La Lp(a)
Publié le 20 juin 2023Lecture 6 min
Stratification du risque CV : que faut-il prendre en compte ?
Étienne PUYMIRAT, département de cardiologie, Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris
L’évaluation du risque cardiovasculaire (CV) doit prendre en compte l’ensemble des facteurs de risque. Ces facteurs sont classiquement définis comme modifiables (dyslipidémie, hypertension artérielle, diabète, tabagisme, obésité) ou non modifiables (âge, sexe, origine ethnique, prédisposition génétique) (figure 1)(1). L’interaction de ces différents facteurs de risque définit le risque CV global du patient. Il s’agit donc d’une approche individualisée qui prend également en compte les comorbidités, le mode de vie, les antécédents d’événements CV majeurs (prévention primaire ou secondaire) et si les facteurs de risque sont contrôlés ou non.
Cet article est principalement centré sur le risque lipidique qui est extrêmement complexe étant donné le nombre de cibles potentiellement impliquées dans le développement de l’athérosclérose.
Figure 1. Représentation des facteurs de risque cardiovasculaires selon le caractère modifiable ou non.
Stratification du risque cardiovasculaire
Il existe plus de 100 scores de risque CV rapportés dans la littérature. Il n’existe toutefois aucun score de risque parfait.
En prévention primaire, les plus connus sont : le score de Framingham, le score PROCAM, le SCORE (de l’ESC), le score ASCVD (de l’ACC/AHA). Les variables les plus utilisées pour calculer ces scores sont l’âge, le sexe, le cholestérol (total ou non-HDL), le tabagisme, le diabète, et la pression artérielle systolique(1).
En prévention secondaire, le score le plus connu est le TRS-2P (TIMI Risk Score for Secondary Prevention) qui prend en compte 9 variables (âge ≥ 75 ans, diabète, HTA, tabagisme actif, ATCD de pontages, ATCD d’AVC, l’artériopathie périphérique, l’insuffisance cardiaque et l’insuffisance rénale) et qui définit 3 niveaux de risque : faible, intermédiaire ou élevé (tableau 1)(1).
La Société européenne de cardiologie définit 4 catégories de risque (bas risque, risque intermédiaire, risque élevé, et risque très élevé) en ne prenant en compte que certains paramètres(1).
Évaluation du risque lipidique
L’évaluation du risque lipidique ne se limite pas au LDL-C. En effet, toutes les lipoprotéines contenant de l’ApoB (de moins de 70 nm de diamètre y compris les petites lipoprotéines riches en TG et leurs particules résiduelles) peuvent traverser la barrière endothéliale, notamment en cas de dysfonctionnement endothélial, où elles peuvent être piégées après interaction avec des structures extracellulaires telles que les protéoglycanes. Ces lipoprotéines contenant l’ApoB retenues dans la paroi artérielle provoquent un processus complexe qui conduit au dépôt de lipides et à l’initiation de l’athérome(1).
Les plaques d’athérosclérose se développent avec le temps à mesure que des particules de lipoprotéines contenant de l’ApoB supplémentaires sont retenues. Le volume des plaques d’athérosclérose est déterminé à la fois par la concentration des lipoprotéines contenant de l’ApoB et par la durée totale d’exposition. L’augmentation du volume des plaques d’athérosclérose ainsi que les changements dans la composition de ces plaques sont susceptibles d’entraîner des « ruptures de plaque » sur lesquelles se forment des thrombi obstruant de manière aiguë le flux sanguin et pouvant engendrer un événement CV majeur (angor instable, infarctus du myocarde, décès). Plusieurs cibles ont donc été identifiées pour stratifier ce risque lipidique(1).
LDL-C
Le LDL-C plasmatique représente de loin les lipoprotéines les plus nombreuses contenant de l’ApoB. De nombreuses données ont démontré une relation linéaire entre le LDL-C plasmatique et le risque CV. À l’inverse, la réduction du LDL-C réduit le risque de présenter un événement CV proportionnellement à la réduction absolue obtenue du LDL-C.
Il a également été démontré qu’une exposition à long terme à des niveaux bas de LDL-C est associée à un risque beaucoup plus faible d’événements CV par rapport à une exposition à court terme à des taux bas de LDL-C (comme cela est obtenu, par exemple, dans des essais cliniques). Par conséquent, l’effet du LDL-C sur le risque CV est déterminé à la fois par le taux plasmatique et la durée totale d’exposition au LDL-C.
Triglycérides (TG)
Les particules de VLDL riches en TG transportent la plupart des TG circulants. Des taux plasmatiques élevés de TG sont associés à un risque accru d’événement CV. À ce jour, seul un essai clinique (REDUCE-IT) a montré que la réduction du taux sanguin de TG améliorait le pronostic CV par la prise d’oméga-3 (acide eicosapentaénoïque, EPA) à forte dose.
HDL-C
Plusieurs études ont démontré l’association inverse entre le HDL-C plasmatique et le risque CV. Toutefois, aucun essai clinique n’a démontré à ce jour que l’augmentation thérapeutique du HDLC plasmatique permettait de réduire le risque de présenter un événement CV ou de ralentir la progression de l’athérome.
Lp(a) : une nouvelle cible ?
La Lp(a) est une lipoprotéine qui présente les mêmes caractéristiques de densité et dimensions que le LDL-C. La Lp(a) possède un fragment Apo(a) déterminé génétiquement qui est lié de manière covalente à son composant ApoB. Plusieurs études génétiques et métaanalyses ont montré que la Lp(a) représente un marqueur indépendant de risque CV. La Lp(a) a également des propriétés pro-athérogènes liées à des effets pro-coagulants [la Lp(a) ayant une structure similaire à celle du plasminogène] et à des effets pro-inflammatoires (en relation avec la charge de phospholipides oxydés qu’elle porte).
Le rôle de la Lp(a) dans l’athérosclérose n’est pas complétement connu. Des taux élevés de Lp(a) ont été retrouvés chez les patients présentant une maladie coronaire, une sténose de la valve aortique, un AVC. Cependant, la variabilité génétique de la Lp(a) fait que l’expression de la maladie CV est variable.
Les modifications du mode de vie n’ont pas d’effets sur les taux de Lp(a). Les essais randomisés évaluant des thérapies qui abaissent la Lp(a) (y compris la niacine et les inhibiteurs de la CETP) n’ont pas démontré à ce jour de bénéfices sur le pronostic CV. En revanche, les données récentes avec les inhibiteurs PCSK9 suggèrent une amélioration du pronostic CV via la baisse de la Lp(a). D’autres essais cliniques sont actuellement en cours avec des acides nucléiques thérapeutiques qui ont été développés pour cibler la Lp(a). Celui dont l’évaluation clinique est la plus avancée est le pélacarsen, un oligonucléotide antisens qui vise à réduire le taux d’apolipoprotéine(a) en interagissant avec son ARN messager, et donc secondairement à réduire le taux de Lp(a).
Dans une étude récente de phase 2b, le pélacarsen a non seulement permis de réduire les taux de Lp(a), comme attendu, mais a eu aussi un effet significatif plus surprenant sur les taux de LDL-C avec une baisse pouvant aller jusqu’à 26 % et jusque 16 % de celui de l’apolipoprotéine B. L’essai HORIZON (en cours) évalue l’impact du pélacarsen sur le pronostic CV chez des patients en prévention secondaire.
Risque résiduel
Le risque résiduel se définit comme le risque qui subsiste après que toutes les mesures de prévention et de protection ont été prises en compte. Dans la prise en charge de la dyslipidémie plusieurs notions sont à prendre en compte :
• La réduction du risque avec les hypolipémiants (notamment les statines) dépend du degré initial de maladie athéroscléreuse : dans les principaux essais de prévention, le bénéfice relatif est d’autant plus grand que l’intervention thérapeutique commence à un stade précoce.
• La réponse aux traitements peut varier selon les prédispositions génétiques. Dans l’essai dal-GenE, l’effet du dalcétrapid sur le pronostic CV après un syndrome coronarien aigu est variable selon le profil génétique (figure 2)(2).
• L’effet thérapeutique est plus important chez les patients avec un profil de risque élevé. Dans l’essai IMPROVE-IT, le bénéfice de l’association statine + ézétimibe est surtout retrouvé dans le groupe de patients à haut risque (avec un score TRS2P > 2)(3).
• L’effet thérapeutique dépend de la durée d’exposition au traitement. Dans l’essai FOURRIER, les patients ayant reçu de l’évolocumab pendant plus d’un an ont eu un meilleur pronostic que ceux ayant eu une durée de traitement inférieure (figure 3)(4).
Figure 3. Essai FOURIER : effet thérapeutique variable selon la durée d’exposition au traitement.
• L’effet thérapeutique dépend de la posologie. Dans l’essai PROVE-IT, le pronostic des patients avec de l’atorvastatine 80 mg était supérieur à ceux ayant reçu du 40 mg en post-syndrome coronarien aigu (figure 4)(5).
Figure 4. Essai PROVE-IT : effet thérapeutique variable selon la posologie du traitement.
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