poursuite du traitement par AVK ou du relais par HBPM ne se pose pratiquement plus en 2013. En effet, les différentes études sur le sujet prouvent la faisabilité du geste sous AVK en toute sécurité en diminuant le risque embolique. Les dernières recommandations ACC/AHA/ESC(9) soulignent d’ailleurs la possibilité de réaliser l’ablation sous AVK. La question des nouveaux anticoagulants est plus difficile. Un arrêt temporaire est nécessaire avec ce traitement. Il semble exister un sur-risque hémorragique sous dabigatran mais celui-ci paraît en partie contrôlable, par une bonne gestion de la dernière prise et de la reprise de ce traitement après l’ablation et par une adaptation du TCA cible sous héparine. Cependant la bonne stratégie, lorsque c’est possible, est probablement de préférer les AVK aux nouveaux anticoagulants pour encadrer la procédure ablative.

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