La Lp(a)
Publié le 07 avr 2023Lecture 6 min
Rôle de la lipoprotéine (a) dans l’athérothrombose
S. BÉLIARD-LASSERRE*, E. ANGLÉS-CANO**, V. DURLACH***
*AP-HM, Hôpital La Conception Département d’endocrinologie, Université Aix-Marseille, INSERM, INRAE, C2VN, Marseille
**Inserm UMR_S1140, Faculté de Pharmacie de Paris, Paris
***Université de Champagne-Ardenne, UMR CNRS 7369 MEDyC &, Pôle Thoracique et CardioVasculaire Reims, CHU de Reims
Découverte en 1963 par Kåre Berg, la lipoprotéine (a) [Lp(a)] a rapidement été reconnue comme un facteur de risque de maladie cardiovasculaire (MCV) et sa mesure est devenue accessible au praticien vers 1990. Cependant, en l'absence d'un traitement spécifique capable de réduire des concentrations élevées, l’intérêt qu’elle suscitait a progressivement diminué et son dosage n'est plus remboursé en France depuis plus de 10 ans. Le retour en grâce de ce facteur de risque CV est motivé par plusieurs points : la standardisation des tests de mesure de la concentration plasmatique de la Lp(a), des données génétiques récentes (randomisation mendélienne et « genome wide associations ») associant de façon certaine une concentration élevée de Lp(a) et un sur-risque de MCV et le développement de nouveaux traitements médicamenteux spécifiques ciblant l’apoprotéine (a).
Structure de la Lp(a)
La Lp(a) est une lipoparticule de structure complexe contenant entre 30 et 45 % de cholestérol et qui associe une lipoprotéine de base densité (LDL) dont on connaît les liens avec l’athérosclérose et une glycoprotéine de taille variable, l’apoprotéine(a) [apo(a)] liée à l’apoB-100 de la LDL par un pont disulfure (figure 1)(1,2). Les mécanismes impliqués dans l’augmentation du risque d’athérothrombose artérielle par la Lp(a) sont liés à cette structure particulière associant une lipoparticule « LDL-like » et l’apo(a).
Le gène LPA codant pour l’apo(a) est situé sur le chromosome 6 humain. Ce gène a évolué chez les primates par duplications, délétions et mutations ponctuelles de certaines parties du gène du plasminogène. Le plasminogène est une molécule à chaîne unique constituée d’une région N-terminale, de 5 domaines « kringle » (K, structures hélicoïdales en forme de bretzel) et de la région protéinase. Les K1 et K4 contiennent chacun un site qui assure la liaison du plasminogène à la fibrine où il est transformé en plasmine, l’enzyme fibrinolytique. L’apo(a) présente de nombreuses séquences homologues du K4 du plasminogène (de 75 % à 94 %) et des copies uniques du K5 et de la région sérine-protéinase n’ayant pas d’activité profibrinolytique. Il existe 10 types de copies uniques du K4 du plasminogène dans l’apo(a). La copie KIV de type 9 permet la formation du complexe avec l’apoB100 ; la copie de type 2 présente en nombre variable (2 à 40) est à l’origine des isoformes dont la taille et la masse moléculaire varient entre 250 et 800 kDaltons selon les individus.
Ce polymorphisme de taille de l’apo(a) est inversement lié à la concentration plasmatique de Lp(a) : chez les patients qui présentent des petites isoformes d’apo(a) avec un faible nombre de copies de K4 de type 2, on retrouve une concentration plasmatique élevée de Lp(a) et inversement, les isoformes de grande taille de l’apo(a) sont associées à des concentrations basses de Lp(a).
Une autre particularité de la Lp(a) est de transporter des phospholipides oxydés liés à l’apo(a) qui participent aussi probablement au risque d’athérothrombose.
Figure 1. Structure de la lipoprotéine(a)/apolipoprotéine(a) [Lp(a)/apo(a)]. In(2).
La Lp(a) est une particule complexe composée d’un noyau lipidique et de deux apolipoprotéines liées par des pont disulfures : l’apolipoprotéine B-100 (lipoprotéine de basse densité [LDL]) et l’apo(a). La glycoprotéine apo(a) présente un degré élevé d’homologie avec le plasminogène, le précurseur de la plasmine, l’enzyme fibrinolytique. L’analyse de la séquence des acides aminés et le clonage de l’acide désoxyribonucléique complémentaire (ADNc) ont permis d’établir que l’apo(a) est constituée de 10 types différents de répétitions de kringle IV (KIV) (cercles verts), dont l’un, le KIV de type 2 (KIV-2), est présent en nombre variable. En outre, l’apo(a) partage des copies uniques du kringle V du plasminogène (KV) et un domaine sérine-protéinase inactif (SP).
Rôle de la Lp(a) dans les pathologies athérothrombotiques
La concentration plasmatique de la Lp(a) est associée au risque athérothrombotique et à ses manifestations cliniques : l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral ischémique, l’atériopathie oblitérante des membres inférieurs, les calcifications et la sténose de la valve aortique(3).
Il existe une relation continue entre concentrations plasmatiques de Lp(a) et le risque de MCV. Le rôle de la Lp(a) dans les pathologies athérothrombotique
est multiple et complexe (figure 2).
La Lp(a) et l’apo(a) ont été trouvées dans l’intima lésionnelle d’artères animales ou humaines, ainsi que dans des lésions de sténose valvulaire aortique humaine à des stades précoces ou avancés(4). Ces données montrent la capacité de la Lp(a) à pénétrer et à s’accumuler dans l’intima des artères et des feuillets de la valve aortique. Des études cinétiques in vivo chez l’animal et chez l’homme suggèrent que les lipoparticules Lp(a) et LDL pénètrent dans l’intima et en sont éliminés à des vitesses similaires dans une artère normale, mais que la Lp(a) peut être piégée préférentiellement dans l’intima artérielle lésée, ce qui pourrait être lié à la plus grande capacité des Lp(a) que des LDL à se lier à la fibrine ou aux glycosaminoglycanes. La Lp(a) se lie à la fibrine, est transportée et s’accumule soit dans les plaques vulnérables (artères coronaires, carotides et fémorales), soit dans les sites de turbulence de lésions mineures (valve aortique et sténose athérosclérotique)(3).
La Lp(a) favorise les lésions endothéliales et la dysfonction endothéliale, responsables du passage des Lp(a) à travers la couche endothéliale protectrice. La Lp(a) peut également activer les monocytes dans le sang et induire leur migration vers la paroi artérielle(5). La Lp(a) promeut le dépôt vasculaire de lipides, l’inflammation, mais aussi les calcifications vasculaires. Elle peut être absorbée par les macrophages pour produire des cellules spumeuses et stimuler la prolifération et la migration des cellules musculaires lisses. Les cellules ostéogéniques responsables des calcifications se différencient à partir des cellules musculaires lisses dans les artères et des cellules interstitielles de la valve aortique. Les phospholipides oxydés, qui modifient la Lp(a) principalement par liaison covalente avec son unique composant apo(a), participent également à la pathogénicité de la Lp(a)(6). En effet, ces phospholipides oxydés qui se colocalisent avec l’apo(a)-Lp(a) dans les lésions artérielles et valvulaires aortiques, activent des voies de signalisation intracellulaires pour promouvoir des effets pro-athérosclérotiques, pro-inflammatoires et/ou pro-ostéogéniques sur les cellules endothéliales, les macrophages et les cellules interstitielles valvulaires ; ils participent ainsi directement à la pathogenèse en favorisant le dysfonctionnement endothélial, le dépôt de lipides, l’inflammation et la différenciation ostéogénique. Outre ces mécanismes, la similitude structurelle de l’apo(a) et du plasminogène est considérée comme un facteur clé expliquant la relation causale entre la Lp(a) et ses effets prothrombotique et antifibrinolytique(7). Contrairement au plasminogène, l’apo(a) a un effet prothrombotique via l’inhibition de la thrombolyse.
En revanche, malgré le rôle avéré des isoformes de Lp(a) dans l’athérothrombose, les études de randomisation mendélienne ou cliniques considérant l’élévation de Lp(a) ne retrouvent pas de lien clair avec la maladie veineuse thromboembolique chez l’adulte, sinon chez des sujets présentant des facteurs de risque de thrombophilie. En réalité, le mécanisme de formation d’un thrombus est différent s’agissant d’une veine par rapport à une artère. La paroi vasculaire lésée est typique de l’athérothrombose alors que dans la veine c’est la stase sanguine qui joue un rôle prépondérant.
Figure 2. Voies physiopathologiques établissant un lien de causalité entre des concentrations plasmatiques élevées de Lp(a), la maladie vasculaire athérosclérotique et la sténose de la valve aortique. In(1).
EN PRATIQUE
>> Les données actualisées de la littérature montrent un lien causal clair et indépendant entre l’élévation de la Lp(a) circulante, le risque athérothrombotique et la sténose aortique calcifiante.
>> La structure de la Lp(a) associant une lipoparticule « LDL-like » contenant du cholestérol et des phospholipides oxydés explique son rôle pro-athérogène, et l’apo(a) rend compte de son rôle prothrombogène (illustré dans la figure 3).
Figure 3. Mécanismes d’actions de la lipoprotéine (a). In((2).
Les accidents cliniques sont liés à une sténose athérosclérotique compliquée d’une thrombose (IDM : infarctus du myocarde, AVC : accident vasculaire cérébral), à une artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) ou au retrécissement de la valve aortique (RVA) en raison de la calcification de la valve et de la sténose aortique.
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