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Valvulopathies

Publié le 14 nov 2006Lecture 7 min

Prothèse valvulaire aortique avec gradient élevé : un suivi régulier est nécessaire

R. ROUDAUT, CHU de Bordeaux, Pessac

Toute prothèse valvulaire, qu’elle soit mécanique ou biologique, nécessite un suivi régulier, en particulier par échocardiographie Doppler. Les recommandations de la Société française de cardiologie (SFC) prônent un contrôle au moins tous les 2 ans en l’absence de symptomatologie clinique nouvelle.

Évaluer l'aire valvulaire effective en complément du gradient La mise en évidence d’un gradient élevé peut être fortuite chez un patient peu ou pas symptomatique ou être observée à la faveur d’une complication : accident embolique, insuffisance cardiaque, tableau orientant d’emblée vers une dysfonction de prothèse… Sur le plan physiopathologique, un gradient élevé peut être lié à une augmentation du débit ou à une sténose au niveau de la prothèse. Il importe donc, dans tous les cas, d’évaluer, en plus du gradient, l’aire valvulaire effective (AVE) qui, certes, ne correspond pas à l’aire anatomique, impossible à mesurer, mais qui donnera une information complémentaire permettant d’orienter ou non vers une sténose. Il faut savoir que cette aire fonctionnelle obtenue par l’équation de continuité est toujours inférieure à l’aire géométrique.   En pratique • Une élévation de gradient sans diminution de l’AVE peut correspondre à un hyperdébit (anémie, hyperthyroïdie, fistule, fuite paraprothétique). • Une élévation de gradient, associée à une diminution de surface peut correspondre à plusieurs mécanismes : - gradients localisés sur prothèse mécanique de petit calibre, - disproportion patient-prothèse (DPP ou « mismatch »), - véritable obstruction par un obstacle : thrombus, pannus, végétation, dégénérescence de bioprothèse.   Une interprétation analytique L’interprétation d’un gradient élevé sur prothèse se fera pas à pas, en tenant compte des données de l’anamnèse (type de prothèse : mécanique biologique, et surtout sa taille) et des paramètres de référence postopératoires.   Comment interpréter les données échographiques ? L’examen clinique est essentiel (recherche d’une fièvre, de signes d’insuffisance cardiaque, de troubles du rythme, d’embolie systémique…). Parmi les examens complémentaires, l’écho-Doppler sera au moindre doute complété par un radiocinéma de valve (RCV) (pour les prothèses mécaniques), voire une ETO. Dès lors, deux situations peuvent être envisagées : • un gradient modérément élevé, présent dès la période postopératoire, doit faire envisager avant tout un gradient localisé sur prothèse mécanique ou une disproportion patient-prothèse, • à l’inverse, un gradient élevé d’apparition récente doit faire rechercher une obstruction. L’obstruction sur prothèse Elle peut être liée à un thrombus, un pannus, une végétation, une dégénérescence de bioprothèse (figures 1 et 2). Figure 1. Prothèse aortique avec gradient élevé : thrombose de prothèse chez une patiente opérée en 1981 à l’âge de 23 ans d’une prothèse aortique St Jude n°19 et d’une prothèse mitrale St Jude n°31. Figure 2. Prothèse aortique avec gradient élevé : pannus fibreux. Femme de 65 ans opérée en 1976 : prothèse AoBjörk n°21, examinée en 2000 pour dyspnée ; aggravation progressive du gradient initial (25 mmHg) lors des contrôles annuels : 80 mmHg ETO : pannus sous-valvulaire ; chirurgie : confirmation du pannus. Les thromboses sont beaucoup plus fréquentes avec les prothèses mécaniques qu’avec les prothèses biologiques, elles sont souvent observées dans un contexte de défaut d’anticoagulation (phase postopératoire précoce, relais d’anticoagulant pour chirurgie extracardiaque, grossesse…). Ces thromboses sont habituellement d’installation aiguë, à la différence du pannus fibreux qui peut se développer sur toute prothèse (mécanique ou biologique) mais qui obstrue progressivement la prothèse et n’apparaît en règle que plusieurs années après l’opération. Il faut savoir que le pannus fait le lit de la thrombose et que les deux phénomènes peuvent donc être associés (surtout en position mitrale). Le diagnostic différentiel thrombus/pannus est loin d’être toujours facile (tableau 1). Selon J. Barbetseas, en échocardiographie le pannus est hyperéchogène, épais, immobile en anneau, alors que le thrombus est hypoéchogène, sauf s’il est organisé, ancien, et souvent irrégulier, mobile. En position aortique, le pannus se développe le plus souvent en anneau sur la face ventriculaire de la prothèse et l’ETO peut être très utile pour analyser au mieux le mécanisme de l’obstruction. Par ailleurs, en radiocinéma de valve, on observe classiquement une dysfonction des ailettes en cas de thrombose, alors qu’un pannus peut ne pas interférer avec le jeu des ailettes. Les gradients localisés sur prothèse mécanique aortique de petit calibre (figure 3). Ce phénomène, observé avec les prothèses de petit calibre (19 ou 21), a été décrit depuis plus de 20 ans. Les travaux sur banc hydraulique réalisés par A.P. Yoganathan, Baumgartner et P.M. Vandervoort ont bien montré qu’ils sont générés au niveau du couloir central des prothèses de petit calibre. Ils peuvent être favorisés par l’orientation de la prothèse, la forme de la chambre de chasse (l’angulation VG/aorte), la taille de l’aorte ascendante (phénomène de restitution de pression d’autant plus élevé que l’aorte est de petite taille). Ces gradients sont généralement modérés et constatés dès la période postopératoire. Figure 3. Prothèse aortique avec gradient élevé : prothèse Ao de petit calibre avec gradients localisés. Apanage des prothèses petit calibre, position Ao. Nombreux facteurs favorisants : - type-taille-orientation prothèse - forme chambre de chasse : bourrelet septal, angulation Vg-Ao - phénomène : d’accélération localisée et de restitution de pression (petite aorte). La disproportion patient-prothèse (DPP, mismatch) (figures 4 et 5) (tableau 2). Le terme de mismatch a été défini par S.H. Rahimtoola : la disproportion patient-prothèse est observée lorsque l’aire valvulaire effective (indexée à la surface corporelle) est inférieure à la surface de la valve native. Figure 4. Notion de diamètre externe, interne et de surface anatomique d’une prothèse mécanique aortique St Jude n°19. Figure 5. Prothèse aortique avec gradient élevé : dysproportion patient-prothèse (DPP). Femme de 79 ans, opérée en 1989 avec une Carbomedics aortiquen°19 ; persistance de dyspnée d’effort satde 2, HVG, PAPS = 45 mmHg, EE : stop 30 W1’, ESV++ ; Gradient à 30-35 mmHg dès la période postopératoire. La DPP En pratique, le mismatch est observé lorsque l’AVE est trop petite compte tenu de la surface corporelle du patient. Cela génère un gradient élevé puisque le gradient est directement proportionnel au débit et inversement proportionnel à l’AVE : G = Q2/K x AVE La prévalence de la DPP a été évaluée par plusieurs équipes et en particulier celle de Québec (J.-G. Dumesnil et P. Pibarot) ; elle serait de l’ordre de 20 à 70 % pour les prothèses aortiques. En effet, toute prothèse est plus ou moins obstructive. Les gradients les plus élevés sont habituellement observés avec les bioprothèses de petit calibre plutôt qu’avec les prothèses mécaniques de petit calibre. Les valves stentless ont un meilleur profil hémodynamique ainsi que les homogreffes. La DPP est définie par Pibarot et coll. comme une AVE < 0,85 cm2/m2. Elle est dite modérée par une AVE comprise entre 0,65 et 0,85 et sévère pour une AVE < 0,65 cm2/m2. L’impact clinique d’une telle DPP a fait l’objet de nombreux travaux de la littérature mais reste discuté, comme l’attestent les éditoriaux récents de T. David et D. Taggart. Plusieurs d’entre eux montrent qu’une DPP va de paire avec une mortalité périopératoire plus importante, en particulier lorsque la fonction VG est altérée (FE < 45 %). Cependant, Tirone E. David, dans un éditorial récent, souligne que la population à petit anneau aortique est une population à haut risque chirurgical dans la mesure où le geste opératoire est plus complexe et nécessite parfois des gestes associés (myectomie septale, pontages coronariens). Il s’agit également souvent de patients âgés, avec HVG. Tous ces éléments représentent autant de facteurs qui peuvent en soi expliquer une morbi-mortalité postopératoire plus importante. Pour plusieurs auteurs, la DPP est responsable de la persistance des symptômes, en particulier à l’effort et de la moindre régression de l’HVG. En revanche, il ne semble pas que la survie à long terme soit compromise (résultats contradictoires des différentes séries de la littérature). L’équipe de Pibarot insiste sur l’importance de prévenir la DPP : • par la détection de « malades à risque » : patients âgés avec petit anneau aortique (< 18 mm) et/ou petite chambre de chasse du VG (< 15 mm), • par la mesure de la surface corporelle du patient, • par le choix du type et de la taille de la prothèse. La préférence sera donnée aux prothèses de nouvelle génération dotées d’un meilleur profil hémodynamique. Le chirurgien peut aussi envisager une prothèse supraannulaire ou un élargissement de l’anneau aortique, technique à réserver entre les mains d’experts. Les éléments sus-cités permettront de déterminer « l’AVE minimale » que doit avoir la prothèse pour éviter la DPP pour un patient donné. AVE minimale = Sc x 0,85 cm2/m2 Par exemple, pour un individu de 1,60 m2 de Sc, la valeur de l’AVE est de 1,36 cm2. Ce chiffre permet de choisir le type de prothèse en fonction des abaques donnés par les différents industriels pour un numéro de prothèse donné. Bien entendu, le chirurgien doit également tenir compte de l’âge et de l’activité physique du patient. En effet, chez un patient âgé, on accepte une DPP modérée qui n’aura de traduction éventuelle qu’à l’effort. Par contre, chez un patient jeune, actif, ce problème devient crucial. La conduite à tenir en présence d’une DPP sévère est délicate, une chirurgie redux est toujours à risque.   En conclusion   La DPP est une complication prévisible du remplacement valvulaire aortique par prothèse de petite taille. Elle est évitable par l’utilisation d’une stratégie prospective préopératoire. Ce problème est particulièrement important s’il s’agit d’un sujet jeune actif ou d’un patient avec un « mauvais VG ». Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal.

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