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Chirurgie

Publié le 09 oct 2007Lecture 7 min

La « super-urgence » en transplantation cardiaque

P. LEPRINCE, N. BONNET, A. PAVIE et I. GANDJBAKHCH, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris

L’établissement français de greffe et l’agence de la biomédecine (ABM) obéissent à des règles de répartition des organes dont le but est d’homogénéiser l’accès à la greffe entre les différents centres transplanteurs, tout en limitant les durées d’ischémie. Le système européen Eurotransplant, ou encore le système britannique, ont établi une liste prioritaire dite de « super-urgence ». En France, la liste de « super-urgence » nationale en transplantation cardiaque a été ouverte en juillet 2004. Quel en est le fonctionnement et quels sont à ce jour les résultats obtenus ?

L’accès à la greffe Afin de respecter une certaine équité dans l’accès à la greffe, chaque pays a défini un certain nombre de règles de répartition des organes. L’allocation de l’organe peut être nominative : la proposition est alors faite pour un patient donné, le refus du greffon pour le patient désigné amène à proposer le même greffon pour un autre patient, quel que soit le centre dans lequel il est inscrit. L’allocation peut être « centre-dépendante » : l’organe est alors proposé à un centre transplanteur qui choisit le receveur sur sa liste d’attente de transplantation. En France, c’est ce second modèle qui prévalait jusqu’à récemment pour l’allocation des greffons cardiaques. Il existe ainsi une priorité locale (centre(s) de prélèvement rattaché(s) au centre transplanteur) puis inter-régionale (7 inter-régions sont définies) avant que le greffon ne soit proposé aux autres inter-régions. Le receveur est ensuite sélectionné parmi les receveurs potentiellement compatibles et inscrits sur la liste d’attente du centre ayant eu la proposition, en fonction de l’ancienneté d’inscription mais aussi de la gravité du patient, de la qualité du greffon, etc.   Une liste prioritaire Depuis plusieurs années, le système américain de répartition des organes UNOS (United Network for Organ Sharing) (tableau). Le système européen Eurotransplant, ou encore le système britannique, ont établi une liste prioritaire dite de « super-urgence ». Quel que soit le système considéré, l’attente sur ces listes prioritaires est rapidement devenue rédhibitoire, au moins supérieure à 6 mois, ce qui les rend relativement inefficaces. La « super-urgence » nationale en transplantation cardiaque L’ABM via les experts des groupes de travail et son conseil scientifique a défini deux types de « super-urgence » (SU). La SU1 concerne les patients en attente de transplantation cardiaque, sous inotropes et dont l’état hémodynamique se détériore de telle sorte qu’ils présentent une indication imminente à l’implantation d’une assistance circulatoire. Le but est ainsi d’éviter à certains patients un passage par l’assistance circulatoire en leur permettant un accès prioritaire à la transplantation. La SU2 concerne les patients sous assistance circulatoire qui présentent un accident vasculaire cérébral régressif avec un risque de récidive.   Organisation de la SU1 L’inscription d’un patient en SU1 passe par la soumission du cas à un avis d’expert. Un formulaire doit être rempli et faxé à l’ABM. Ce formulaire vise à renseigner l’expert notamment sur l’état de gravité du patient et inclut des informations sur les drogues inotropes utilisées, les fonctions rénale et hépatique. Très souvent ces informations sont complétées par un texte libre qui permet de décrire au mieux la situation. Il est à noter que les patients sous assistance circulatoire de courte durée de type ECMO entrent dans le cadre de la SU1. En effet, dès lors qu’ils sont parfaitement stabilisés sous ECMO, et en l’absence d’une récupération potentielle de la fonction myocardique, ces patients ont une indication à l’implantation d’une assistance circulatoire plus lourde. De ce fait, ils entrent dans la définition de la SU1. Après réception de ce fax, l’ABM contacte l’un des experts afin qu’il valide ou non l’inscription du patient sur la liste de SU. Les experts sont des médecins impliqués dans l’activité de transplantation cardiaque et qui se sont portés volontaires pour remplir cette fonction. L’expert contacté ne doit pas appartenir à l’inter-région dont dépend le centre de transplantation demandeur. En cas de refus, le patient pourra faire l’objet d’une nouvelle demande uniquement en cas de modification de son statut. Après acceptation, le patient est inscrit sur la liste de SU1 pour 48 heures renouvelables 1 fois. Le renouvellement doit faire l’objet d’une nouvelle demande non soumise à avis. Le patient peut être retiré de la liste de SU à tout moment et il conserve alors le crédit du temps non écoulé. Pendant toute sa période d’inscription, le patient est prioritaire à l’échelle nationale pour tout greffon cardiaque proposé. Il est à noter que, de façon concomitante à la demande de SU, est habituellement associée une demande de dérogation de groupe qui permet de transplanter le patient non plus uniquement avec le greffon d’un donneur isogroupe mais aussi dans le cadre d’un groupe compatible (patient du groupe A ou B avec un donneur du groupe O et patient du groupe AB avec un donneur de groupe O ou A). Cette dérogation est éventuellement utilisable en dehors du contexte de la SU. S’il existe plusieurs receveurs de même groupe sanguin sur la liste de SU, l’ordre chronologique d’inscription est pris en compte en plus des critères morphologiques, à savoir la surface corporelle ou le poids. Si le patient n’a pas été transplanté pendant la période des deux fois 48 heures, il ne peut être réinscrit sur la liste de SU. En toute logique, il devrait alors être rapidement implanté avec une assistance circulatoire ou au contraire être considéré comme trop grave pour supporter ce geste et décéder.   Organisation de la SU2 La SU2 fonctionne sur les mêmes principes que la SU1 mais concerne les patients sous assistance circulatoire qui ont présenté un accident ischémique transitoire ou un accident vasculaire cérébral régressif avec un risque de récidive. L’inscription est faite pour 8 jours et est renouvelable. Les patients sous ECMO n’entrent pas dans le cadre de la SU2, même en cas d’accident neurologique car il est facile de changer le circuit d’ECMO si cela s’avère nécessaire.   Expérience de la SU dans le service de chirurgie cardiaque du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière Entre juillet 2004 et octobre 2006, nous avons fait une demande d’inscription en SU1 pour 39 patients inscrits sur notre liste d’attente de transplantation cardiaque. Toutes les demandes ont été acceptées (selon les données de l’ABM fournies par le Dr Tixier, sur le plan national, le taux de refus d’inscription en SU en 2006 était de 6 %). Les patients pour lesquels nous avons fait cette demande étaient tous sous inotropes et, dans 8 cas (22 %), la stabilité hémodynamique était maintenue grâce à l’utilisation d’un système d’assistance périphérique de type ECMO. (Dans l’expérience nationale, 27 % des patients inscrits en SU1 étaient sous ECMO et 42,5 % étaient ventilés mécaniquement). Les taux moyens de créatinine et de bilirubine totale étaient respectivement de 141 ± 104 mmol/l et 48 ± 40 mmol/l. Trente-six patients ont été transplantés dans le délai réglementaire de la SU. Cela représentait 25 % de notre activité de transplantation (ce taux était voisin de 50 % dans l’expérience nationale). Pour ces patients, le délai moyen d’attente totale sur la liste (comprenant l’éventuelle période d’inscription avant la SU) était de 15 ± 25 jours [1-105] et 45 % d’entre eux ont eu un délai d’attente total inférieur à 5 jours (sur le plan national, la médiane d’attente était de 2 jours). Dans les 24 heures suivant leur inscription en liste d’attente d’un greffon cardiaque, près de la moitié des patients sont inscrits en SU. En ce qui concerne nos 3 patients qui n’ont pas été transplantés pendant la période de SU, l’un a été implanté avec un cœur artificiel total et a été transplanté 2 mois plus tard. Un second pour lequel l’implantation d’une assistance était programmée a finalement été transplanté. Enfin, un patient sous ECMO est décédé au 7e jour. Dans l’expérience nationale, 15 % des patients inscrits en SU étaient décédés sans être transplantés (10 % des patients sous ECMO). Par ailleurs, dans le bilan 2006 de l’ABM, parmi les patients pour lesquels l’inscription en SU avait été refusée, 60 % ont été transplantés et 30 % sont décédés. Dans notre expérience, la mortalité hospitalière a été de 18 % et la survie actuarielle à 2 ans était de 79 % (81 % a 1 an dans l’expérience nationale).   En pratique   L’une des originalités de la liste de « super-urgence » mise en place par l’ABM est le caractère limité dans le temps de l’inscription, ce qui évite la surcharge de cette liste prioritaire qui peut ainsi rester efficace. Cette organisation permet de favoriser l’accès à la greffe des patients ayant le risque de décès à court terme le plus élevé, sans détériorer les résultats de la transplantation. En revanche, cette redistribution des greffons doit faire discuter l’utilisation des nouveaux systèmes d’assistance circulatoire en alternative à la transplantation chez les patients stables et ayant une dysfonction isolée du ventricule gauche. Procédures d’application des règles de répartition et d’attribution des greffons prélevés sur personne décédée. Application de l’Arrêté du 06 novembre 1996 modifié par les arrêtés du 30 août 2002 et du 2 juin 2004. Extrait pour les équipes de greffe thoracique.

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