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Cardiologie générale

Publié le 02 mar 2004Lecture 6 min

Tératome mature du médiastin antérieur révélé par une myopéricardite

A. BENARAB*, I. KIOUEH**, C. ATHANI*, D. SALHI**, M. JEMOUR*, H. MALLET* *Centre hospitalier d’Albertville **Centre hospitalier intercommunal de Chatillon et de Monbard

Nous rapportons l’observation d’un tératome mature du médiastin antérieur découvert à l’occasion de douleurs thoraciques accompagnées d’un épanchement péricardique et d’un taux sanguin élevé de troponine. Ces complications sont rarement révélatrices de cette formation.

Le tératome mature est une tumeur germinale primitive de localisation peu fréquente au médiastin. Son contenu est fait de dérivés matures provenant de la lignée épidermique ou cutanée. Le diagnostic doit être évoqué, notamment chez le sujet jeune en présence d’une masse médiastinale d’allure tumorale hétérogène et calcifiée. Le dosage des marqueurs tumoraux, notamment l’alphafœtoprotéine et la bêtagonadotrophine chorionique, renforce l’orientation en réfutant le diagnostic de tumeur mature en cas de positivité. Seul l’examen histologique permet d’écarter la présence d’une part immature. La chirurgie est le traitement de choix de cette tumeur, permettant l’exérèse complète au prix des difficultés dues aux adhérences inflammatoires des structures de proximité.   Observation   Monsieur A. C., 25 ans, sans antécédents particuliers, sans facteurs de risque cardio-vasculaire, consulte au service d’accueil des urgences pour l’apparition de douleurs thoraciques s’accentuant lors de mouvements respiratoires. L’examen clinique indique un fébricule à 38°, une pression artérielle de 12/7, symétrique aux deux bras. On entend un frottement péricardique sans souffle valvulaire surajouté. Le murmure vésiculaire est bien transmis. L’électrocardiogramme laisse dérouler un rythme sinusal à 80/min avec un sus-décalage diffus de ST sans microvoltage (figure 1). Figure 1. Électrocardiogramme d’admission. Sus-décalage diffus du segment ST sans microvoltage ni alternance électrique. L’écho-Doppler cardiaque transthoracique confirme les modifications électriques de l’atteinte péricardique. Elle met en évidence une lame liquidienne. Absence d’atteinte de la cinétique segmentaire. La fraction d’éjection est estimée à 70 %, calculée selon le modèle géométrique de Simpson (figures 2 et 3). Les résultats biologiques sont en faveur d’un syndrome inflammatoire (CRP : 114 mg/l), hyperleucocytose à 16 000 éléments/mm3 à prédominance neutrophiles (84 %). Le dosage de la troponine est 6 fois supérieur à la normale (3 ng/ml). Figure 2. Échocardiogramme bidimensionnel d’admission. Coupe parasternale grand axe : lame péricardique inférieure. Figure 3. Échocardiogramme mode M d’admission. Coupe transventriculaire : décollement péricardique systolo-diastolique. La pratique systématique de la radiographie pulmonaire nous a contraints à réviser le diagnostic. En effet, elle montre une opacité médiastinale d’allure kystique effaçant le bouton aortique et l’arc moyen du bord cardiaque gauche. Le signe d’effacement évoque la position antérieure de la masse tumorale (figure 4). L’écho-Doppler cardiaque transœsophagienne, de rentabilité faible dans le diagnostic de tumeurs paracardiaques, n’a pas été jugée nécessaire. L’examen tomodensitométrique (figures 5 et 6) permet de visualiser au sein du médiastin antérieur une formation kystique liquidienne de 6 cm sur 5 cm, avec un contenu hétérogène : tissulaire calcifié. Cette masse est en contact direct par sa face postérieure avec l’aorte ascendante, l’artère pulmonaire, le tronc brachio-céphalique veineux et la veine cave supérieure. La médiastinoscopie antérieure gauche visualise la tumeur avec des formations cartilagineuses, de multiples petites dents de dimension millimétrique, ainsi que quelques débris de poils. La biopsie ne révèle pas de cellules immatures, l’aspect est en faveur d’un tératome bénin confirmé par le dosage de bêtagonadotrophine chorionique et de l’alphafœtoprotéine qui sont normales. Figure 4. Radio pulmonaire d’admission. Incidence de face : opacité médiastinale effaçant l’arc cardiaque supérieur gauche. Figure 5. Examen tomodensitométrique d’admission : masse médiastinale mesurant 5,9 cm/5,1 cm en rapport étroit avec les gros vaisseaux et comblant l’espace rétrosternal. Figure 6. Examen tomodensitométrique d’admission : masse médiastinale de densité hétérogène. Traitement   L’exérèse totale de la tumeur est pratiquée par thoracotomie latérale gauche. Les constatations peropératoires confirment les données anatomiques du scanner avec une atmosphère très inflammatoire de l’ensemble du médiastin touchant les gros vaisseaux. Le segment antérieur du péricarde est adhérent à la tumeur qui sera réséqué avec cette dernière en raison de l’absence du plan de clivage. Les suites opératoires sont simples. Aucune récidive n’est constatée depuis 2 ans.   Discussion   Les dysembryomes hétéroplastiques ou tératomes sont des tumeurs à prédominance féminine (sexe ratio 3/2). L’âge de découverte est situé entre 15 et 30 ans. Le tératome représente 60 % des tumeurs embryonnaires avec une maturité observée dans 80-88 % des cas. Bien que la localisation médiastinale soit peu fréquente (4 à 10 %), le tératome est le diagnostic à évoquer en présence d’une masse du médiastin antérieur. D’autres localisations plus rares ont été rapportées, comme le médiastin postérieur, le péricarde, intracardiaque et l’œsophage. Les localisations sacrococcygienne et gonadique restent les plus fréquentes.   Dans cette observation, le diagnostic initial était orienté vers une péricardite virale, compte tenu de l’âge du patient L’échographie cardiaque, actuellement souvent pratiquée dans les services d’accueil des urgences, a écarté une atteinte de la contractilité myocardique en objectivant un épanchement péricardique. En revanche, elle n’a pas permis de guider le diagnostic étiologique. Cet examen ultrasonore a bien des limites dans le diagnostic et la description des tumeurs paracardiaques. Le téléthorax systématique complétant le bilan initial a permis, dans ce contexte, d’orienter le diagnostic vers une tumeur médiastinale. Le scanner thoracique diagnostique est un examen de choix. La coexistence de différentes densités au sein d’une même formation d’allure kystique évoque le diagnostic de tératome. En plus de cette description, le scanner renseigne sur les rapports avec les structures de voisinage utiles au chirurgien. D’autres techniques peuvent être utiles au diagnostic, comme la résonance magnétique qui apporte la possibilité de coupes tridimensionnelles et une discrimination des différents tissus à l’aide de signaux différents. Les examens biologiques n’ont pas de spécificité Dans notre observation, il existe un syndrome inflammatoire. La libération de la troponine atteste la lyse myocardique, rarement décrite en présence de tératome médiastinal. Elle pourrait être expliquée par la réaction inflammatoire des couches épicardiques sous-jacentes au péricarde. La valeur prédictive de la troponine laissant présager d’éventuelles difficultés d’exérèse chirurgicale n’est pas connue. En revanche, l’élévation de la troponine, dans ce contexte de douleur thoracique, pourrait être confondu avec un syndrome coronarien aigu à haut risque de complications cardio-vasculaires. Le dosage de l’alphafœtoprotéine et de la bêtagonadotrophine chorionique, en revanche, est indispensable pour écarter une éventuelle immaturité. En effet, le tératome mature, par définition, ne sécrète pas ces marqueurs. Des cas de sécrétion endocrine par des tératomes matures ont été rapportés : sécrétion d’hormones thyroïdiennes, sécrétion d’anticorps antihématies. Des anomalies chromosomiques, en particulier le syndrome de Klinefelter, sont associées aux tumeurs germinales, ainsi qu’un cas de neurofibromatose ayant été décrit. Il n’existe aucun traitement médical, le recours à la chirurgie d’exérèse est indispensable. Le plus souvent, il consiste en une thoracotomie latérale. Les difficultés opératoires rencontrées sont en rapport avec la réaction inflammatoire, rendant invisible le plan de clivage, en particulier au voisinage du péricarde, comme c’est le cas dans notre observation. Le pronostic des tératomes matures du médiastin est néanmoins très bon si l’exérèse est complète. La dégénérescence à partir du tissu résiduel n’a pas, à ce jour, été rapporté.   Conclusion   L’épanchement péricardique associé à un taux élevé de la troponine est une complication rare de tératome mature médiastinal. Il est exceptionnellement révélateur de la tumeur. La sensibilité actuelle des techniques d’exploration cardio-vasculaire et leur pratique devenue presque quotidienne dans les services des urgences permettent de découvrir des formes de tératome médiastinal à symptomatologie cardiaque. Le bilan initial doit comprendre une radiographie thoracique devant toute douleur thoracique, en particulier en face d’une personne jeune à faible risque cardio-vasculaire. Le diagnostic de tératome doit être évoqué en cas de découverte d’opacité médiastinale. La préoccupation du praticien sera alors de rechercher le contingent immature au sein de cette tumeur dont la présence conditionne le pronostic.     Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal. 

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