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Cœur et sport

Publié le 25 avr 2006Lecture 8 min

Sportif senior, sportif âgé

A. DUCARDONNET*, J.-C. VERDIER*, F. CARRÉ** *Institut Cœur Effort Santé, Paris. **Hôpital Pontchaillou, Rennes

« No sport ! » clamait, le cigare aux lèvres, Winston Churchill qui est mort à 91 ans et reste la bonne conscience des non-sportifs. Mais forts d’arguments objectifs, les médecins en sont venus à « prescrire » l’activité physique et sportive (APS), au motif qu’elle est bénéfique à tout âge, y compris très tard. L’APS au cours du vieillissement peut être considérée non seulement comme un moyen de maintenir les fonctions physiques — endurance, souplesse, force musculaire, équilibre — mais aussi d’aider une dynamique mentale d’intégration sociale, d’estime de soi et de bien-être.

Sportif âgé n’est plus synonyme « d’oiseau rare » ou d’obsédé du sport… encore faut-il s’entendre sur les termes de « sportif » et « âgé ».   Sportif   On peut classer la population en trois catégories : • celui qui n’a jamais arrêté le sport, • celui qui en a fait et reprend, • celui qui n’en a jamais fait. Mais soyons clair, le terme de sportif pour le sujet âgé est le plus souvent un raccourci pour pratiquant d’APS.   L’âge   Données générales L’OMS l’a récemment réajusté à 75 ans. Plus pratique et sans être désobligeant, la notion de « senior » s’impose au-delà de 60 ans, ce qui représente 20 % de la population, soit 12 millions de personnes en France. Ce chiffre devrait passer à 27 % en 2020 et à 35 % en 2050. Les > 65 ans représentent 10 millions de Français. Au-delà des chiffres, le mode de vie et le devenir de ces seniors (60-70 ans) est essentiel : • 32 % sont des actifs et dans 20 ans ils seront 41 % ; • les fragiles, qui présentent une « faiblesse médicale ou d’exécution de tâches quotidiennes », sont 61 % et seront 54 % en 2035 ; • les dépendants ne représentent que 7 et 5 %. Tous ces chiffres font prendre conscience que pour le groupe actifs-fragiles (93 %), définir un bon usage de l’APS et sa mise en application devrait permettre un vieillissement de meilleure qualité.   À titre individuel L’âge physiologique reste notre point de repère à évaluer. Il est fonction des capacités à l’âge de 20 ans, des co-morbidités accumulées, et du degré de sédentarisation. La difficulté étant de faire la part du vieillissement physiologique et pathologique. Les études épidémiologiques retrouvent 5 affections en moyenne chez les > 65 ans : • cardiovasculaire, 71 % ; • ostéoarticulaires, 60 % ; • troubles endocriniens et du métabolisme, 59 % ; • troubles des lipides, 25 % ; • obésité, 15 % ; • troubles du sommeil, 15 % ; • états dépressifs 10 %, • enfin, 26 % déclarent avoir des difficultés à se déplacer (CREDES-DREES).   Le vieillissement physiologique cardiovasculaire La diminution des capacités fonctionnelles organiques est inéluctable avec l’âge et ce, dès l’âge de 20 ans. Entre 20 et 75 ans, la diminution de la consommation d’oxygène maximale (VO2) est de l’ordre de 9 % par décennie alors qu’elle n’est que de 5 % chez les pratiquants réguliers d’APS. Ainsi vers 85 ans la VO2 est de l’ordre de 18 ml/min/kg, au-dessus du fatidique 14 ml/min/kg nécessaire aux activités journalières et donc à la vie en autonomie. Cette baisse de la VO2 avec l’âge est principalement due au vieillissement physiologique des fonctions cardiovasculaires et musculaires squelettiques avec, au premier plan, une sarcopénie et une augmentation de la masse grasse, alors que les altérations indéniables de la fonction respiratoire sont moins limitantes. Les modifications cardiovasculaires avec leurs compensations sont résumées dans la figure proposée par J.-P. Émeriau. Figure. Physiopathologie du vieillissement cardiovasculaire. Il est important de rappeler qu’un bon niveau d’activité physique et de VO2 max est corrélé à un moindre risque de morbidité et de mortalité, en particulier cardiovasculaire, de façon indépendante, par effet direct et indirect sur les facteurs de risque.   Bilan du sportif âgé   Les 3 étapes classiques Le bilan pour le sportif âgé comporte les étapes classiques avec une attention particulière à la sphère cardiovasculaire, à l’état de l’appareil locomoteur et pulmonaire, au profil psychologique et à la prise de médicaments. L’ECG de repos et l’échocardiographie ont les indications classiques et seront d’autant plus souhaitables que l’âge physiologique s’élève. L’évaluation par l’épreuve d’effort (EE) reste un examen de choix avec quelques nuances liées à l’âge. Les appareils seront choisis en fonction des aptitudes et avec les protocoles suivants : – tapis (attention à l’équilibre au démarrage) : 2 km/h avec une pente à 0 %, puis accélération de 1 km/h toutes les 2 min jusqu’à la vitesse maximale tolérée puis augmentation de la pente : 5, 10... 15 % ; – ergocycle : 30 watts, puis 10 watts toutes les 2 min ; – ergomètre à bras : 20 watts puis 5 watts toutes les 2 min. Ainsi, sauf inaptitude locomotrice marquée, l’âge, voire le grand âge, ne doivent pas faire renoncer à l’épreuve d’effort. Dans différentes séries hors pathologie, le sujet de 80 ans réalise normalement son EE dans près de 80 % des cas, donc ne restons pas excessivement sous-maximal !   En cas de maladie coronaire ? - Après 75 ans, vu l’augmentation de la sensibilité et la diminution de la spécificité, il n’y a plus de valeur prédictive de l’EE. On peut cependant retenir de l’étude bordelaise de F. Leclercq chez la personne > 80 ans que l’EE est peu contributive au diagnostic positif de maladie coronaire (15 % de faux positifs après 80 ans et taux qui se majorent avec l’âge), mais qu’elle reste importante pour le suivi. - Pour les troubles du rythme, on retiendra l’intérêt de l’EE pour le diagnostic positif en cas de signe fonctionnel évocateur et pour évaluer la tolérance fonctionnelle d’une ACFA. Avant 75 ans, l’EE permet aussi d’apprécier le niveau d’aptitude physique. - Au-delà des informations cardiologiques, cette épreuve permet aussi d’apprécier le niveau d’aptitude physique. Sa valeur prédictive a été précisée par T. Yamazaki (hommes « sains » âgés de 57 ± 12 ans, évaluation sur les décès toutes causes dans un suivi de 6,6 ans). Pour les 38 % de décès cardiovasculaires, le facteur prédictif de l’EE le plus puissant, indépendamment de l’âge, est la puissance maximale en watts (ou en MET) maintenue. C’est même le seul facteur prédictif (hors EE « positives ») entre 70 et 75 ans. Par ailleurs, les valeurs des FC de récupération à 1, 3 et 5 min ont aussi une valeur prédictive sur la mortalité ultérieure. Plus la récupération est rapide, meilleur est le pronostic.   Contre-indications et évaluation des risques Les contre-indications temporaires sont comme habituellement les pathologies instables et les épisodes infectieux en cours. Pour les pathologies cardiovasculaires, les toutes dernières recommandations de Bethesda (voir Cardiologie Pratique N° 745, p. 12) et les recommandations de l’ESC restent les références, mais elles ne font aucunement mention des classes d’âge. Pour les risques sur le plan cardiovasculaire, les efforts isométriques soutenus (statique) ou sans respiration libre sont à proscrire quand la TA est instable ou le risque vasculaire patent. On connaît la montée systolique brutale pour des efforts à partir de 50 % de la force musculaire volontaire. Indépendamment des pathologies à risque arythmogène qui seront évaluées (EE et Holter en situation), l’excitabilité sur cœur à priori sain ne se modifie pas avec l’âge selon F. Pigozzi. Là-encore, les efforts brutaux et intenses sont contre-indiqués et un échauffement prolongé est nécessaire. Le paradoxe de l’exercice physique reste valable avec l’âge. L’effort physique surtout intense est dangereux, 7 à 20 fois plus de risque, ce qui donne raison à W. Churchill… ! mais alors il ne faut jamais faire d’effort intense dans la vie courante… car si l’on est sédentaire le risque est beaucoup plus élevé que celui d’un sujet entraîné. Pour l’infarctus, par exemple, le risque est multiplié par 2,4 quand il y a entraînement 3 à 4 fois par semaine, par 19,4 pour 1 à 2 fois par semaine et par…107 pour le sédentaire. Mais n’oublions pas qu’avec l’âge, c’est le risque locomoteur qui est le plus fréquent, le bilan articulaire, osseux et musculaire doit donc être soigneux.   Conseils Hormis les conseils classiques de choix de sports adaptés (endurance quasi-exclusive, compétition rarement), diversifiés (renforcement musculaire, gymnastique, etc.) et encadrés, d’échauffement (l’organisme est de plus en plus un « diesel » avec l’âge) du bon équipement, de l’hydratation, de la progression, de la régularité… les conseils seront adaptés aux objectifs eux-mêmes dictés par « l’âge ». Bien sûr, le « senior » devra connaître les signes qui le feront consulter : douleur thoracique, dyspnée ou fatigue inhabituelle, malaise, palpitations. Dans tous les cas, la triade de l’autonomie fonctionnelle : endurance, potentiel musculaire et potentiel sensitivo-sensoriel doit servir de fil rouge.   Endurance Marche à allure soutenue régulière, vélo, natation restent la base de l’endurance selon les schémas proposés (encadré 1). Les progrès lors de l’entraînement en endurance sont d’autant plus importants que le niveau de départ est faible, quel que soit l’âge. Les éléments de réussite restent la régularité, le caractère ludique et attractif qui doit s’intégrer dans la vie quotidienne. Encadré 1. Endurance. • 3 fois par semaine (ou plus!) • 30 à 60 min par séance • 40 à 60 % de la capacité maximale aérobie (ou réserve de FC) • Terrain souple, pauses, progression lente   Potentiel musculaire La force et le volume musculaires se modifient avec l’âge du fait de la sédentarité, des modifications de répartition tissulaire et de la diminution de la commande volontaire de la contraction musculaire. Le sujet âgé peut augmenter sa force musculaire de façon comparable au sujet jeune sédentaire avec des programmes simples (encadré 2). Encadré 2. Travail de la force musculaire. • 2 à 3 fois par semaine • 1 à 3 séries de 8 à 12 contractions sur 8 à 10 groupes musculaires • 70 à 80 % de la FMM, 10 secondes par répétition • 1 minute de repos entre chaque série • Vitesse lente, respiration…   Potentiel sensitivo-sensoriel L’approche sensitivo motrice repose sur le travail de l’équilibre, de l’adaptation de la posture et de la souplesse (encadré 3). Les pratiques gymniques comme le Taï Chi (enchaînement de mouvements physiques lents et parfois rapides dans différentes postures) ont montré dans de nombreuses études un bénéfice significatif dans la réduction des chutes (donc des fractures) et de la peur de tomber. Encadré 3. Souplesse. • 2 à 3 fois par semaine (ou plus!) • Étirements des principaux groupes musculaires, 20 à 45 secondes par groupe, répétés 1 à 4 fois • Échauffement ++ • Étirements statiques plus que dynamiques   Activités intellectuelles Enfin si les activités intellectuelles et de loisir exercent un effet protecteur vis-à-vis de la démence, un effet équivalent de l’exercice physique a été démontré. Sur plus de 1 700 personnes âgées Ž 65 ans et suivies pendant 6 ans, le taux de déclin cognitif a été évalué à 13 pour 1 000 personnes-années chez les sujets pratiquant une activité physique régulière (au moins 3 fois par semaine), comparativement à 19,7 pour 1 000 personnes-années chez les plus sédentaires. Plus qu’un effet préventif réel du risque de démence, le sport permettrait de retarder la survenue de la démence, ce qui n’est déjà pas si mal.   En pratique   De 65 à 75 ans, l’objectif d’amélioration de la longévité est prioritaire. Le patient peut encore souhaiter faire du sport et le cadrage évoqué précédemment permet de l’orienter. Le vrai groupe à risque est celui qui reprend son sport favori et a oublié que des années ont passées, soit il se fait mal, soit il abandonne faute de résultats. De 75 à 85 ans, le « S » d’APS disparaît quasiment toujours, l’objectif sera de faire une activité physique même modeste pour maintenir le plus longtemps possible une autonomie. Au-delà de 85 ans, l’activité physique assure le maintien de la qualité de vie au quotidien : travailler l’endurance (marche) pour se déplacer et les escaliers, le renforcement musculaire doux pour les tâches ménagères et la souplesse pour s’habiller, se chausser. Le travail de l’équilibre et de la coordination limitera le risque de chute. La pratique régulière de l’exercice physique est un moyen de lutter contre la morbidité à tout âge, mais aussi de développer et maintenir l’autonomie au cours du vieillissement… un moyen d’intervention parmi d’autres (social, mental, environnemental et nutritionnel) pour réussir son vieillissement.

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